Avril 1932. Les soucis mondiaux s'étendent.
 
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 Surtout, pas de bêtises

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Munemori Nakajima
Peintre
Munemori Nakajima
MessageSujet: Surtout, pas de bêtises   Surtout, pas de bêtises EmptyJeu 26 Nov - 22:48

Non mais les gens étaient fous, dans ce pays ! Munemori suivit les deux flics du regards, bouche bée, en les voyant emmener un homme qui hurlait à pleins poumons que tout était la faute de l'Etat, après lui avoir arraché un long couteau des mains. Il s'était agrippé au bras de son grand frère, sans pouvoir s'en empêcher, arrachant même un sourire compréhensif à un grand-père à côté d'eux qui leur avait très poliment demandé s'ils étaient des touristes et qui avait ensuite ajouté de ne pas faire trop attention, il y avait en France des endroits bien plus paisibles que la capitale. Paisible ou pas, arriver dans un pays étranger et tomber sur un fou psychotique hurlant qui brandissait une lame de trente bons centimètres, c'était tout sauf rassurant. Il consentit enfin à relâcher son frère, se reprenant, pas du tout rassuré quand à la santé morale des Parisiens, ils avaient l'air d'avoir beaucoup les nerfs à vif. Un peu trop, même. Franchement, tout le pays était dans cet état, nerveux, tendus, comme assis sur une bombe sur le point d'exploser ? Il espérait fort que non car c'était particulièrement angoissant. Il suivit Josuke de près en sortant, serrant sa veste contre lui en regardant partout. Il n'avait jamais fichu les pieds en France et il fallait que ce soit dans de telles circonstances.

Marchant assez vite, ils rejoignirent la gare qui était juste à côté de l'aéroport, navigant entre les piétons, les fiacres, les quelques voitures, les vélos... Munemori n'était pas habitué aux grandes villes, il n'avait rien à y faire, d'ordinaire, la famille trouvait ce qu'il lui fallait au village et il y avait toujours moyen de commander les pièces manquantes ou de nouvelles machines pour les champs. Paris lui faisait l'effet d'une très grande usine fourmillante, il y avait énormément de monde. Levant le nez, il aperçut la silhouette de la fameuse Tour Eiffel, qui avait fait couler beaucoup d'encre lors de sa construction et surtout lorsqu'elle n'avait pas été démolie, après l'exposition universelle. Elle était devenue un des symboles du pays, ce qui était très étrange, lorsqu'on y pensait... Après tout, ce n'était qu'une tour en fer. Pas très belle en plus. Rentrant dans la gare, il suivit Josuke jusqu'à un guichet de libre, pour savoir à quelle heure était le prochain train pouvant les amener jusqu'à Gray. L'air que fit l'employé en entendant le nom du village était lui aussi particulièrement encourageant. Il grignota le bout de son crayon en regardant une fiche d'horaires, sourcils froncés, tout en marmonnant "A Gray..."

– Si vous prenez la troisième ligne, vous pouvez y être ce soir, avec une correspondance. Par contre, bien que ça ne me regarde pas, je préfère vous mettre en garde, comme vous avez l'air de touristes. Une fois arrivés au village, rejoignez aussitôt famille, amis ou votre hôtel, peu importe, mais ne traînez pas là-bas seuls une fois la nuit tombée.

La réputation de ce village était vraiment joyeuse, cela donnait une folle envie de s'y rendre. Munemori retint une petite grimace, comprenant encore moins pourquoi Kimmitsu tenait toujours à rester là-bas. Après tout, il pourrait revenir vivre à la maison familiale avec Solène, et même les deux enfants qu'il gardait, personne n'allait les rejeter. Mais non, il y vivait et y restait, c'était incompréhensible, tout simplement.

– Merci mais nous... connaissons la réputation de ce village, nous allons rejoindre notre frère.

Ils prirent des billets, le guichetier semblant à la fois inquiet et blasé de leur vendre deux allers pour se rendre à Gray. Tout à fait charmant, ce pays avait un tel don pour vous mettre à l'aise dès votre arrivée. Ce n'est qu'une fois dans le train que Munemori lâcha une petite exclamation, appuyé contre la fenêtre. Rejoindre leur frère... Ils ignoraient où il était ! Et ce qu'il devait subir en ce moment... Le train émit un sifflement strident avant de démarrer, les secouant un peu, quittant la gare avec lenteur, puis la capitale elle-même. Appuyé contre la fenêtre, Munemori regardait le paysage, pensif, silencieux, ne pouvant s'empêcher d'imaginer les pires scénarios possibles. Gabriella avait-elle vraiment trouvé une solution ? Si elle était dans l'armée, il doutait qu'elle soit libre de ses mouvements. Et Kimmitsu... Il était peut-être déjà... Munemori se mordit les lèvres en pâlissant un peu, songeant sans cesse au pire. Que leur frère ait été torturé, qu'il souffre, qu'il soit au seuil de la mort, voire pire. Tournant la tête, il vit que son grand frère  était aussi tendu mais n'avait pas l'air inquiet. Et bien, Munemori ne comprenait pas comment il en était capable. Il n'échangea qu'à peine quelques mots durant le trajet, bien trop long à son goût, ne parlant vraiment que lorsqu'ils durent prendre leur correspondance, afin de demander le chemin. Lorsqu'ils grimpèrent dedans, ils virent trois soldats, assis un plus loin à l'avant du wagon, qui discutaient entre eux.

– Heu, dit-il tout à coup en tournant la tête vers son frère. Tu peux rappeler les noms des enfants qu'ils gardent et pourquoi ils sont là ? Solène l'avait dit mais je ne me souviens plus... Je n'ai pas envie de faire une gaffe.

– Jasper et Laura. Leur père... battait Jasper. Il a porté plainte et leurs parents ont perdu la garde.

Décidément, certains n'étaient pas aptes à être parents... Il hocha doucement la tête en reportant le regard au-dehors, vers un paysage maintenant beaucoup plus accidenté et boisé, avec des villages en toits d'ardoise et des chalets de bois, qu'ils pouvaient apercevoir en passant dans les petites gares. Un style architectural qu'ils découvraient, littéralement, même si Kimmitsu avait déjà envoyé deux ou trois photos. Le jour tombait peu à peu, le ciel prenant une teinte orangée, s'abaissant. La nuit ne tombait pas encore bien vite, en cette saison, il restait des jours de beau temps. Ils traversèrent beaucoup de petits villages avant qu'un contrôleur ne leur confirme qu'ils approchaient de Gray, avant-dernière étape avant l'arrêt final du train pour cette nuit. Le nom du village sonnait comme une menace, après tout ce qu'ils avaient déjà entendu. Lorsque le train ralentit, il se leva avec son frère, prenant leurs sacs avant de quitter le train, arrivant dans la petite gare. La nuit était presque tombée, maintenant, même s'il y avait encore du monde à flâner. Sortant le plan pour se rendre chez leur frère, il s'arrêta après quelques pas, devinant, sans qu'on ait besoin de lui dire, que ces bâtiments se dessinant sur la colline, dans l'obscurité, étaient ceux du pensionnat.

– C'est peut-être juste à cause de la nuit mais ça ne donne pas envie de s'y rendre.

– Un peu... Mais c'est seulement parce que l'on sait ce qui s'y passe. Enfin, vaguement. N'y pense pas, rentrons.

Oui, il avait sans doute raison. Ils reprirent la route, remontant le village en passant par ce qui devait être la place centrale. Tout semblait parfaitement normal, ici, le village avait une allure plutôt récente - ce qui était logique s'il avait brûlé - et rien ne bougeait. Les quelques commerces encore ouverts étaient en train de baisser le rideau, le patron d'un café lavait puis rentrait les tables ne terrasse, une jeune femme appelait son fils, lançant qu'il était temps de rentrer à la maison. Rien qui laissait paraître les sinistres événements qui s'étaient déroulés ici. Ils quittèrent le centre pour arriver vers les extérieurs, des maisons un peu plus à l'écart, proches d'un grand lac. Alors, Kimmitsu habitait au numéro huit. Levant le nez, il vérifia les numéros, s'arrêtant ensuite devant celle qu'ils cherchaient, des lumières perçant par quelques fenêtres, vérifiant sur la boîte aux lettres qu'ils étaient bien au bon endroit. La porte s'ouvrir une minute à peine après qu'ils aient frappé, sur une Solène affreusement pâle et le visage décomposé. Il eut à peine le temps de laisser tomber son sac par terre pour la recevoir en larmes dans les bras, vacillant un peu avant de la rattraper, lui tapotant le dos avec maladresse.

– Heu, du... Du calme... On va le retrouver.

Si elle venait de passer presque deux jours à se demander si son mari était mort... Il la soutint pour rentrer à l'intérieur, voyant qu'elle était en train de cuire le repas, une bonne odeur flottait dans l'air. Refermant la porte, il laissa son sac dans un coin près du porte-manteau, occupé à murmurer des mots de réconfort à Solène qui se mouchait en luttant visiblement contre ses larmes. Elle finit par filer se passer de l'eau sur le visage, penché sur l'évier. Munemori enlevait sa veste lorsqu'il entendit un "Papa ?" prononcé d'une voix éberluée. Son neveu était à la porte de la cuisine, les regardant sans en croire ses yeux. Munemori lui fit un faible sourire en lui disant bonjour, accrochant sa veste au porte-manteau, tout en vérifiant que Solène allait bien. Genji appelait Josuke "papa" maintenant ? Il ne l'avait plus fait depuis ses douze ans, se bornant à dire "père", comme s'il n'osait plus être trop familier avec lui. C'était idiot, Munemori adorait que ses enfants courent vers lui en criant "Papaaa !" et savait que Josuke aimait aussi cela, avec les jumelles. Il courut aussitôt vers son fils en criant son nom, le regardant de la tête aux pieds avant de s'agenouiller.

