Avril 1932. Les soucis mondiaux s'étendent.
 
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 Avant le retour au pays

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Antoine Lefort
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MessageSujet: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptyVen 17 Juil - 11:16

C’était une journée très… étrange, qui débutait. Très stressante, aussi. Cette nuit, vers minuit ou une heure du matin, il ne savait plus, plusieurs garçons de leur dortoir avaient quitté doucement les lieux. Jasper avec eux. Ils s’étaient habillés, avaient pris leurs affaires, dit au revoir à leurs amis, jetés leurs sacs sur le dos, puis ils avaient quitté la grande pièce. Plusieurs des garçons restant s’étaient précipités aux fenêtres, pour observer, dans la nuit, deux camions se remplir dans la cour de l’orphelinat, puis les quitter. Ce matin-là, Antoine restait assis sur son lit, la tête entre les mains, avec à la fois l’impression d’avoir fait un long cauchemar et le sentiment très amer de ne pas avoir dit au revoir assez bien à son meilleur ami. Hier, Jaz avait passé la journée avec sa sœur, eux-mêmes s’étaient vus, juste tous les deux, plusieurs fois quand ils l’avaient pu, ou avec d’autres amis. Et le voilà parti. Parti pour l’Est, c’était bien ça qui angoissait le plus le jeune homme. Parti pour les départements où la guerre faisait rage avec le plus de violence.

Évidemment, il ignorait quelles missions attendaient exactement son meilleur ami, mais il savait que ce sera très dangereux. Il n’y avait vraiment pas de quoi être très rassuré. Il se leva enfin, puis enfila ses chaussures, avant d’aller prendre son petit-déjeuner. Ce matin-là, un beau soleil brillait au-dessus de l’Houmeau et des plages, un temps magnifique, bien que froid, clair et dégagé. Un temps qui en réjouissait plus d’un, l’ambiance était au beau fixe. En arrivant dans le réfectoire, Antoine croisa Genji, près des portes, le saluant d’un sourire puis lui demandant s’il allait bien. Il avait su que le jeune homme allait rentrer avec sa famille, au Japon, retrouver ses petites sœurs et poursuivre sa lutte là-bas. La France n’était évidemment pas le seul pays où les élémentaires avaient des soucis… Ils discutèrent d’un peu de tout et rien, en prenant sur un plateau de quoi manger, du pain de campagne, du lait, du café fort pour ceux qui en voulaient, quelques fruits. Le réfectoire en lui-même avait beau être plutôt glauque, le bruit soulevé par les conversations aidait à faire passer la sensation d’enfermement.

Sachant qu’ils ne se reverront plus avant très longtemps – peut-être même jamais… – et parce qu’ils avaient du temps libre, Antoine proposa à Genji d’aller faire un tour en ville, ce matin. Pour discuter, se promener, prendre un bon bol d’air… Se détendre un peu, somme toute. Ils pouvaient aussi aller voir un film, si ça lui faisait envie, il devait bien y avoir quelques sorties intéressantes, ces derniers temps ! S’être engagé dans un tel mouvement ne signifiait pas qu’ils ne devaient pas tout faire pour profiter au maximum de leur jeunesse, de leur vie en fait, tout court, avant d’être fauchés, tels le blé en plein été. Ils terminèrent de manger en essayant de ne pas aborder de sujets trop graves, par égard pour des enfants plus jeunes assis près d’eux, à la longue table, puis s’habillèrent plus chaudement pour quitter l’orphelinat. Antoine, pour sa part, ignorait combien de temps encore il restera dans les environs. Le travail qu’il avait entrepris se faisait ici, cachés dans les sous-sols de l’établissement, mais pour combien de temps ? C’était impossible à déterminer. Les mains dans les poches, il tourna un peu la tête vers le Japonais, tout en marchant.

– Pour quand est prévu votre retour au pays, avec ton père ? Tu reprendras tes études, une fois sur place ?
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Genji Nakajima
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Genji Nakajima
MessageSujet: Re: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptyMar 11 Aoû - 11:54

Un petit salut lui fit tourner la tête, juste au moment d’entrer dans le réfectoire. Antoine venait d’arriver à sa hauteur, l’air à peine plus réveillé que lui. Genji hocha la tête, répondant que oui, ça allait plutôt bien, gardant pour lui la montagne de pensées qu’il lui vint en tête au même instant. Allait-il vraiment « bien » ? Que signifiait aller bien, désormais ? Qui allait bien, sincèrement, en temps de guerre ? Ou plutôt, non, mauvaise question, qui allait vraiment bien, parmi ceux et celles directement visés par l’État ? Tant de questions qu’il ne posa évidemment pas. D’une part parce que plus personne n’avait la réponse, d’autre part parce qu’il ne voulait pas se plomber l’esprit un peu plus, il y avait déjà trop de raisons pour en rajouter encore plus. A la place, il se força à engager une autre conversation, beaucoup plus classique, avec Antoine, tout en entrant dans le réfectoire. Une conversation comme ils en auraient eu dans les couloirs de l’ancien pensionnat, entre deux cours, une discussion entre deux jeunes hommes, que rien n venait perturber.