– Tu n'as rien ? Comment vas-tu ?

– Heu... Très bien. Vraiment bien, heu... Qu'est-ce vous faites là ?

Pas trop réveillé, le garçon... Il devait avoir le cerveau dans le brouillard, avec la fatigue accumulée, la tension et l'inquiétude. Son père se releva aussitôt pour le prendre dans ses bras, voulant visiblement vérifier lui-même qu'il n'était pas blessé, arrachant un sourire attendri à Munemori. Père poule. Enfin, lui-même n'était pas mieux avec ses propres enfants donc il était mal placé pour la ramener. Il s'occupa plutôt de pousser une chaise pour que Solène s’assoie, semblant épuisée.

– On vient pour ton oncle, pour aider Solène. Tu es sûr que tout va bien ? Tu n'as rien eu ? Tout se passe bien ?

– Mais moi ça va, pourquoi j'aurai eu quelque chose ? Ne t'inquiètes pas. Heu... désolé pour... Tout va bien. Vous savez quoi faire pour Kimmitsu ? J'ai pu voir la directrice ce soir mais elle est partie vite en m'interdisant de faire quoi que ce soit.

Mais ça, c'était normal ! Et encore heureux ! Si jamais il avait fait une connerie, dans quel état l'auraient-ils retrouvé ? Un disparu suffisait amplement et Genji n'était pas aussi "habitué", c'était bien trop dangereux. Munemori leva les yeux au ciel en allant chercher un verre d'eau fraîche pour sa belle-sœur s'asseyant à côté d'elle pour lui frotter doucement le dos et essayer de la réconforter.

– Et elle a eu raison. C'est dangereux ! S'ils ont attrapé ton oncle, c'est qu'ils sont puissants... Et tu te demandes pourquoi tu aurais quelque chose... C'est normal que je m'inquiète pour toi.

Munemori s'attendait à ce que le petit le renvoie balader, comme à la maison, mais non, au contraire, il marmonna qu'il savait ça puis passa ses bras autour de lui pour se blottir dans ses bras, arrachant une exclamation à son oncle qui le fixa avec des yeux ronds. Wow, donc Kimmitsu avait vraiment dû lui parler beaucoup, même s'il avait affirmé au téléphone qu'il n'avait pas pu faire grand-chose. Ce type était un magicien. Même Solène avait eu un petit sourire, les mains serrées sur son verre d'eau. Il continua à lui frotter le dos, lui assurant que tout allait bien se passer, elle ne devait pas s'en faire. Sa sœur était bien générale d'armée, non ? Donc elle avait toutes les capacités pour retrouver Kimmitsu et le sortir des griffes de son bureau, aucun problème ! Reportant le regard sur son frère, qui arborait un air aussi choqué que soulagé, serrant son gamin dans ses bras. Ce serait bien que tout le monde se détende, ce n'est pas en tombant malades qu'ils allaient faire avancer les choses. Se levant, il surveilla la cuisine en disant à Solène de ne pas bouger, sursautant à moitié lorsqu'un autre garçon, de l'âge de Genji, passe le nez dans la cuisine en disant bonjour, jetant un coup d'œil intrigué à Josuke et son fils.

– Tu dois être Jasper. Bonjour.

– Bonjour...

Le sourire de Munemori fondit assez lorsqu'il sentit à quel point le jeune homme avait l'air méfiant. Il renonça à lui tendre la main, se disant que c'était sans doute normal après ce qui lui était arrivé cet été. Ne pas se formaliser, surtout, il y avait plus grave que cela, dans cette vie. Une fille plus jeune était juste derrière lui, aussi brune que lui était blond. Sa sœur ? Ils ne se ressemblaient pas du tout. Il lui dit bonjour à elle aussi, tout en tendant un autre mouchoir à Solène. Le jeune homme n'ajusta rien de plus, reculant, lèvres pincées, avant de faire demi-tour aussitôt et repartir. Heu... La petite s'attarda un peu pour demander s'ils étaient de la famille de Kimmitsu et s'ils allaient aider à le retrouver. Puis repartit elle aussi dès qu'il eut approuvé. Il avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Posant la question à haute voix, Solène fit un vague geste de la main en secouant la tête, répondant que le petit avait juste peur que tout ne recommence comme l'année dernière, que tous les problèmes reviennent en bloc, qu'il avait un peu de mal à faire confiance aux personnes qu'il n'avait jamais rencontré. Vu comme cela...

– Et nous, on peut faire quoi ? dit Genji en s'écartant un peu de son père.

– Toi, rien, ne va pas te fourrer dans les ennuis.

Il avait peut-être parlé un peu sèchement mais il ne manquerait plus que ça, tiens, que Genji aille se fourrer tête la première dans cette histoire ! Il était un peu trop jeune, encore, pas question qu'il s'attirer des emmerdes ou bien pire, ce n'était pas le moment. Munemori leva les yeux au ciel en vérifiant que rien ne brûlait, de ce que Solène avait mis à cuire, la laissant se reposer un peu. Il était presque huit heures du soir, le voyage et le décalage horaire, écrasaient Munemori de fatigue mais il faisait mine de rien.

– Laisse la directrice faire, elle a un plan d'après ce que tu nous a dit. Patiente ici, il vaut mieux ne pas prendre de risques.

Exactement, à quoi servait-il d'en rajouter ? Et, très honnêtement et bien qu'il ne connaisse qu'à peine Gabriella, il avait déjà pu sentir qu'il valait mieux éviter d'aller se fourrer dans ses pattes lorsqu'on pouvait l'éviter. Elle était quand du genre très... nerveuse, cette femme. Solène se leva pour mettre le couvert dans la salle à manger, pendant qu'il s'occupait du repas. Touillant la soupe, il y ajouta ce qu'avait préparé Solène, s'asseyant que tout était bien à point, pendant qu'elle appelait les deux enfants. Une fois à table, l'ambiance fut un pesante, il était assez gêné de voir à quel point la gamin blond, qui n'était pourtant pas plus vieux que son neveu, semblait déjà blasé de la vie. C'était angoissant. Il fit de son mieux pour alimenter, en Français, la conversation, et réconforter Solène. Tout allait bien se passer. Au milieu du repas, ils entendirent un vrombissement, puis virent passer, par la fenêtre ouverte pour laisser entrer la fraîcheur du soir, un camion de l'armée remonter le chemin à bonne vitesse. Il espérait que ce n'était pas annonciateur de nouveaux ennuis. Peu de temps après, ils entendirent nettement un coup de tonnerre rugir dans le ciel. Sans aucun nuages ni temps orageux.

– C'est elle ? ne put-il s'empêcher de demander.

– Elle sait peut-être ce qui est arrivé à Kimmitsu, s'écria Solène, d'une voix pleine d'espoir, en se levant pour aller à la fenêtre, regarder au-dehors. Et si elle réagit comme ça...

Oui, paix à l'âme du type qui allait se retrouver sur son chemin, amen. A moins que ce ne soit encore une autre information qui lui soit tombée entre les mains ? Dans ce cas-là, il préférait ne pas imaginer ce que ça pouvait bien être, très sincèrement, moins on en savait et mieux on se portait. Il échangea un regard avec son frère, sursautant lorsqu'un autre éclair déchira le ciel, cette fois plus loin du village, d'après ce qu'il lui semblait. Il se leva à son tour, voyant que l'orage semblait se déplacer, en effet. Il filait vers... La route nationale, non ? Il demanda à Solène ce qu'il y avait par là-bas et elle répondit dans un murmure que c'était la direction de Paris. Et dire qu'ils y étaient ce matin même... Il pinça un peu les lèvres en regardant l'orage qui s'éloignait, plissant les yeux pour mieux le distinguer, au loin. Bon, il y allait avoir un mort avant l'aube, et un mort de façon très violente. Si c'était la fameux psychopathe de médecin timbré, personne ne le regrettera ! Se retournant, il vit que la petite avait pâli, tout comme Genji qui avait attrapé le bras de son père, comme Munemori quelques heures plus tôt. Seule Solène arborait un large sourire.

– Si c'est bien Rochard qu'elle vise, il va finir en fumée, siffla-t-elle d'un ton satisfait. Après ce qu'il lui a fait et ce qu'il a fait à Kimmitsu... Il ne l'empêchera pas de le tuer, cette fois.

Ça, c'était tout vu... Ce type venait de signer son arrêt de mort. Solène avait le visage brillant d'espoir, les bras serrés autour de sa poitrine, sa grossesse bien visible avec cette robe plus près du corps et sans rien d'autre pour la couvrir. Elle retourna s'asseoir avec un petit soupir, juste à côté de Josuke qui serrait son fils contre lui en lui frottant le bras pour le réconforter. Comment vouliez-vous être très rassurants ? Ils venaient de voir Gabriella partir pour Paris avec des envies de meurtre parfaitement évidents. A la fin du repas, il aida Solène à débarrasser, faisant signe à Genji d'attendre un peu avant de filer au lit, lui aussi. Il dit au revoir aux deux autres enfants mais ignorait comment leur parler. Solène alla se coucher aussi mais peu de risques qu'elle ferme l'œil. Elle leur avait préparé la chambre d'amis et il la remercia d'un sourire.

– Tu as changé, toi, dit-il à son neveu en s'essuyant les mains.

Le petit rougit nettement, détournant le regard. Bon, que lui avait dit Kimmitsu, exactement ? Munemori savait que leur frère allait lui parler mais il n'aurait jamais cru que ça fasse effet si vite et de cette façon. Josuke lui avait fait peur lorsqu'il lui avait rapporté que leur frère avait touché quelques mots à Genji sur son grand-père. On n'évoquait pas le sujet à la maison, histoire que les enfants ne posent pas de questions et que certaines choses restent soigneusement enfouies. Retournant s'asseoir dans le salon, ils fermèrent la fenêtre, mettant ensuite les rideaux devant. Ils étaient au calme et il n'était même pas vingt-et-une heures, enfin presque, ils avaient le temps de parler. Et savoir que Gabriella était en route pour aller percer la tête de celui qui avait fait enlever Kimmitsu lui donnait chaud au cœur, peu importe que ce soit cruel. Si elle revenait avec lui, il serait capable de la prendre dans ses bras pour l'embrasser sur les deux joues, histoire de la remercier. Bon, sur le moment, il n'allait peut-être pas oser mais le cœur y sera.

– Tu... pourrais nous expliquer ? Nous éclairer un peu ?

– Qu'est-ce qui a bien pu se passer, en résumé ? reprit-il juste après. De quoi avez-vous pu parler ?
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Genji Nakajima
Apprenti comédien
Genji Nakajima
MessageSujet: Re: Surtout, pas de bêtises   Surtout, pas de bêtises EmptyJeu 3 Déc - 15:12

Cela ne faisait même pas une semaine que la rentrée était passée et il y avait déjà un gros problème... Genji tournait en rond dans le salon, près de la fenêtre, cherchant quoi faire ou dire pour réconforter un peu sa tante, mais il était perdu. Son oncle avait disparu depuis jeudi soir, déjà... Les rumeurs avaient volé, aujourd'hui, lorsque personne ne l'avait vu en cours ni nulle part dans l'école, encore plus lorsqu'ils avaient vu, après la fin des cours, la directrice dévaler l'escalier et sortir dans le parc, en uniforme, en claquant des minutions dans on arme, ce qui n'avait rassuré personne. Genji s'était fait remballer lorsqu'il lui avait demandé ce qu'il pouvait faire, elle lui avait lancé de rentrer chez lui en lui interdisant de poser un seul orteil dehors ce week-end seul ou ça allait mal se passer pour lui. En la voyant lui lancer ça, armée, en uniforme et furieuse, il n'avait pas osé en rajouter, se contentant d'obéir en la bouclant bien sagement. A présent, il attendait, à moitié mort d'inquiétude. Ce n'est qu'en entendant des bruits dans la cuisine qu'il y fila, pensant que la directrice était revenue avec des nouvelles, mais non, pas du tout, c'était Munemori et... son père. Genji balbutia un "Papa ?" d'une voix assez éberluée, en le voyant ici, sursautant à moitié lorsqu'il se retourna en criant son prénom, fonçant sur lui en l'attrapant par les épaules. Il l'examina aussitôt du regard, de haut en bas, mais c'est bon, Genji allait très bien, il était juste, heu... Il allait bien, très bien.

– Tu n'as rien ? Comment vas-tu ?

– Heu... Très bien. Vraiment bien, heu... Qu'est-ce vous faites là ?

Son père ne répondit pas tout de suite, l'examinant sur toutes les coutures pour vérifier qu'il n'était pas blessé. Mais il allait très biiieeen ! A part son  bras, comme il s'était un peu coupé en début de semaine, mais sinon, tout était parfait, chez lui, ce n'était pour lui qu'il fallait s'en faire le plus. Le seul choc, ici, était de voir son père ici, en France, dans cette maison, ce soir. Comment était-il déjà au courant, c'était Solène qui avait appelé ? Il lui jeta un coup d'œil, ayant vraiment de la peine pour elle en la voyant aussi pâle, les yeux rouges et gonflés, semblant anéantie. D'autant plus que ce n'était pas la première fois que Kimmitsu disparaissait comme ça... D'après ce qu'il avait entendu à l'école, la directrice aussi avait eu des "absences" inexpliquées et n'était pas revenue en bon état, loin de là. Genji faisait de son mieux pour ne pas prêter garde aux rumeurs, toutes plus affreuses les unes que que les autres, bien que ce soit difficile. Il voudrait penser que beaucoup de rumeurs étaient infondées, ce qui était impossible, cependant, ce que lui avait raconté son oncle concordait avec la majorité de ragots. Et il avait vu l'expression de la directrice avant qu'elle ne parte, ce qui l'avait pas mal effrayé. Elle lui était apparue comme... Comme... un soldat, partant pour une mission dangereuse.

– On vient pour ton oncle, pour aider Solène. Tu es sûr que tout va bien ? Tu n'as rien eu ? Tout se passe bien ?

– Mais moi ça va, pourquoi j'aurai eu quelque chose ? Ne t'inquiètes pas. Heu... désolé pour... Tout va bien. Vous savez quoi faire pour Kimmitsu ? J'ai pu voir la directrice ce soir mais elle est partie vite en m'interdisant de faire quoi que ce soit.

– Et elle a eu raison. C'est dangereux ! S'ils ont attrapé ton oncle, c'est qu'ils sont puissants... Et tu te demandes pourquoi tu aurais quelque chose... C'est normal que je m'inquiète pour toi.

Oui... Pardon... Il marmonna qu'il savait cela, passant, après une hésitation, les bras autour de son père pour fourrer le visage contre lui, tête baissée et fermant les yeux. Il n'arrivera sans doute toujours pas à admettre qu'il lui avait manqué mais ce geste sonnait comme un aveu, malgré tout. Surtout ce soir, après avoir passé la journée à se demander si oncle était toujours en vie, après avoir pris conscience de la réalité assez brutale de cette école, après avoir compris que se dresser contre certaines idées pouvait avoir de graves conséquences. C'était... perturbant. Comme s'il y avait deux réalités bien distinctes. L'une était tout à fait normale. Il suivait des cours, avec des professeurs plus ou moins agréables, plus ou moins sévères, plus ou moins souriants, chacun ayant sa façon bien distincte d'agir. Il avait rencontré des personnes géniales, dont Dominique, déjà très mature, déjà papa, toujours enjoué et positif, qui était comme un rayon de soleil sur la vie aux yeux du nouveau venu. Puis l'autre réalité, plus sombre, cachée, rampante. Celle où les morts côtoyaient les disparus, où tout pouvait survenir à n'importe quel moment. La réalité des armes, d'un combat latent avec ds enjeux que Genji ne comprenait qu'à peine, il se sentait incroyablement dépassé. Dans ce chaos, la famille était une valeur sûre, réconfortante, et il était heureux que son père soit là aujourd'hui, ramenant dans sa vie un repère qu'il avait cru perdre à jamais. Il le serra donc un peu plus fort, réalisant avec un temps de retard qu'il risquait de trouver ça bizarre, mais peu importe.

Genji ne bougea pas plus lorsque Jasper et Laura arrivèrent à leur tour, assez rapidement échangeant à peine quelques mots avant de repartir. aura s'était contenté de demander s'ils étaient de la famille au sous-directeur et s'ils pourront aider à le retrouver, avant de retourner rejoindre son frère. Aider à le retrouver, ce n'était pas certain... Si la directrice était déjà partie... Et elle n'acceptera pas que qui que ce soit vienne se fourrer dans ses jambes et la gêner si elle avait déjà un plan. mais même s'ils ignoraient où s  rendre pour aider Kimmitsu, ils pouvaient forcément faire autre chose, non ? Il ne savait pas, lui, de l'espionnage, par exemple, ou, hum... Interroger des personnes, essayer de fouiner ? Il avait déjà voulu le faire avec Laura et ils avaient réussi à entrer dans le pensionnat de nuit, en cachette, bien que ce soit un "exploit" dont son père ne devra jamais être au courant, question de vie ou de mort. Rouvrant les yeux, il vit Solène se redresser un peu, expliquant à Munemori qu'il n'avait rien dit de mal. Jasper était simplement plus effrayé et méfiant, qu'il avait du mal à accorder sa confiance depuis certains événements. Genji l'aimait bien, même s'il était quand même moins abordable que sa sœur. Plus... sérieux, mature, sans doute. Pas étonant si son père l'avait frappé durant des années.

– Et nous, on peut faire quoi ? dit Genji en s'écartant un peu de son père.

– Toi, rien, ne va pas te fourrer dans les ennuis.

Roh, Genji était capable de faire un minimum attention, tout de même, il n'avait jamais dit qu'il allait courir tout droit sur la première caserne venue en brandissant une arme ! Arme dont il ne savait même pas se servir en plus. Son oncle le prenait pour un gamin, lui aussi, ils posaient des interdits mais sans les expliquer. Le jeune lycéen le suivit du regard lorsqu'il fit signe à Solène de rester assise, allant s'occuper des casseroles qui chauffaient. Il était toujours près de son père, ce qu'il aurait été incapable de faire il y a un mois à peine, ou même trois semaines, les joues un peu rouges.

– Laisse la directrice faire, elle a un plan d'après ce que tu nous a dit. Patiente ici, il vaut mieux ne pas prendre de risques.

Même si eux n'en prenaient pas, il y en avait d'autres qui en prenaient tous les jours, dans ce pays, et qui en payaient le prix fort. Se forçant à hocher la tête, il prit le pain et 'eau pour les poser sur table, dans la salle à manger où était aussi le salon, près de la cheminée. La fenêtre était ouverte, laissant voir le village assez paisible, ce soir-là. Une fois encore, le contraste était flagrant. Un village de campagne, tranquille, blotti dans une vallée sans histoire, où brûlait, caché, un feu dévorant et destructeur, que personne ne pouvait réellement voir sinon les personnes y étant impliquées. Où son oncle était-il ? Qu'avait-il déjà subi ? Genji buvait sa soupe doucement, se demandant comment tout avait pu dégénérer aussi vite et si puissamment, dans cette école. Il participait un peu à la conversation, assis entre son père et son oncle, faisant tourner un morceau de pain entre ses doigts. Il prenait une longue gorgée d'eau lorsqu'un vrombissement interrompit la conversation, alors qu'ils voyaient passer à toute vitesse un camion blindé aux couleurs de l'armée. Bon, ça, c'était habituel. En revanche, ce qui l'était nettement moins, pour lui qui entendait ça pour la première fois de toute sa vie, ce fut le violent coup de tonnerre qui déchira tout à coup le silence paisible du soir, dans un ciel pourtant parfaitement dégagé et encore assez clair, avec le soleil se couchant lentement. Genji avait saisi le bras de son père par pur réflexe, son cœur ayant bondi. Ça... venait d'où, ça ? Il n'y avait même pas d'orage !