Pourtant, il avait beau faire des efforts, rien ne pouvait le tirer du malaise ambiant, pas même les sourires de pas mal d’orphelins à la vue du beau temps. Il ne pouvait pas ne pas remarquer l’absence de Jasper et de certains autres jeunes de leur âge, ou à peine plus, partis cette nuit avec des adultes, vers la guerre. Ils n’étaient pourtant qu’une dizaine à être partis, cette nuit, mais ça se voyait. Ça se ressentait. Et alors que leur discussion passait d’un sujet banal à l’autre, Genji était incapable de s’empêcher de penser à leurs amis, partis pour l’Est. Il essayait de s’empêcher de penser au pire, se dire que tout ira bien, mais aucun de ces mensonges ne parvenait à se frayer un véritable chemin dans son esprit. Il avait peur, voilà tout… De tous ceux qu’ils avaient déjà vu partir vers la guerre, beaucoup n’étaient pas revenus vivants. En suivant Antoine pour qu’ils aillent s’asseoir quelque part, dans le réfectoire, il tentait tout pour contrôler sa peur, ne pas la montrer. Au contraire, c’était du courage qu’ils devaient tous avoir, maintenant.

Non, en fait, ce n’était pas tant la peur de mourir qui lui tordait le ventre mais celle de souffrir. Il avait peur de, de… De ne pas être tué sur le coup mais de vivre le même genre d’horreurs que monsieur Marcoh, ou encore d’Asselin, d’être enfermé, emprisonné ou torturé. Il avait peur de la privation de liberté et de la douleur, plus que tout. Peur de al douleur physique et mentale. Son oncle avait traversé ça, comme tant d’autres, et il avait bien vu le résultat… Presque silencieux, le temps du repas, il accepta facilement de sortir avec Antoine faire un tour, ce matin, pour prendre l’air. Une fois terminé de manger, ils enfilèrent gants, manteaux et écharpes, pour quitter l’établissement, s’engageant vite dans les rues du village. Là, Genji laissa enfin échapper un très long soupir, libérateur, et se permettre de laisser exprimer une petite partie de ses émotions.

– Pour quand est prévu votre retour au pays, avec ton père ? Tu reprendras tes études, une fois sur place ?

– Je ne suis pas sûr qu’il rentre aussitôt avec nous, il devait aussi s’entraîner un peu. Et puis, Gabriella n’a pas encore accouché et il doit emmener son bébé chez nous, à l’abri. On doit partir avec mes tantes et les enfants, dans… Je ne sais pas exactement combien de temps, mais ce sera bientôt. Pour mes études, oui, il faut bien.

Reprendre une vie normale était un pas indispensable, et surtout, s’il voulait être utile, pendant et après cette guerre, se former restait indispensable. Même si c’était dur, même si ce sera compliqué de rester concentré, même s’il aura peur pour les proches au pays… Il se força à sourire un peu, ne voulant pas démoraliser Antoine en affichant une tête d’enterrement en permanence. Il ne savait pas vraiment si on pouvait s’habituer à ce genre de choses, mais bon…

– Et toi, ta famille ? Ils savent où tu es ? Ou ce que tu fais ?
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Antoine Lefort
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Antoine Lefort
MessageSujet: Re: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptyMer 19 Aoû - 9:08

– Je ne suis pas sûr qu’il rentre aussitôt avec nous, il devait aussi s’entraîner un peu. Et puis, Gabriella n’a pas encore accouché et il doit emmener son bébé chez nous, à l’abri. On doit partir avec mes tantes et les enfants, dans… Je ne sais pas exactement combien de temps, mais ce sera bientôt. Pour mes études, oui, il faut bien.

– Ah, elle envoie ses enfants loin, alors.

Ça avait beau être un projet parfaitement normal et logique, parfaitement sensé, Antoine ne put s’empêcher d’être un peu surpris quand même. Il essaya de se reprendre assez vite, en se répétant que oui, de toute façon, c’était quand même normal ! En tant que chef de ce réseau de Résistance, Gabriella était littéralement devenue la cible numéro un à abattre, pour ce pays, et même dans ses propres rangs, elle était bien loin de n’avoir que des alliés, ce n‘était pas un secret. Ses enfants ne pouvaient être, de facto, que des cibles supplémentaires et des objets de chantage. Il rendit son sourire à Genji, voyant bien qu’il essayait lui aussi de ne pas trop afficher une tête d’enterrement. Ils marchaient depuis quelques minutes dans une rue longeant la plage et Antoine les fit bifurquer vers cette dernière, vide à cette heure, hormis quelques pêcheurs près du rivage, à deux ou trois cents mètres de là. Lorsqu’on voulait parler tranquille, une plage en hiver était le lieu idéal. Le vent emportait les mots au loin, vers l’horizon, et on ne pouvait les entendre. Et puis, il avait toujours profondément aimé la mer…

– Et toi, ta famille ? Ils savent où tu es ? Ou ce que tu fais ?

– Ce que je fais… Je suppose que oui. Je pense qu’ils comprennent, même si j’aurai aimé qu’ils n’y réfléchissent pas trop. Mais où je suis, non, bien sûr que non. Je ne veux pas les mettre en danger. Mes parents ne vivent pas si loin d’ici, finalement, mais je n’ai pas tenté de les revoir. Mon père est pêcheur, ma mère l’aide et tient un petit commerce. Ils n‘ont jamais été mêlés à des événements graves et je tiens à ce que ça reste comme ça.

Évidemment, il s’inquiétait pour ses parents, et dans le même temps, il ne voulait pas leur donner la moindre nouvelle, c’était beaucoup trop risqué. S’ils ne savaient rien, ils ne pouvaient pas avoir d’ennuis ni être tentés de faire quoi que ce soit de stupide. Antoine avait choisi sa voie, il avait choisi de ne pas retourner vers eux mais de suivre le mouvement dans l’école éphémère, puis ici, dans ce village et proche de la Rochelle. Il avait eu le choix, il avait eu plusieurs occasions de tout abandonner et rentrer dans sa famille. Ses parents le savaient. Alors, peut-être lui en voulaient-ils d’avoir fait ce choix, par peur de le perdre, mais le jeune homme ne reculera pas. C’était comme ça. Son frère et sa sœur aussi devaient peut-être lui en vouloir. Il ne savait même pas s’il les reverra un jour.

– Parfois, dit-il enfin, je voudrai pouvoir être face à eux, leur expliquer pourquoi je n’ai pas voulu juste abandonner et revenir auprès d’eux. J’ai une grande sœur et un petit frère, eux non plus, je ne les ai plus vu depuis des mois… J’aimerai pouvoir leur dire que je vais bien, qu’ils puissent comprendre pourquoi je ne suis pas rentré, et que je ne regrette pas d’avoir choisi cette voie. Je voudrai qu’ils… ne pleurent pas s’il m’arrive quelque chose un jour. Qu’ils soient fiers, au contraire.

Était-ce bizarre de souhaiter ça ? Il eut un rire un peu nerveux, lui échappant avant qu’il ne puisse se reprendre. Il n’était pas le seul à suivre cette voie ! Océane était déjà partie depuis des jours et des jours dans l’Est. Jasper était parti la nuit dernière. Lui et bien d’autres encore ne tarderont plus.

– Je sais bien que c’est égoïste, de vouloir les revoir au moins une fois. Et impossible. Mais… Voilà… Je ne sais pas. Tu penses qu’ils comprendront ?
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Genji Nakajima
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Genji Nakajima
MessageSujet: Re: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptySam 22 Aoû - 10:55

Genji croisa un peu les bras, tout en marchant et en parlant avec Antoine. Il comprenait bien qu’il ne veuille pas impliquer sa famille dans tout ça, c’était normal, dangereux… Ils avaient juste eu deux réactions différentes, en fait, face à ça. Genji avait choisi de retourner auprès des siens et de mener ce combat d’une autre façon, moins ouvertement, moins directement, et sans prendre les armes. Antoine, de son côté, avait décidé de couper les ponts avec les siens pour ne pas les mettre en danger, car lui comptait s’engager plus franchement. Il ignorait combien de personnes encore étaient dans le même cas, en France mais aussi partout dans le monde… Il se mordilla un peu les lèvres, passant par-dessus le petit muret pour accéder à la plage, puis levant un peu le nez pour profiter du vent. Ce qui était horrible, finalement, c’était de devoir réfléchir sérieusement à ce genre de projets à leur âge. Eux avaient encore le « choix ». Ils étaient juste assez vieux pour combattre assez efficacement, pas assez jeunes pour qu’on les empêche d’aller sur le terrain. Ou, plutôt, pas pour de grosses opérations.

– Parfois, je voudrai pouvoir être face à eux, leur expliquer pourquoi je n’ai pas voulu juste abandonner et revenir auprès d’eux. J’ai une grande sœur et un petit frère, eux non plus, je ne les ai plus vu depuis des mois… J’aimerai pouvoir leur dire que je vais bien, qu’ils puissent comprendre pourquoi je ne suis pas rentré, et que je ne regrette pas d’avoir choisi cette voie. Je voudrai qu’ils… ne pleurent pas s’il m’arrive quelque chose un jour. Qu’ils soient fiers, au contraire.

Le jeune Japonais ne répondit pas, marmonnant une très brève réponse entre ses dents, alors que son ami lâchait un rire nerveux. Il ne croyait pas une seconde qu’une mère ne puisse pas pleurer, et être d’abord fière, car son fils avait trouvé la mort. Quel parent pourrait d’abord être fier, en enterrant son propre enfant… ? Il avait un lourd frisson, rien qu’à cette pensée, car il imaginait la réaction de sa propre mère si jamais les forces de l’ordre frappaient à la maison pour venir lui annoncer qu’il était mort. Elle s’effondrerait… Elle crierait, pleurerait ou il ne savait pas, mais elle ne serait évidemment pas fière du tout. Son père aussi… Ils avaient eu des mots, des problèmes, et ils s’étaient beaucoup disputé sur une longue période, mais Genji savait que son père l’aimait malgré tout, les choses s’amélioraient progressivement entre eux.

– Je sais bien que c’est égoïste, de vouloir les revoir au moins une fois. Et impossible. Mais… Voilà… Je ne sais pas. Tu penses qu’ils comprendront ?

– Dès le début ? Honnêtement, je… je ne crois pas, franchement. Pas aussitôt. Aucun parent ne veut voir mourir son propre enfant ! Avec le temps, et tout ce qui se passe, peut-être, oui, peut-être qu’ils comprendront, mais pas avant longtemps. Enfin, c’est ce que je crois, je ne peux pas dire exactement comment ils réagiront.

Il aurait bien voulu rassurer Antoine ou lui mettre un peu de baume au cœur, mais là, non, là… Sur un sujet aussi grave, non, ce n’était juste pas possible. Aucun parent digne de ce nom, dans le monde entier, n’acceptera jamais que son enfant parte avant lui, peu importe toutes les circonstances particulières, peu importe même que ce soit dans un accident ou à cause d’une maladie ! Pire encore, à cause de la guerre… ça, c’était vraiment la plus atroce des raisons et celle qui semblera la plus injuste au possible, quoi qu’il puisse arriver. Un accident, une maladie, ça arrivait tous les jours, c’était terrible, mais ça faisait partie de la vie, c’était naturel. La guerre ne l’était pas.