– C'est elle ? ne put-il s'empêcher de demander.

– Elle sait peut-être ce qui est arrivé à Kimmitsu, s'écria Solène, d'une voix pleine d'espoir, en se levant pour aller à la fenêtre, regarder au-dehors. Et si elle réagit comme ça...

Oh... la directrice... C'est vrai, elle pouvait faire ça... Il sursauta à nouveau lorsqu'un autre coup bien plus violent retentit, mais plus éloigné. Son oncle et son père échangèrent un regard avant que Munemori file rejoindre Solène à la fenêtre, se penchant pour mieux observer. Qu'est-ce qui se passait, au juste, elle était en train de se battre avec quelqu'un ? Et comment cela se faisait-ils qu'ils entendent aussi bien la foudre, à quel niveau de puissance était-elle en train de la manier ?! Solène indiqua que l'orage s'éloignait, en direction de Paris. Kimmitsu était là-bas, alors ? Solène souriait, maintenant, bien qu'il ne voit absolument aucune raison justifiant ça. La directrice lui collait la trouille, à lui, surtout depuis qu'il l'avait vu en uniforme. A côté de Solène, elle était... Elles ne se ressemblaient pas du tout, Solène était bien plus douce et mignonne.

– Si c'est bien Rochard qu'elle vise, il va finir en fumée, siffla-t-elle d'un ton satisfait. Après ce qu'il lui a fait et ce qu'il a fait à Kimmitsu... Il ne l'empêchera pas de le tuer, cette fois.

Heu, Solène était bien plus douce et mignonne lorsque personne n'avait la mauvaise idée de s'en prendre à Kimmitsu... Il ne savait qui était Rochard mais il allait avoir de gros ennuis, si la directrice lui tombait dessus. Genji réalisa avec un temps de retard que son père avait passé un bras autour de lui pour le rassurer, au moment où il se redressait un peu. La fin du repas fut un peu tendue, personne ne parlait pas beaucoup, chacun devant se demander ce qui allait arriver maintenant et si Kimmitsu sera vraiment de retour au matin et surtout dans quel état. Quand tout le monde eut terminé de manger, ils débarrassèrent la table, enlevant la soupe puis les assiettes, dans un calme assez étonnant. Genji allait partir lorsque son oncle lui fit signe d'attendre. Il se renfrogna un peu, devinant de quoi ils voulaient parler. S'appuyant contre le chambranle de la porte, il fit un signe à Laura, pour lui souhaiter bonne nuit. Il avait peur de voir dans quel état allait revenir son oncle... Ce qui l'amena à se demander comment la directrice avait bien pu apprendre où il se trouvait. Elle avait pu faire pression sur quelqu'un ou avait pu fouiner dans des papiers, un truc du genre ? Perdu mais espérant qu'elle sache ce qu'elle faisait, il fit de son mieux pour chasser les idées noires, conscient que mourir d'angoisse n'allait rien arranger.

– Tu as changé, toi, dit-il à son neveu en s'essuyant les mains.

Pas tant que ça, tout de même. Les joues du lycéen virèrent au cramoisi alors qu'il retournait dans le salon, enlevant ses chaussures pour s'asseoir en tailleur dans le canapé. Munemori ferma la fenêtre, repoussant les rideaux devant, s'installant ensuite dans un petit fauteuil, alors que son père s'était mis  côté de lui sur le canapé. Les voir ici, tous les deux, était assez étrange, en fait. Il avait pris l'habitude d'y voir Laura plongée dans un roman d'aventures, Solène occupé à coudre des vêtements, parfois son oncle longé dans ses documents de l'école. Jasper, lui, ne restait pas longtemps en place dans un seul endroit et passait plis de temps dans le jardin, sur le banc en pierre, près du mur de la maison. Finalement, c'était Laura qui passait plus de temps ici, le week-end, seuls moments où, après les devoirs, elle pouvait se plonger dans la montagne de livres qu'elle possédait, en plus de ceux qu'elle prenait à la bibliothèque du pensionnat.

– Tu... pourrais nous expliquer ? Nous éclairer un peu ?

– Qu'est-ce qui a bien pu se passer, en résumé ? reprit-il juste après. De quoi avez-vous pu parler ?

"Kimmitsu voit votre père comme un tyran borné" n'était peut-être pas la meilleure des réponses à donner... Enfin, il ne l'avait pas dit tel quel mais le sous-entendu était parfaitement évident. Entrouvrant la bouche, le jeune homme hésita, cherchant ce qu'il pouvait vraiment dire, ignorant s'ils allaient mal prendre que Kimmitsu lui ait parlé ainsi. Genji ne pouvait pas savoir ce eux-mêmes pensaient de leur père, donc il ne pouvait pas non plus deviner comment ils allaient réagir s'il leur avouait ce que pensait vraiment Kimmitsu. Terrain hautement glissant. Il avait peur de se faire lamentablement avoir en moins de deux minutes, montre en main, en disant trop, surtout face à son père. Et s'il n'en racontait pas assez, son père pourrait s'inquiéter ou le faire parler plus, pour finir par tout deviner. Argh, mal de tête en vue.

– On a parlé de... hésita-t-il d'une voix lente. Comme j'ai entendu certains trucs... Il m'a expliqué ce qui s'était passé à l'école, l'année dernière, plus précisément. Comment tout a commencé, ce qui s'est passé pour que ça dégénère à ce point, aussi vite. Et aussi fort.

Il leur passait les détails, n'ayant de toute façon qu'une approche assez globale, mais c'était déjà bien suffisant pour vous coller des cauchemars de toute manière. Genji n'avait pas voulu interroger son oncle plus avant, rien que simplement voir sa tête lorsqu'il en parlait suffisait, il ne voulait pas connaître les détails ni trop en savoir. Les bruits de couloirs, lorsqu'ils ne portaient pas sur les histoires d'amourettes ou des anecdotes sur leurs profs, étaient déjà assez durs à eux seuls. Encore une fois, coupe très nette entre les deux "mondes". Entre l'école ordinaire et le combat se déroulant sur ce terrain miné. Tête baissée, Genji jouait avec un bout de son pull, le triturant entre ses mains.

– Il m'a expliqué aussi pourquoi il avait voulu partir en France, ajouta-t-il en gardant les yeux rivés sur ses mains. Comment il a commencé à y réfléchir, puis ce qui la décidé. Il m'a parlé de grand-père... enfin, de votre père.

– Et il t'a raconté quoi, sur lui ? lança Munemori d'un ton un peu inquiet. Tu n'expliques rien, depuis toute à l'heure, tu es très vague.

Car ce n'était pas à lui d'expliquer toutes ces choses dans le détail. Et Kimmitsu ne lui avait pas dit que du bien, là-dessus. Genji releva enfin la tête, ramenant ses jambes contre lui avant de les entourer de ses bras, appuyé contre le dossier du canapé. En fait, c'était avec ce qu'il avait appris qu'il avait comparer son grand-père et son père, captant enfin que Josuke n'était pas ce qu'on pouvait appeler un "mauvais père", au vu de ses réactions, ce qu'il avait fait. Il entendait encore son oncle lui avouer qu'il trouvait les réactions de son père pathétiques. Mais ce n'était même pas le pire, c'était la façon dont il en parlait. Fatigué, blasé, lassé, comme s'il n'y trouvait plus aucun intérêt, juste du mépris, face au rejet qu'il avait subi étant plus jeune. Et ça, Genji trouvait ça bien grave, qu'on puisse en arriver à n'éprouver que de la lassitude et du mépris face à son propre père. Kimmitsu ne détestait même pas son père, c'était bien pire que ça, il le méprisait.

– J'ai appris que grand-père l'avait renié, marmonna-t-il, ce que personne n'a jugé utile de nous dire, au passage. C'est agréable d'apprendre comme ça qu'on ne sait absolument rien de sa propre famille, en réalité. Enfin, peu importe. Donc il m'a raconté quel caractère il avait eu, avant et après la guerre, jusqu'au jour où il a lui a dit qu'il voulait partir. Vous devez mieux le savoir que moi, ça, je n'ai pas demandé de détails.

Ce serait inutile, ce qu'il avait entendu avant était bien suffisant en soi pour qu'il se fasse une idée précise du personnage te puisse comprendre pourquoi son oncle avait eu de telles réactions. Munemori marmonna tout à coup que ce n'était pas une histoire qu'ils s'amusaient à raconter à leurs enfants, en effet, afin de ne pas semer le trouble dans leurs têtes. Peut-être bien, mais Genji estimait qu'à quatorze, quinze ou seize ans, ils étaient assez âgés pour savoir et comprendre. Son oncle lui avait bien raconté, après tout, il considérait qu'il était capable de comprendre.

– Il y a plusieurs "camps", au pensionnat, reprit-il ensuite. Mais je n'ai presque pas vu l'armée, pas encore. Il paraît aussi qu'il y a le fantôme d'une petite fille, je crois qu'elle s'appelle Emilie, qui se balade dans l'école la nuit. Tu en as déjà vu, des fantômes, papa ?
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Josuke Nakajima
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MessageSujet: Re: Surtout, pas de bêtises   Surtout, pas de bêtises EmptyDim 13 Déc - 20:03

Munemori – Tu as changé, toi, dit-il à son neveu en s'essuyant les mains.