– On peut l’accepter plus facilement, et encore, pour un adulte, à mon avis. Mais son propre enfant, non… Ce n’est pas possible. Je ne te dis pas que tu fais le mauvais choix, attention, et je comprend tout à fait pourquoi tu prends cette voie ! Mais tu ne peux pas… Enfin, tu ne peux pas espérer que tes parents ne pleurent pas et l’acceptent vite.

Il tendit la main pour lui tapoter un peu le bras et l’épaule, doucement, essayant de sourire mais sans grands succès.

– Fais juste attention… Au moins pour ta famille. C’est ce qui compte le plus.
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Antoine Lefort
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Antoine Lefort
MessageSujet: Re: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptySam 5 Sep - 11:06

– Dès le début ? Honnêtement, je… je ne crois pas, franchement. Pas aussitôt. Aucun parent ne veut voir mourir son propre enfant ! Avec le temps, et tout ce qui se passe, peut-être, oui, peut-être qu’ils comprendront, mais pas avant longtemps. Enfin, c’est ce que je crois, je ne peux pas dire exactement comment ils réagiront.

C’était une réponse prévisible, enfin, à… A peu près. Antoine sentit comme un plomb lui tomber dans l’estomac et lâcha un semi rire nerveux, à moitié un étranglement. Il aurait presque préféré entendre un doux mensonge, sur le coup, un mensonge réconfortant, même s’il savait au fond de lui que s’en était un, plutôt que ça, la réalité bien crue. Il avait beau avoir fait son choix et être très fermement convaincu que c’était le bon, l’idée de faire pleurer ses parents par sa faute lui retournait le cœur. Il bredouilla un semblant de réponse, qu’il abandonna bien vite, ne trouvant plus ses mots, pour une fois. C’était bizarre, c’était plutôt lui, d’habitude, qui allait vers ses amis lorsqu’ils allaient moins bien, pour leur parler et les réconforter, c’était lui, toujours, qui trouvait quoi dire, quoi faire, qui cherchait les paroles justes pour redonner un peu de courage. Et aujourd’hui, ces mots qui venaient d’ordinaire si facilement, il les perdaient. C’était la première fois que ça lui arrivait…

Mais c’était aussi la première fois qu’il imaginait vraiment ses parents pleurer devant sa propre tombe.

On lui dirait peut-être qu’il avait été stupide ou naïf de penser que sa famille pourrait accepter aisément la voix choisie, aussi. Ou qu’il avait été complètement idiot de croire qu’on ne le pleurera pas. L’espérer, en tout cas. Genji poursuivit, dans son idée, et il avait raison, mais, mais… Bref… Il finit par hausser un peu les épaules, non pas parce qu’il se fichait de tout ça mais parce qu’il ne voyait juste pas comment se justifier, finalement. Il avait fait un choix. Voilà tout. C’était cruel pour sa famille, d’accord, mais c’était comme ça, plus question de revenir en arrière. Il sourit faiblement quand Genji lui tapota un peu l’épaule en signe de réconfort, une moue bizarre aux lèvres, comme s’il essayait de sourire sans y arriver. Les mains enfoncées dans les poches, il retourna ensuite le regard vers l’horizon, vers l’océan. Il revoyait encore Jasper marcher à côté de lui sur cette même plage, il y a quelques jours…

– Fais juste attention… Au moins pour ta famille. C’est ce qui compte le plus.

Antoine battit un peu des paupières, chassant la vision presque fantomatique de son meilleur ami, marchant juste devant lui puis disparaissant dans un souffle de vent, pour revenir à la réalité et promettre à son ami d’être le plus prudent possible, bien sûr. Encore une fois, il tenta de sourire, sans un gros succès, mais il tenta. Il fera tout pour se tirer vivant de tout ça, pour revoir un jour son petit frère, sa grande sœur, ses parents, ses grands-parents, toute sa famille et ses amis, et vivre une nouvelle vie auprès d’eux tous. Lorsque leur pays sera libéré.

– J’ai un petit frère qui va avoir dix ans, cette année. Ce que je veux, c’est qu’il arrive dans ce monde, en étant adulte, sans avoir tous ces problèmes-là. C’est surtout à ça, que j’ai pensé, lorsqu’on nous a donné le choix, après l’effondrement de l’ancien pensionnat. Tout abandonner, rentrer chez nous, ou bien suivre le mouvement et… Enfin, tu vois.

Son petit frère qui ne comprenait sans doute pas très bien ce qui se passait. Ou plutôt, pour être exact, Antoine rêvait plus que tout qu’il ne comprenne pas et qu’il garde une part de son innocence d’enfant, au moins jusqu’à ce que cette guerre soit achevée.

– Vous nous écrirez quand même, hein ? Une fois repartis au Japon, je veux dire. Ça sera moins compliqué entre nous, nous ne sommes pas recherchés, après tout. Tant qu’on fait attention à ne rien mettre de dangereux dans nos lettres.
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Genji Nakajima
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Genji Nakajima
MessageSujet: Re: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptyMar 15 Sep - 8:13

Les promesses de prudence, ça valait ce que ça valait, Genji le savait bien, même s’il en demandait lui aussi. Il y a des situations où la prudence n’est pas possible, et d’autres, dans le cas du sacrifice extrême entre autres, où elle n’est même pas envisageable. Des situations, comme en plein front, où pour survivre, il était préférable de remplacer la prudence par une grosse dose de courage et beaucoup de folie. Enfin bref, c’était déjà ça, une base, si on voulait aller par là. Le jeune homme ne pouvait rien demander de plus, de toute façon, aussi se contenta-t-il d’un très bref et petit sourire, pour répondre à celui que tentait Antoine, tout en continuant de marcher. Le sable mouillé crissait doucement sous leurs pas et un vent léger les accompagnait. Il faisait beau, aujourd’hui, les lourds nuages d’orage avaient enfin dégagé l’horizon. Il aimait bien ce paysage… A la maison, il était entouré par des collines, puis par la forêt, lorsqu’on descendait vers le village, avec une rivière plus loin. C’était un peu plus monotone, disons, alors que la mer changeait tous les jours. Sa couleur n’était jamais la même et son bruit l’apaisait.