Bien vrai, Josuke ne le reconnaissait plus. Il s’était passé quelque chose, Kimmitsu avait dû lui parler pour arranger ses relations avec son père. Mais que lui avait-il dit ? Quelles paroles avait-il prononcées pour que Genji change à ce point en allant dans ses bras et en l’appelant « papa » ? Il n’était en France que depuis un mois ! Et il avait changé à ce point… Ce n’était pas quelque chose qu’il avait vécu, il ne semblait pas traumatisé, Josuke avait vérifié plusieurs fois. Il n’avait rien, était entier, n’avait aucune égratignure, tout allait bien. Son fils rougit légèrement avant de s’installer avec eux, Josuke à côté de lui sur le canapé et Munemori dans un fauteuil.

Le chef de famille jeta un regard à la pièce, détaillant un peu tout ce qu’il y voyait, imaginant la vie que devaient mener son fils, son frère et sa belle-sœur. C’était étrange d’être ici, vraiment. Tout ce qu’il était, pour l’instant, était de voir son frère revenir, passer cette porte… Mais une chose à la fois, ne pas y penser, ils étaient ici pour aider Solène, pas pour se mettre à avoir peur aussi. Josuke tourna la tête vers son fils, hésitant à lui poser la question, modérant son ton. Il ne voulait pas tout gâcher mais avait besoin de comprendre ce que Kimmitsu avait fait pour qu’il change autant.

Josuke – Tu... pourrais nous expliquer ? Nous éclairer un peu ?

Munemori – Qu'est-ce qui a bien pu se passer, en résumé ? reprit-il juste après. De quoi avez-vous pu parler ?

Josuke hocha la tête, approuvant la question, tournant ensuite la tête vers Genji en attente d’une réponse. Il avait besoin d’y voir plus clair, désolé mais ce revirement de situation était incompréhensible. Son fils ouvrit la bouche, enfin, mais ne dit rien comme s’il semblait hésiter. Il pouvait parler, ils n’allaient pas l’engueuler ni le juger, ils voulaient seulement comprendre ! De quoi avait-il peur ? Josuke était ouvert, il voulait vraiment renouer les liens avec lui, être le père qu’apparemment il n’était pas, être présent pour lui. Il voulait vraiment arranger les choses et le soutenir, l’aider dans ses projets comme il avait pu aider son oncle avant lui, comme il l’avait soutenu autant que possible malgré les paroles et pensées de leur père. Josuke voulait que Genji se sente bien au Japon et non pas rejeté comme Kimmitsu l’avait été.

Genji – On a parlé de... hésita-t-il d'une voix lente. Comme j'ai entendu certains trucs... Il m'a expliqué ce qui s'était passé à l'école, l'année dernière, plus précisément. Comment tout a commencé, ce qui s'est passé pour que ça dégénère à ce point, aussi vite. Et aussi fort.

Ah… Il lui avait donc tout dit pour la situation au Pensionnat, expliqué ce qui s’y passait, comme il l’avait balancé au père d’Imari qui le traitait de traitre au mariage. Ce n’étaient là que des « exemples » d’événements atroces mais cela avait suffi à faire frissonner Josuke. Mais il restait une ombre au tableau. En quoi cela influençait-il le comportement de Genji ? C’était tout ? C’était pour cela qu’il avait changé, pour cette raison qu’il avait serré son père dans ses bras ? Pour cela qu’il l’avait appelé « papa » après un mois passé ici comme si tout ce qu’il avait vécu au Japon était oublié ? D’accord, Kimmitsu lui avait expliqué certaines choses mais il n’y avait pas que cela. C’était certain, ce qui se passait en France n’avait rien à voir avec les réactions de Josuke, rien à voir avec le lien qui se détériorait entre eux. Alors quoi ? Il posa le regard sur son fils, le voyant jouer avec son pull, visiblement mal à l’aise.

Genji – Il m'a expliqué aussi pourquoi il avait voulu partir en France, ajouta-t-il en gardant les yeux rivés sur ses mains. Comment il a commencé à y réfléchir, puis ce qui la décidé. Il m'a parlé de grand-père... enfin, de votre père.

Munemori – Et il t'a raconté quoi, sur lui ? lança Munemori d'un ton un peu inquiet. Tu n'expliques rien, depuis toute à l'heure, tu es très vague.

Ah… Josuke se raidit quelques secondes avant de se détendre, mal à l’aise à son tour. Il comprenait mieux pourquoi Genji ne lui en voulait pas… ou moins. Mais que lui avait-il dit, précisément ? Munemori, comme lui, semblait inquiet à l’évocation de leur père, sujet devenu tabou malgré eux. Maintenant qu’il y pensait, c’est vrai qu’ils n’en parlaient jamais. Par respect pour Kimmitsu lorsqu’il venait, et puis, ils avaient tous leur vie. De plus, rappeler le caractère de leur père à la fin de sa vie n’était pas un bon hommage, certaines histoires doivent rester cachées, oubliées, ignorées des petits-enfants.

C’était dur mais cela valait mieux. Les plus jeunes ne pouvaient pas comprendre, pas sans avoir de comparaison, et ils ne voulaient pas qu’ils jugent leur père sans le connaître. Kimmitsu, Munemori et lui-même le pouvaient parce qu’il s’agissait de leur père, eux avaient leur propre avis sur lui et ne cherchaient à influencer personne d’autre. Mais les enfants… Josuke n’avait jamais évoqué leur père de peur que ses neveux et nièces rejettent leur oncle, au même titre que leur grand-père. Et cela, il le refusait. Genji avait relevé la tête et ramené ses jambes contre lui, les entourant de ses bras. Donc… ?

Genji – J'ai appris que grand-père l'avait renié, marmonna-t-il, ce que personne n'a jugé utile de nous dire, au passage. C'est agréable d'apprendre comme ça qu'on ne sait absolument rien de sa propre famille, en réalité. Enfin, peu importe. Donc il m'a raconté quel caractère il avait eu, avant et après la guerre, jusqu'au jour où il a lui a dit qu'il voulait partir. Vous devez mieux le savoir que moi, ça, je n'ai pas demandé de détails.

Josuke échangea un bref regard avec Munemori, comprenant pourquoi son fils avait changé mais admettant qu’il avait peut-être raison. Il leur en voulait de ne pas leur avoir parlé de leur grand-père, de ne pas avoir dit qu’il avait renié son plus jeune fils, le rejetant de la maison. Le chef de famille se mordit les lèvres, ses convictions fondant comme neige au soleil à propos de cette décision de ne pas en parler du tout. Ils devaient ? Dire quel homme avait été leur père, grand-père de leurs enfants ? La réaction de Genji était compréhensible, d’un côté. C’est vrai que, lorsqu’il y pensait, son fils ne savait rien de son père, absolument rien. Ils avaient dissimulé un détail important de leur histoire que leurs enfants auraient pu apprendre au mariage de leur oncle.

Peut-être devaient-ils en parler… Non. Ce n’était pas à Munemori ni à lui-même de le faire. Cette histoire concernait son frère et leur père, c’était à lui d’en parler et pas à eux. Il devait d’abord donner sa version des faits, après quoi, Munemori et Josuke pouvaient très bien expliquer et parler à leur tour. Mais ils devaient décider. Lorsque Kimmitsu serait de retour, il lui proposerait cette alternative, s’inquiétant un peu des réactions futures de leurs enfants. Il en parlerait s’il le souhaitait, sinon ils garderaient cette histoire sous silence et feraient attention durant les événements susceptibles de rappeler cet événement. Encore fallait-il que Kimmitsu revienne…

Genji – Il y a plusieurs "camps", au pensionnat, reprit-il ensuite. Mais je n'ai presque pas vu l'armée, pas encore. Il paraît aussi qu'il y a le fantôme d'une petite fille, je crois qu'elle s'appelle Emilie, qui se balade dans l'école la nuit. Tu en as déjà vu, des fantômes, papa ?

Josuke – Des… fantômes ? Je suis ouvert, tu le sais, mais… ça n’existe pas, tu sais ?

Des fantômes… Le prénom d’Emilie lui disait vaguement quelque chose, Kimmitsu ou Gabriella en avaient déjà parlé. Mais des fantômes… Josuke croyait aux esprits des morts, de la famille, des proches. Aucun problème là-dessus, il était ouvert et les priait régulièrement. Mais des fantômes… Les fantômes n’existaient pas et n’avaient jamais existé. C’était impossible. Il avait de la fièvre ? Josuke couva son fils du regard, un peu inquiet, tandis qu’il fit une grimace sans paraître convaincu par ce que venait de lui dire son père. Il avait vraiment l’impression de marcher sur des œufs, peu habitué à avoir une conversation « normale » - si on pouvait la considérer comme tel – avec lui.

Genji – Ce n'est pas certain, qu'ils n'existent pas. Il y a plusieurs personnes à voir des choses... bizarres. Cette fille a eu une mort horrible, à ce qu'il semble.

Josuke – Justement… Si cette petite fille a eu une mort horrible, elle doit reposer en paix et ne pas hanter le pensionnat. Je ne sais pas si tu peux te fier à ce que les gens disent, ne fais attention qu’à ce que, toi, tu vois.

Il essayait vraiment de faire attention, de ne pas le froisser, mais c’était difficile. Son frère lui lança un long regard, plutôt long et équivoque qui sous-entendait clairement que lui non plus n’y croyait pas. Ah, donc, il n’était pas le seul, c’était rassurant.

Munemori – Sinon, on peut aller au cimetière, tu verras bien qu'il n'y a rien d'autre que des familles reposant en paix.