– J’ai un petit frère qui va avoir dix ans, cette année. Ce que je veux, c’est qu’il arrive dans ce monde, en étant adulte, sans avoir tous ces problèmes-là. C’est surtout à ça, que j’ai pensé, lorsqu’on nous a donné le choix, après l’effondrement de l’ancien pensionnat. Tout abandonner, rentrer chez nous, ou bien suivre le mouvement et… Enfin, tu vois.

– Parfaitement bien.

C’était exactement pour cette raison que beaucoup avaient choisi de suivre ! Continuer les cours pour leurs éléments n’avait pas été essentiel, car tous auraient pu le faire en trouvant des professeurs particuliers, un peu partout en France, ou bien avec leurs familles quand c’était possible. Mais il y avait ceux qui avaient ces familles à protéger, justement, ceux et celles qui étaient déjà trop impliquées pour abandonner, ceux qui avaient refusé de le faire même s’ils n’avaient plus personne à protéger. Au final, il s’agissait surtout des plus petits, les enfants de onze à treize, ou quatorze ans, qui étaient rentrés dans leurs familles après l’effondrement du pensionnat. C’est normal. A seize ans, on est déjà à peine assez grand, fort et mature pour prendre part à cette guerre, alors plus jeune, c’était encore plus rare. Il y avait pas mal d’enfants qui pouvaient mener des petites actions, comme distribuer les tracts de contre-propagande, mais ça restait si dangereux… Leur gouvernement avait déjà prouvé qu’il se moquait bien d’en arriver à tuer des petits, même des bébés.

– Vous nous écrirez quand même, hein ? Une fois repartis au Japon, je veux dire. Ça sera moins compliqué entre nous, nous ne sommes pas recherchés, après tout. Tant qu’on fait attention à ne rien mettre de dangereux dans nos lettres.

– Je pense que oui, répondit-il après un court instant de réflexion, le nez pincé. Enfin, on devra redemander, quand même, mais je ne crois pas que ça pose de soucis entre nous, entre les enfants et les jeunes. Quitte à utiliser certains codes, changer les noms, ce genre de chose. Et ne pas évoquer du tout certains sujets, on ne sait jamais. J’en parlerai à mon oncle.

Comme il n’était pas sûr que son père en sache beaucoup plus que lui là-dessus… Et de toute façon, c’était son oncle qui était engagé dans cette guerre, depuis le début. Genji stoppa pour ramasser un coquillage qu’il trouvait joli et le regarder d’un peu plus près, frottant le sable dessus pour l’ôter.

– On va partir plus tôt, avec Solène et ses bébés, sans doute ceux de Gabriella aussi, et ma tante. Papa va rester un peu, il doit apprendre à maîtriser les bases de son pouvoir puis il continuera de s’entraîner au pays. Il semble que son don est trop fort, c’est dangereux. Il viendra plus tard avec le bébé de Gabriella, quand elle aura accouché.
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Antoine Lefort
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Antoine Lefort
MessageSujet: Re: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptyJeu 24 Sep - 8:37

Oui, non, ils verront comment s’organiser, rien n’était encore sûr ? Il savait bien que ça pouvait être dangereux, et dans le fond, finalement, c’était juste un petit plaisir égoïste. Pouvoir garder le contact avec ses amis quand même malgré les circonstances, alors que ce ne sera pas du tout ça la priorité et que… Enfin bref. Il s’arrêta lui aussi une poignée de secondes, le temps que son ami ramasse un petit coquillage, puis poursuivit son chemin avec lui. Ses pensées l’emportèrent à nouveau vers Laura, qui partait, elle aussi, loin de cette guerre avec sa famille, son cousin ici présent, son petit frère et sa petite sœur à peine nés… Elle partait à des milliers de kilomètres d’ici et il ne savait même pas quand il pourra la revoir. « Si » il pourra la revoir. Cette pensée lui donnait mal au cœur… Au début, il avait naïvement songé qu’elle aussi restait en France, mais ce n’était pas possible, pas réalisable, elle avait deux ans de moins que lui et même si elle pouvait aussi agir, elle restait malgré tout bien plus en danger qu’eux. Partir devenait la seule solution. Et, égoïstement à nouveau, il n’avait pas envie qu’elle parte.

Non, il ne voulait pas qu’elle parte. Mais ce n’était pas à lui de décider ça ni même à elle. La situation était trop grave pour qu’ils se permettent de faire des caprices. C’était… bizarre, en un sens… Antoine s’engageait dans des devoirs et responsabilités d’adulte, il avait accepté de prendre les armes, de suivre une voie qui n’était pas destinée aux jeunes de son genre, et pourtant, malgré tout ça, malgré toute la maturité qu’on exigeait désormais de lui, il se sentait rattrapé par des peurs bien plus basiques et des tremblements d’adolescent. La peur que sa petite amie l’oublie, en fait, lorsqu’elle sera si loin et que leurs contacts devront être réduits à presque rien, pour ne pas les mettre en danger, l’un ou l’autre. Le tout sans aucune certitude qu’ils se reverront un jour. On ne pouvait pas encore dire si elle pourra revenir en France un jour. Et lui ne pouvait pas encore affirmer qu’il sortira vivant de cet enfer. A partir de là, était-ce très sain de poursuivre malgré tout… ? De rester accroché l’un à l’autre alors que… Il ne savait pas. Se sentait encore plus bouleversé à l’idée de se séparer pour de bon de Laura à cause des incertitudes de la guerre. Y penser, seulement, lui donnait envie de hurler à l’injustice !