Genji devint livide, s’accrochant à son bras. Allons ! Il n’y avait rien dans les cimetières, c’était une bonne idée. Josuke se releva, attrapant sa veste et celle de son fils en lançant que c’était une excellente idée qui démentirait toutes ces rumeurs sur les fantômes. Ils n’existaient pas, voilà tout, aucune peur à avoir ! Il demanda à son fils de les guider, ignorant où se trouvait le cimetière mais se doutant qu’il devait y en avoir un tout près dans ce village. Ils prévinrent tout de même Solène, ne voulant pas qu’elle ait peur alors qu’ils sortaient simplement, disant qu’ils allaient faire un tour, puis Josuke et Munemori suivirent Genji jusqu’au cimetière. Qui faisait froid dans le dos… Des tombes un peu partout, cimetière très bien entretenu, il devait l’admettre. L’endroit lui imposait le silence et le respect, tenant toujours la main de son fils qui ne semblait pas franchement rassuré. Il n’avait pas à avoir p…

Josuke – C’est moi où j’ai entendu du bruit ?

Josuke se retourna, s’arrêtant à l’entrée du cimetière qu’ils venaient de franchir. Calme plat. Il n’y avait absolument rien. Qu’il se calme, lui aussi ! Un cimetière n’était pas censé faire peur, ce n’était pas rassurant mais c’était tout. Mais à peine fut-il plus ou moins convaincu par ce qu’il avança qu’ils entendirent un souffle, un souffle qui lui donna la chair de poule. Un bruissement lui succéda très vite, semblant à la fois tout proche d’eux et éloigné, poussant Josuke à murmurer de ne pas rester ici tandis qu’il poussait son fils un peu plus en avant dans l’allée centrale. Des chuchotements, des bruissements… Non, il devenait fou, c’était n’importe quoi. Pourtant, ses poils s’étaient hérissés sur ses bras, il sentait l’air glacé lui coller à la peau, imprégner ses vêtements, lui donnant l’impression qu’il pouvait se figer sur place s’il arrêtait de marcher.

C’est à ce moment qu’ils la virent… Plus loin, dans l’allée, une brume scintillante les attira. Brume indistincte d’abord, flottant en l’air sans explication possible. A mesure qu’ils se rapprochaient d’elle, cette ombre, brume, ou peu importe ce que c’était, se précisa devant leurs yeux alors que Josuke avait rapproché Genji de lui dans une attitude protectrice sans même le réaliser. La brume devint une fillette. Assise sur la tombe, les fixant d’un air vide, avec des yeux éteints, semblant les transpercer de son regard alors qu’elle ne faisait rien. On voyait à travers… Une… C’était un…

Fillette – Vous jouez avec moi ? demanda-t-elle en tendant la main vers eux.

Josuke se figea en regardant la fillette, ouvrant la bouche sous le choc sans pouvoir dire quoi que ce soit. Un fantôme… Tournant la tête légèrement, du coin de l’œil, il aperçut Munemori complètement figé, confirmant qu’il n’était pas le seul à voir le fantôme – un fantôme ! – de cette petite fille assise sur la tombe. Un fantôme… Il resserra sa prise sur son fils, le rapprochant de lui, voulant le protéger. Un fantôme… Il y avait un fantôme en face d’eux ! Genji semblait terrifié, contre lui, tous trois complètement figés et n’osant pas bouger. Ses jambes refusaient de lui obéir, de courir, sachant sans doute que courir ne servait à rien, que cette petite fille les aurait rattrapés en un claquement de doigts. Elle se leva soudain, doucement, se remettant sur ses pieds tandis que Josuke reculait doucement comme un animal effrayé. Elle levait toujours la main vers eux, semblant attendre quelque chose, puis répéta sa question une nouvelle fois.

Genji – Tu... es... Emilie ?

La petite fille le regarda d’un air curieux, baissant légèrement la main, et fit un pas, se rapprochant d’eux alors que Josuke serrait un peu plus Genji contre lui même si cela ne servait à rien. C’était un geste stupide, il le savait, mais c’était plus fort que lui. Tout son être lui disait que ce n’était pas normal, ce froid était désagréable, menaçant, ce fantôme remettait en question tout ce qu’il savait, tous ses principes à propos de la mort, toutes ses croyances. Un fantôme…

Emilie – Tu connais mon prénom ? demanda-t-elle avant de tendre la main. J’ai froid.

Josuke – Tu… Tu…

Inconnu – Que faites-vous là ?!

Josuke sursauta en faisant un bond de deux mètres, se tournant vers l’origine de cette voix inconnue et nettement plus forte, surprenante. Un vieil homme se rapprochait à petits pas d’eux, cheveux gris et assez courts, un air lui rappelant soudainement son père. Il tenta de calmer les battements effrénés de son cœur dans sa poitrine, ayant porté une main à l’endroit où il se trouvait, le sentant battre avec force. La petite fille avait légèrement changé d’expression mais Josuke n’y prêta pas garde, tourné vers l’inconnu qui se rapprochait d’eux. Ce qu’ils faisaient là… Et lui ? Ou peut-être ne pouvaient-ils pas venir dans les cimetières, passée une certaine heure ? Il se redressa un peu, tâchant de ne pas penser au fantôme qui se trouvait à côté d’eux pour ne pas l’effrayer. Le vieil homme allait forcément dire qu’ils hallucinaient !

Josuke – Je vous demande pardon, nous… nous ne savions pas que venir ici était interdit, nous venons seulement d’arriver en France et logeons tout près d’ici. Nous… Nous voulions prouver à mon fils que les fantômes n’existaient pas mais…

Il baissa alors la voix, murmurant qu’il y avait une petite fille assise sur cette pierre tombale qui leur demandait de jouer avec eux, l’implorant presque du regard de leur dire qu’ils étaient fous. Ils n’étaient pas d’ici ! Ils ne voulaient manquer de respect à personne, Josuke et Munemori avaient seulement voulu prouver que les fantômes n’existaient pas.
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MessageSujet: Re: Surtout, pas de bêtises   Surtout, pas de bêtises EmptyLun 14 Déc - 22:31

[PNJ Xavier Vilette, prêtre de Gray. Avec réacs des membres.]

Les enfants étaient inquiets, bien entendu, comment ne pas l'être ? Xavier referma la porte du presbytère derrière lui avec un grand soin, tremblant un peu malgré le temps clément. Il ne pourrait rentrer maintenant dans son cottage et trouver le sommeil, l'esprit bien trop troublé pour cela. Une disparition avant même la fin de la première semaine de septembre, ce monde devenait fou. Passant dans son bureau, une pièce modeste avec des meubles en bois, il s'installa dans un petit fauteuil derrière son bureau en se massant le cou, essayant de détendre son vieux corps meurtri. Il était épuisé, bien plus qu'il ne devrait l'être à son âge, bien plus que de coutume. Ouvrant la première lettre, du petit tas l'attendant, il reconnut l'écriture fine et élancé du jeune Robert, un de ses vieux amis, ancien boucher dans une petite ville des Alpes. Il venait d'avoir un petit-fils, ce qui portait à sept le nombre de ses petits-enfants. Le vieil homme eut un doux sourire en lisant la lettre, imaginant sans peine à travers ces mots la joie infinie de son ami de voir ce petit être rejoindre sa famille. L'arrivée d'une nouvelle vie sur terre était toujours très précieuse, c'était un don de Dieu. Il était bien cruel que beaucoup de ces petits anges ne puissent profiter de leur vie si terre.

La seconde lettre lui avait été envoyé par une paroissienne voulant savoir comment se déroulait les cours de religion, la troisième était un courrier administratif, la quatrième une invitation à un colloque. La cinquième lettre était d'un de ses cousins, l'informant qu'il était attendu pour le repas de Noël, le 23 décembre afin que le maximum de personnes puissent venir. Ah, Noël, il était déjà temps d'y penser. Avec tous ces événements, le vieux prêtre espérait que cette fête puisse donner un peu de baume au cœur des personnes en peine. Prenant de quoi écrire, il commença un brouillon de lettre pour répondre à Robert mais s'interrompit à peine les premiers mots tracés, relevant la tête. Il avait cru entendre quelque chose, cela ne venait pas de l'église, plutôt du cimetière. Allons, que se passait-il, encore ? Autrefois, jamais le cimetière ne l'avait troublé, il s'agissait de la demeure du dernier repos, ni plus ni moins. Cependant, force était, aujourd'hui, d'y voir bien plus. Certaines choses effrayaient ses ouailles mais Xavier n'en avait jamais fait état en plus haut lieu. On le prendrait pour un fou ou que savait-il encore. Des manifestations étranges arrivaient souvent dans ce village, il ne fallait pas s'affoler.

Enfilant une veste chaude, il quitta l'abri du presbytère, longeant les murs du cimetière pour emprunter l'entrée principale. Quelqu'un avait pénétré ici ? La grille était entrouverte... Il avait pourtant bien dit et répété aux paroissiens de ne pas venir dans le cimetière la nuit. Pour ne pas faire s'évanouir les plus sensibles, éviter que des histoires se répandent, ne pas angoisser tout le village et laisser les morts en paix. Voyons, qui était entré ? Si c'était encore des enfants voulant jouer à s'amuser à se faire peur... Remontant l'allée centrale, il repéra rapidement trois personnes, deux adultes et un enfant, non loin des quelques tombes où les malheureux petits de l'école étaient enterrés. Xavier s'approcha aussi vite que ses jambes raides le lui autorisèrent, presque aussitôt essoufflé. Pourquoi venir déranger les défunts, ils pouvaient venir le jour ou en soirée, mais mieux valait ne pas venir troubler le sommeil si léger des chers petits enterrés ici, la nuit les effrayait déjà bien assez et eux étaient seuls, ils n'avaient plus le réconfort d'un père ou d'une mère, dans les heures les plus sombres de la nuit.

– Que faites-vous là ?!