Toutefois, s’il n’écoutait que le côté raisonnable de sa conscience, il comprendrait facilement pourquoi des couples faisaient ce choix douloureux. Laura allait partir, loin, rien ne pouvait leur dire à tous les deux s’ils se reverront un jour ni quand. A compter de ce moment-là, rester lié à une personne, même si leur relation était encore une romance adolescente, pouvait causer plus de soucis qu’elle n’apportera de réconfort. De l’inquiétude supplémentaire… Et même un frein, lorsqu’elle reconstruira doucement sa vie là-bas, car elle pourrait rencontrer d’autres personnes plus sûres et stables, pour elle, et ne pas oser car lui était encore là. En plus de tout ça, eux n’étaient ni fiancés, ni mariés, ils n’avaient pas d’enfants, trop jeunes pour ça, c’était très différent de la situation des couples mariés et parents, séparés de force par la guerre, mais ayant déjà fait assez de chemin ensemble. Laura et lui avaient encore tout à construire et n’avaient pas eu le temps de bâtir quoi que ce soit ensemble, si ce n’est cette relation de deux tous jeunes gens. Antoine voulait la garder, rester avec elle, mais ignorait s’il serait raisonnable de le faire.

– On va partir plus tôt, avec Solène et ses bébés, sans doute ceux de Gabriella aussi, et ma tante. Papa va rester un peu, il doit apprendre à maîtriser les bases de son pouvoir puis il continuera de s’entraîner au pays. Il semble que son don est trop fort, c’est dangereux. Il viendra plus tard avec le bébé de Gabriella, quand elle aura accouché.

Tiré de pensées très peu joyeuses, Antoine se força à se concentrer un peu, surtout que ça concernait ses proches. Enfin, pas Gabriella, ni Solène, ni le père de Genji, ni… Bref. Il hocha la tête, pour signifier qu’il avait compris, puis demanda quand, exactement, toute leur petite troupe comptait quitter la France pour de bon. Quand allait partir Laura, mais ça, il ne l’ajouta pas à haute voix… La réponse lui faisait presque peur.

– Vous allez faire quoi, une fois sur place ? Je veux dire, enfin, vous allez pouvoir retourner au lycée, ou au collège, commencer une formation, ce genre de trucs ? Les élémentaires peuvent mener une vie normale, là-bas, ou vous devrez cacher vos dons, vous aussi ? Tu sais ce que va faire Solène, si elle va travailler ?
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Genji Nakajima
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Genji Nakajima
MessageSujet: Re: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptyLun 5 Oct - 9:43

Ça ira ? Allez… De toute façon, c’était facile de dire tout ça et tout aussi facile de dire qu’il ne fallait pas trop s’inquiéter, il le savait bien, mais c’était aussi plus facile de le supporter et vivre avec en se berçant de quelques doux et rassurants mensonges. Ça lui rappelait un truc qu’il avait lu, tiens, une fois… La Vie demandait à la Mort pourquoi les gens l’aimaient alors qu’ils détestaient la Mort. Et la Mort lui avait répondu « Car tu es un beau mensonge et moi une cruelle réalité ». Dans un contexte comme le leur, ça poussait encore plus à réfléchir… Il haussa un peu les épaules, à la question que lui posa Antoine ensuite, incapable de lui répondre avec précision. Tout se préparait, voilà tout, mais ça ne devrait plus tarder, maintenant. Il savait juste que bien des personnes cherchaient à quitter la France en urgence, et si possible, pour partir sur un autre continent. La vieille Europe, dans son ensemble, n’était plus aussi sûre. Mais sera-t-on plus en sûreté ailleurs… ? Des guerres, il y en avait partout ! Son pays natal était lui aussi en guerre, en ce moment, même si ça ne se passait pas sur son propre territoire.

– Vous allez faire quoi, une fois sur place ? Je veux dire, enfin, vous allez pouvoir retourner au lycée, ou au collège, commencer une formation, ce genre de trucs ? Les élémentaires peuvent mener une vie normale, là-bas, ou vous devrez cacher vos dons, vous aussi ? Tu sais ce que va faire Solène, si elle va travailler ?

– Je n’ai aucune idée ce que va faire Solène, tu sais. Je suppose que oui, après s’être reposée, pris du temps pour ses enfants et… accepter que… Enfin, tu vois. Pour nous, de toute façon, oui, il faut qu’on reprenne une vie un tant soit peu normale, si on ne le fait pas, on ne fera que gâcher les efforts que feront nos proches ici, dans cette guerre, ce serait le comble de la trahison ! Tu imagines ça ? Ils se battent, beaucoup meurent, et on vient leur dire que ceux qu’ils en envoyé loin, pour les mettre en sécurité, refusent de faire le moindre effort… Je n(ose pas imaginer ce qu’ils penseraient de nous, à cet instant-là, à quel point ils seraient en colère ou dégoûtés. Donc oui, je ferai tout pour aller de l’avant.

Décevoir à ce point sa famille, restée ici, qui se battait pour eux, ce n’était même pas envisageable. Alors peu importe à quel point ça pourra être dur et frustrant, il ne gâchera pas cette chance donnée et il continuera. Il ira en avant. Il regardera l’avenir. C’était une promesse. Sa voix tremblait, en parlant, mais pour une fois, ce n’était pas la peur qui le tiraillait, juste beaucoup de nervosité.