Le plus grand fit un brusque bond, se retournant en plaquant une main contre son cœur. Le père Vilette s'approcha d'eux en reprenant son souffle, voyant que la petite Emilie était sortie de sa tombe, son visage s'éclairant doucement lorsqu'elle le vit. Pauvre enfant... Cette petite, de tous les personnes enterrées ici et ayant connu une fin tragique, était celle qui souffrait le plus. Après le profond malheur qu'avait été sa vie, elle ne trouvait nul réconfort dans la mort. Xavier venait régulièrement fleurir sa tombe, parlant parfois avec elle, ignorant comment lui permettre d'emprunter le chemin qui la conduira aux côtés du Seigneur. Tournant la tête vers les deux hommes et les enfants, il leur trouvé, très curieusement, un certain air familier. Comme s'il les avait déjà vu... Cependant, il était bien certain que non, ils ne devaient pas être d'ici. Il n'avait jamais vu non plus le jeune garçon, tenu par l'adulte qui devait être son père, sans nul doute. Que faisaient-ils ici, tous les trois, à cette heure ? Il n'était pas si tard que cela, soit, mais la nuit était tombée, ce n'était plus le moment pour marcher entre les tombes.

– Je vous demande pardon, nous… nous ne savions pas que venir ici était interdit, nous venons seulement d’arriver en France et logeons tout près d’ici. Nous… Nous voulions prouver à mon fils que les fantômes n’existaient pas mais…

Il rajouta d'une voix basse et glacée de peur qu'il y avait une petite fille, une petit fille qui voulait jouer avec eux. Le vieil homme soupira doucement, s'approchant encore, appelant Emilie d'une voix très douce. Il s'accroupit pour se mettre à sa hauteur et tendit les mains, la fillette venant y "poser" les siennes. Ce n'était qu'une enfant ! Comme de juste, il eut un frisson très marqué, les mains d'Emilie traversant presque les siennes.

– Ce n'est plus l'heure de jouer, ma chérie, lui sourit-il d'un ton paternel, protecteur même. Il va se faire tard. Regarde les étoiles si tu ne parviens pas à trouver le repos. Nous allons bientôt être dimanche, sais-tu ? Après la messe, viens me voir à l'église. Je jouerai avec toi, ma puce, c'est promis.

– Il connaît mon prénom, souffla-t-elle en pointant le jeune garçon du doigt. Il le connaît alors que... Il... J'ai froid...

– Retourne dans ta tombe, tu pourras t'y blottir au chaud. Nous jouerons dimanche, à tout ce que tu voudras, ma puce.

Il se redressa avec lenteur alors qu'elle hochait la tête puis repartait vers la lourde plaque de marbre, y plongeant dans un léger souffle, laissant le silence revenir. Xavier baissa la tête puis fit un signe de croix, murmurant une prière pour la Vierge Marie. Se retournant, il fit signe aux trois visiteurs nocturnes de le suivre, quittant le cimetière sans un mot ni un bruit. En chemin, il s'arrêta pour ôter quelques mauvaises herbes, redressé un pot de fleur tomé au sol, ses yeux glissant sur les noms, les dates, les inscriptions gravées dans le marbre. Une fois la grille verrouillée, il se présenta comme le prêtre du village et du pensionnat, leur demandant ensuite qui ils étaient. Le plus jeune des deux hommes répondit d'une voix rauque et très nerveuse, arrachant un léger haussement de sourcil au prêtre qui demanda s'ils étaient bien de la famille au sous-directeur. Le jeune homme hocha la tête, arrachant un sourire triste au prêtre. Cet homme menait une vie bien dure, résister ne se faisait pas sans peine. Les faisant rentrer dans le presbytère, il ajouta qu'il valait éviter de venir dans la cimetière la nuit, car certaines personnes enterrées ici avaient le repos faible, très fragile, qu'il ne fallait pas troubler. Il leur proposa du thé en passant dans la cuisine, après avoir pris une couverture dans un placard pour la mettre sur les épaules du jeune garçon, le trouvant bien pâle.

– Emilie a eu une vie difficile, vous savez, reprit-il en leur disant de s'asseoir, remettant un peu mieux la couverture sur le petit. Elle maniait le vent, son don était étonnamment puissant pour son âge. Ses parents la craignaient... Ils se sont débarrassés d'elle alors qu'elle avait sept ans, abandonné aux mains de scientifiques, travaillant pour l'armée. Elle a beaucoup souffert, avant de succomber... La directrice du pensionnat et le sous-directeur ont voulu faire en sorte, durant un temps, de lui faire vivre une scolarité normale, ayant obtenu qu'elle puisse quitter cet hôpital. Mais cette pauvre petite était déjà brisée... Le regard blasé d'un adulte ayant déjà trop souffert, l'innocence de l'enfance disparue. Réchauffe-toi, petit, tu as mauvaise mine.

Il alluma le gaz pour mettre de l'eau à bouillir, soupirant en ajoutant qu'il était bien triste que la mort n'ait pas été la délivrance attendue et tant espérée pour cette enfant, qu'elle errait dans le village et dans l'école, sans fin, en quête de l'amour d'une famille, la famille qu'elle n'avait jamais eu.

– Ne la craignez pas si vous la revoyez, soupira-t-il en posant des tasses et des sachets de thé sur la table. C'est une petite fille, elle n'a que dix ans, vous savez. Si cette enfant était la vôtre, vous auriez vous aussi envie de voir un sourire apparaître sur son visage.

L'un des deux hommes, Munemori s'il avait bien retenu, s'agita un peu sur sa chaise avec un air gêné. Xavier s'assit en attendant que l'eau soit portée à ébullition, les regardant avec un air paisible. Donc, ils étaient de la famille du sous-directeur. Curieux, le prêtre ne les avait jamais vu en France, était-ce la première fois qu'ils se rendaient dans ce village ?

– Excusez-moi, dit tout à coup Munemori en s'agitant. C'est normal qu'il existe des... Enfin...

– Non, c'est assez récent... Mais très rare. Emilie, Oscar... Je pense qu'ils sont les seuls, pour le moment. Les personnes puissantes ou essayant de ralentir les mauvaises choses vivent dangereusement.

Se relevant, il alla surveiller l'eau, puis sortit du sucre, dans un petite boîte en fer joliment décorée qu'il gardait pour ce genre d'occasions. Une fois l'eau prête, il vint la verser dans les tasses, posant ensuite la casserole sur un dessous-de-plat en bois, se rasseyant. Une boisson chaude réconfortait les cœurs et réchauffait l'âme. Munemori marmonna qu'ils espéraient que leur frère revienne vite, ce à quoi Xavier répondit qu'il sera sûrement là le lendemain.

– Donc, tu es un nouvel élève, sourit-il doucement pour Genji. La vie te plaira sûrement, ici, ce n'est pas désagréable tant que l'on reste prudent. Te sens-tu un peu mieux ?
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Genji Nakajima
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Genji Nakajima
MessageSujet: Re: Surtout, pas de bêtises   Surtout, pas de bêtises EmptyLun 4 Jan - 12:40

– Des… fantômes ? Je suis ouvert, tu le sais, mais… ça n’existe pas, tu sais ?

Alors pourquoi tant d’élèves en parlaient ? Pourquoi autant de monde avaient aperçus des choses étranges ? Tout le monde avait l’air effrayé, vraiment effrayé ! Genji n’était pas aussi convaincu que son père, très loin de là, surtout avec tout ce que lui avait révélé Kimmitsu. Jusqu’ici, il avait vécu dans un univers très protégé, cloisonné, même, où il usait à peine de son pouvoir et jamais devant sa famille, qui n’aimait guère cela. Ici, tout était différent, il avait l’impression que toutes les frontières de l’impossible avaient été brutalement repoussées et devenaient indiscernables. Alors pourquoi n’y aurait-il pas de fantôme ? Pourquoi pas ? Genji avait peur, cette idée bouleversait tout ce qu’on lui avait appris sur la mort, leurs ancêtres, la conception même de la vie et de la mort.

– Ce n'est pas certain, qu'ils n'existent pas. Il y a plusieurs personnes à voir des choses... bizarres. Cette fille a eu une mort horrible, à ce qu'il semble.

– Justement… Si cette petite fille a eu une mort horrible, elle doit reposer en paix et ne pas hanter le pensionnat. Je ne sais pas si tu peux te fier à ce que les gens disent, ne fais attention qu’à ce que, toi, tu vois.

– Sinon, on peut aller au cimetière, tu verras bien qu'il n'y a rien d'autre que des familles reposant en paix.

Hein ?! Le jeune homme devint livide en un seul instant, s’accrochant au bras de son père en ouvrant la bouche pour clamer « très mauvaise idée, surtout en pleine nuit », mais son père se leva en lançant que c’était une excellente proposition, pour démentir toutes les rumeurs. Aller au cimetière… la nuit ? Là, Genji n’était franchement pas rassuré et aussi convainc que si son oncle était là, il les insulterait de malades. Il enfila sa veste avec hésitation avant de sortir avec sa famille, son père lui prenant la main. C’était une mauvaise idée. Chez eux, au pays, les cimetières étaient différents, on considérait la mort comme un simple passage vers l’état d’esprit protecteur de la famille et les personnes se rendaient souvent sur les tombes pour déposer des fleurs et des offrandes. En France, leur religion les amenait à considérer la mort comme une épreuve douloureuse, angoissante, difficile. Les cimetières en étaient un reflet, ces lieux étaient toujours très calmes, souvent vides hormis de temps en temps un ou deux visiteurs, les tombes de marbres couvertes de fleurs et de plaques et objets gravés de phrases d’hommage. Celui de Gray était encerclé par un muret, à côté de l’église. Miraculeusement réchappé de l’incendie qui avait ravagé le village, il semblait assez ancien, quoi que bien entretenu.