– Là-bas, les élémentaires ne sont pas persécutés, ils font… partie du décor, si on veut. Aucun ne cause vraiment de soucis, la plupart des personnes les ignorent et ne s’intéressent au sujet que lorsqu’un de leurs enfants est concerné. Enfin, pour être exact, tant que tu rentres dans le moule quand même et que tu ne fais de mal à personne, tout se passe bien pour toi. Ça ne tient qu’à ça, tu dois te fondre dans la masse et c’est tout. C’est comme un clou… On tape dessus s’il dépasse.

Il savait très bien de quoi il parlait et son oncle plus encore. Genji retint un soupir et tourna ensuite son regard vers l’océan, plutôt que la longue plage et les personnes marchant au loin. A chaque moment, c’était une lutte intestine contre soi-même, pour ne pas s’effondrer, céder à la peur, la colère, le sentiment d’injustice, la peine. Un flot de sentiments horribles, qui vous tordaient l’estomac et vous donnaient envie de fuir le plus loin possible pour y échapper. Faire l’autruche, fermer les yeux sur tous les problèmes de ce monde, ce serait si simple ! Se dire… Il ne savait pas trop… Se dire que d’autres, de toute façon, allaient s’en occuper, donc il pouvait garder les yeux fermés. Ce serait si simple ! Et bien trop facile… Beaucoup trop confortable.

– Après, bon, qui sait, peut-être que tout ça se terminera dans un an ou deux ! Et d’ici quelques années de plus, on aura tous reprendre une vie à peu près normale.

Il essayait de se convaincre lui-même, effacer la nervosité grandissante dans sa voix, arrêter de trembler, serrer le petit coquillage entre ses mains, contre lui, comme un grigri le protégeant du monde. Des efforts déjà vains.

– C’est possible, selon toi, de juger toute une Institution ? Ça s’est déjà fait ?
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Antoine Lefort
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MessageSujet: Re: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptyDim 18 Oct - 11:58

– Je n’ai aucune idée ce que va faire Solène, tu sais. Je suppose que oui, après s’être reposée, pris du temps pour ses enfants et… accepter que… Enfin, tu vois. Pour nous, de toute façon, oui, il faut qu’on reprenne une vie un tant soit peu normale, si on ne le fait pas, on ne fera que gâcher les efforts que feront nos proches ici, dans cette guerre, ce serait le comble de la trahison ! Tu imagines ça ? Ils se battent, beaucoup meurent, et on vient leur dire que ceux qu’ils en envoyé loin, pour les mettre en sécurité, refusent de faire le moindre effort… Je n’ose pas imaginer ce qu’ils penseraient de nous, à cet instant-là, à quel point ils seraient en colère ou dégoûtés. Donc oui, je ferai tout pour aller de l’avant.

– Oui, je comprends très bien, et c’est normal.

A sa place, envoyé au loin, il aurait la même réaction. Il tapota un peu l’épaule de son ami pour le réconforter, en le sentant aussi nerveux, puis remit les mains dans ses poches. Il avait un peu froid, maintenant, mais était-ce juste le temps ou un simple effet de leur conversation ? Il écouta en silence ce qui lui expliqua Genji ensuite, sur la façon dont les élémentaires étaient perçus, dans son pays natal. Ça ressemblait pas mal à la façon dont, en France, on voyait ces personnes avant la Grande Guerre. Au tout début de leur siècle et jusque dans les années 10, selon ce que lui avaient raconté ses parents, c’était ce point de vue qui était majoritaire. Tout avait changé après la guerre, la crise des années 20 et tout le reste. Les changements sociaux. La propagande… La guerre avait, de toute façon, fichu un brusque coup de pied dans une montagne considérable de codes, de traditions et de façons de vivre, plus rien n’avait été comme au tout début du vingtième siècle, après cette horreur. Lui-même n’avait pas connu ce début de siècle, c’était juste avant sa naissance, mais ses parents en avaient beaucoup parlé. Pour ceux nés durant la grande guerre, difficile de comprendre.

Ce sera pareil pour ceux qui naîtront pendant ou après ce conflit, sans doute. Comment leur expliquer correctement d’où était partie la guerre et comment tout s’était envenimé ? Il y réfléchit seulement un court instant, se sentant encore peu concerné par cette idée. A seize ans, bientôt dix-sept, il ne se voyait pas marié ni père. Il pensait plutôt à comment on devait se débrouiller pour survivre. Ce serait génial d’avoir à se lever le matin sans savoir à se demander si on allait survivre jusqu’au soir ! Il haussa les épaules, face à l’espoir un peu naïf de Genji, lèvres pincées. Même en admettant que, par miracle, tout soit terminée d’ici deux ans, il ne croyait pas une seconde que tous auront oublié et repris une vie normale dans cinq ou six ans. Ils s’en souviendront toute leur vie ! Seuls ceux nés après, ou trop petits à cette époque pour bien s’en souvenir, pourront tourner cette page et la classer comme appartenant au passé. Mais eux, humph. Genji n’y croyait pas lui-même, il en était sûr.

– C’est possible, selon toi, de juger toute une Institution ? Ça s’est déjà fait ?

Bonne question… Antoine fit une petite moue, essayant de se souvenir d’un truc pareil, dans leurs cours d’Histoire. Il y avait déjà eu des dictateurs qui avaient été jugés, si on peut dire, mais un gouvernement entier ? Ou tout un groupe de personnes, genre, plusieurs dizaines ?

– Je n’en ai aucune idée… Franchement, ça m’étonnerait. Tu imagines les rouages monstrueux qu’il faudrait pour ça ? Rassembler toutes les preuves qu’il faut, tracer le parcours de chacun pour définir le niveau de responsabilités, qui a fait quoi et quand, qui a juste obéit aux ordres ou prit des décisions, et… C’est juste monstrueux, comme travail, ça prendrait des années entières. En plus, il faudrait aussi des juges qui puissent ne pas être tentés par la vengeance et ne pas se laisser influencer non plus. Et comment on jugerait ceux qui ont obéit car c’est leur métier ? Un mec dont la famille est menacée, par exemple, est-il coupable quand même d’avoir obéit à un ordre criminel ? Si on considère que oui, où on place la barre de morale ? On doit juger coupable un homme qui a protégé sa famille mais qui a, pour ça, exécuté une autre ? C’est très… Je ne vois pas comment juger ça…

Car ça posait des questions morales et éthiques bien trop graves et profondes pour lui, ça lui échappait complètement. Comment trouver « la » bonne réponse ? Ou la plus juste ? Le seul fait d’y penser lui donnait mal à la tête. Les décideurs, les leaders, les responsables d’atrocités, c’était plus facile, dans un sens. Mais tous les autres ? Ceux ayant travaillé avec eux, de près ou de loin, ceux qui avaient obéit aux ordres, ceux qui avaient suivi par peur ou par ambition, ceux qui avaient juste collaboré, qu’en ferait-on ?

– Même en admettant que ça puisse se faire, je ne vois pas de résultat qui convienne à tout le monde.
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Genji Nakajima
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Genji Nakajima
MessageSujet: Re: Avant le retour au pays   Avant le retour au pays EmptyMer 11 Nov - 10:58

– Je n’en ai aucune idée… Franchement, ça m’étonnerait. Tu imagines les rouages monstrueux qu’il faudrait pour ça ? Rassembler toutes les preuves qu’il faut, tracer le parcours de chacun pour définir le niveau de responsabilités, qui a fait quoi et quand, qui a juste obéit aux ordres ou prit des décisions, et… C’est juste monstrueux, comme travail, ça prendrait des années entières. En plus, il faudrait aussi des juges qui puissent ne pas être tentés par la vengeance et ne pas se laisser influencer non plus. Et comment on jugerait ceux qui ont obéit car c’est leur métier ? Un mec dont la famille est menacée, par exemple, est-il coupable quand même d’avoir obéit à un ordre criminel ? Si on considère que oui, où on place la barre de morale ? On doit juger coupable un homme qui a protégé sa famille mais qui a, pour ça, exécuté une autre ? C’est très… Je ne vois pas comment juger ça…

Oh là, Genji était loin d’avoir pensé à tout ça ! Il en resta coi, pendant tout un moment, cessant de jouer avec le petit coquillage ramassé toute à l’heure. Ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit, comme un poisson rouge, sans trouver quoi que ce soit d’à peu près cohérent à répondre à ça. Il essayait vraiment ! Mais, mais… Non, il était désolé, mais non, il ne pouvait pas, il ne voulait pas répondre à ce genre de questions… Il ne voulait surtout pas devoir y répondre et imaginait très bien la pression et le stress intense de ceux dont ce serait le métier, de donner des réponses et des sanctions. Un peu plus pâle, tout à cup, il tenta bien vite de se sortir ces considérations de la tête, sentant déjà poindre le mal de crâne. Il faudrait, en passer par là, pourtant, quand tout sera terminé, mais… Antoine avait raison, quand il ajouta qu’aucun résultat ne pourrait plaire à tout le monde. C’était déjà le cas pour les petits procès, pour des affaires simples, alors pour un procès de cette ampleur et des actes aussi graves, inutile de rêver.

Il s’imagina malgré lui dans cette situation, incapable de s’en empêcher. Si un homme tuait toute sa famille et qu’il clamait ensuite avoir été obligé de le faire pour protéger la sienne, était-il coupable malgré tout ? Genji penchait pour un oui… Car la famille assassinée était elle aussi une victime, avant tout, il ne fallait pas oublier ça. Où était la vengeance, dans ce contexte, et où débutait la justice ? Comment trancher de telles affaires ? Grimaçant, il se frotta un peu le front en marmonnant qu’il n’avait pas réfléchi jusque-là, en posant cette question. Et maintenant, que ça soit lâche ou pas, il n’avait pas la moindre envie d’y réfléchir plus que ça. A seize ans, bientôt dix-sept ans, il ne voulait pas se retrouver confronté à des questions aussi graves et ne se sentait de toute façon pas capable de les résoudre. Il fallait laisser ça à des personnes avec plus d’expérience et de compétences. Ce n’étaient pas eux, encore mineurs et ballotés d’un bout à l’autre de France pour leur sécurité, qui étaient capables de résoudre des problèmes pareils.

Ils se baladèrent encore trente bonnes minutes, sur la plage et sous le vent, avant de faire doucement demi-tour et revenir vers leur cachette. Même si aucun d’entre eux n’était recherché ou avait sa tête mise à prix, on leur déconseillait de sortir souvent et de rester longtemps dehors, juste au cas où. Ils devaient être très prudents. On ne cessait de leur répéter et le message, de toute façon, était déjà bien intégré. Le simple fait d’avoir dû fuir en urgence dans cette région, partir au milieu de la nuit juste avant de recevoir des obus sur la tronche, ça vous aidait déjà parfaitement à comprendre le danger encouru.
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