Ils poussèrent la grille avec douceur, franchissant l’entrée sans se presser. C’était assez grand, ici, Genji n’y était jamais venu, se contentant de l’observer en passant, d’abord par curiosité puis pour vérifier les différences avec les cimetières Japonais. Au pays, les tombes formaient des « carrés », surélevée, avec des autels sur chacune d’elles, plus ou moins hautes et épaisses, gravées de l’identité du défunt et d’un texte d’hommage avec bien souvent une photo de lui, encastrée dans le marbre et protégée par une paroi de verre. Ici, les tombes étaient bien plus longues et plates, alignées dans un ordre parfait, avec une stèle peu haute gravée du nom du défunt, sa date de naissance et celle de sa mort. Tout était très calme… Au moins, on voyait un immense saule pleureur dont les branches s’agitaient avec lenteur sous l’effet du faible vent de cette nuit. Une petite chapelle, non loin, était dressée comme une gardienne, tout près de l’ossuaire, déjà bien plus grand et richement sculpté. Très calme… Et pas du tout rassurant. C’est bon, ils pouvaient repartir, maintenant ?

– C’est moi où j’ai entendu du bruit ?

Il disait ça pour lui faire peuuur ?! Genji crispa encore plus sa main sur la sienne, regardant partout autour de lui, persuadé qu’une des tombes allait s’ouvrir pour qu’un zombi ou un vampire leur saute dessus. Gloups. Ils avançaient lorsqu’ils entendirent une sorte… de long soupir, qui vint près d’eux. Ne pas paniquer, ne pas paniquer, ne pas paniquer. C’était une mauvaise idée ! Genji entendait encore autre chose, comme des voix étouffées, éthérées, accompagnées de ce souffle glacial qui les cernait. Le souffle coupé, il vit tout à coup une sorte de brume scintillante et blanche prendre la forme d’une boule plus compacte sur une tombe, dans l’allée centrale. Genji remarqua à peine que son père avait passé le bras autour de lui pour le rapprocher, les yeux fixés sur la brume qui prenait peu à peu forme humaine. Une… Une petite fille… Un frisson glacé vint le secouer pendant qu’il la dévisageait. C’était une petite fille, qui devait avoir l’âge de ses propres sœurs. Les cheveux mi-longs, lui arrivant à hauteur d’épaule, le regard si éteint, le visage impassible. Elle portait une sorte de robe, ce devait être son suaire. Emilie … ? Il en trembla de plus belle, cette vison rendant encore plus réelle les rumeurs circulant au pensionnat, les craintes. Il revoyait Kimmitsu évoquer cette fillette, le visage grave. C’était elle, ça ne pouvait qu’être elle.

– Vous jouez avec moi ? demanda-t-elle en tendant la main vers eux.

Il était terrorisé, complètement, son cerveau lui hurlant de faire demi-tour et courir sans que ses jambes daignent obéir à l’injonction. Figé sur place, il s’accrocha d’une main à son père en respirant avec difficulté, le cœur serré autant par la peur que par la peine. C’était… Quel âge avait-elle, enfin ?! Elle ne semblait pas plus vieille que les jumelles… Ou à peine. La petite se leva tout à coup, se rapprochant en répétant sa question. Elle tendait toujours la main, attendant quelque chose. Elle voulait qu’on la prenne ? Mais ils ne pouvaient pas la toucher, plus maintenant, elle n’appartenait plus à ce monde et qu’elle y soit encore sous cette forme était une anomalie, cela n’aurait jamais dû arriver. Etait-ce vraiment elle ? Emilie… La petite fille qui était venu un temps, bref, au pensionnat, et qui avait de nouveau disparu. Elle était si petite, frêle, avec ce regard très dérangeant, bien trop éteint pour une enfant de cet âge, bien trop grave, c’était… le regard blasé d’un adulte qui a déjà trop vécu, le regard d’un vieillard n’attendant plus rien de l’existence. La petite avait vraiment l’ai fragile, avec ce « corps » éthéré, pâle, ce suaire fin qui s’agitait autour d’elle avec lenteur.

– Tu... es... Emilie ?

Elle releva la tête vers lui en s’approchant encore d’un pas, tendant à nouveau la main. Mais ils ne pouvaient pas la toucher ! Elle leur passerait au travers, rien de plus. Son père lui faisait un peu mal à l’épaule à force de le serrer, maintenant, n’ayant toujours pas prononcé un mot. Que dire, dans une pareille situation ? Cette fille était…

– Tu connais mon prénom ? demanda-t-elle avant de tendre la main. J’ai froid.

– Tu… Tu…

– Que faites-vous là ?!

Le lycéen eut un violent sursaut, en même temps que son père et son oncle, retenant de justesse un cri. Un vieil homme s’approchait d’eux, forçant pour aller plus vite. Ah, oui, c’était le prêtre de l’école ! Genji l’avait déjà aperçu et les élèves disaient beaucoup de bien de lui, il était gentil. Bon, là, il semblait plutôt en colère ais tout le monde le décrivait comme un vieil homme chaleureux et à l’écoute, attentif aux autres et toujours prêt à aider. Genji se calma à très grande peine, livide, se forçant à ne pas dévisager bêtement Emilie par crainte de la vexer ou la blesser, la mettre en colère. Donc oui les fantômes existaient, du moins un fantôme, une, une petite fille assez particulière. Il jeta un coup d’œil à son père, le cœur battant, agacé qu’il ne l’ait même pas cru. Voilà où ils en étaient maintenant. Le prêtre pouvait peut-être leur expliquer pourquoi les fantômes existaient, ce qui les retenaient sur terre ? Il devait forcément il y avoir une raison, un élément déclencheur, comme la violence inouïe de la mort ou… Quelque chose.

– Je vous demande pardon, nous… nous ne savions pas que venir ici était interdit, nous venons seulement d’arriver en France et logeons tout près d’ici. Nous… Nous voulions prouver à mon fils que les fantômes n’existaient pas mais…

Mais, mais, rien du tout, ils n’auraient jamais dû venir ici. Le père Vilette lui jeta à peine un regard afin de filer entre eux et s’agenouiller près d’Emilie en tendant les mains bien à plats, paumes vers le ciel. Elle vint aussitôt « poser » ses mains sur celles du vieil homme, sans les traverser. Ah, donc c’était cela qu’elle quémandait. Ce geste semblait d’une grande importance pour elle… Pourquoi ? Peut-être était-ce le dernier qu’elle avait pu faire de son vivant, tendre la main en espérant que quelqu’un l’attrape et la sauve. Il éprouva tout à coup une violente envie de pleurer, ne pouvant s’empêcher d’imaginer cette fillette, vivante, désespérée, tendant la main en priant pour qu’une personne la prenne, l’emmène loin de son lieu d’agonie, la protège. Elle avait l’âge de ses petites sœurs. Le prêtre avait pris un air plus doux, paternel, agenouillé par terre pour être à la hauteur de la petite. Luia u moins ne montrait aucune crainte, il la regardait comme un grand-père devant sa petite-fille.

– Ce n'est plus l'heure de jouer, ma chérie, lui sourit-il d'un ton paternel, protecteur même. Il va se faire tard. Regarde les étoiles si tu ne parviens pas à trouver le repos. Nous allons bientôt être dimanche, sais-tu ? Après la messe, viens me voir à l'église. Je jouerai avec toi, ma puce, c'est promis.

Genji fut profondément touché en entendant cela. Il n’avait vraiment pas peur d’elle, il essayait de lui rendre le repos éternel moins désagréable. Ce qu’il disait sous-entendait qu’elle devait déjà venir le retrouver de temps en temps. Il échangea un rapide regard avec son père, la tête posée contre lui, regardant le vieil homme et l’enfant. Donc oui, il était vraiment gentil, Dominique et Océane lui en avaient fait une bonne description.

– Il connaît mon prénom, souffla-t-elle en pointant le jeune garçon du doigt. Il le connaît alors que... Il... J'ai froid...

– Retourne dans ta tombe, tu pourras t'y blottir au chaud. Nous jouerons dimanche, à tout ce que tu voudras, ma puce.

La fillette hocha la tête puis fila vers sa tombe, s’y évanouissant littéralement dans une brume très pâle. Le prêtre se redressa avec lenteur puis joignit les mains, tête baissée, en murmurant une prière, le tout dans un silence parfait. Il avait le même air de recueillement que les bonzes dans les temples, chez eux, ce qui imposait le respect. Quand il en eut terminé, il leur fit signe de le suivre, marchant avec un peu de peine. En chemin, il redressait les fleurs qui étaient tombées en travers des tombes, enlevant aussi les mauvaises herbes qu’il voyait. Il entretenait le cimetière seul, malgré son âge ? Il faudrait qu’il ait de l’aide, c’était impossible à gérer, sinon. Dehors le cimetière, ils firent les présentations, laissant Munemori qu’ils étaient bien de la famille à Kimmitsu. Ils allaient au presbytère quand le prêtre ajouta qu’ils n’auraient pas dû venir en pleine nuit, la plupart avait un repos bien fragile qu’il ne fallait pas troubler. En même temps, au Japon, les morts ne quittaient pas leurs tombeaux… Il leur proposa du thé puis alla chercher une couverture qu’il vint poser sur les épaules de Genji. Il n’était pas malade ! Il allait très bien, vraiment bien, inutile de s’en faire pour lui.

– Emilie a eu une vie difficile, vous savez, reprit-il en leur disant de s'asseoir, remettant un peu mieux la couverture sur le petit. Elle maniait le vent, son don était étonnamment puissant pour son âge. Ses parents la craignaient... Ils se sont débarrassés d'elle alors qu'elle avait sept ans, abandonnée aux mains de scientifiques, travaillant pour l'armée. Elle a beaucoup souffert, avant de succomber... La directrice du pensionnat et le sous-directeur ont voulu faire en sorte, durant un temps, de lui faire vivre une scolarité normale, ayant obtenu qu'elle puisse quitter cet hôpital. Mais cette pauvre petite était déjà brisée... Le regard blasé d'un adulte ayant déjà trop souffert, l'innocence de l'enfance disparue. Réchauffe-toi, petit, tu as mauvaise mine.

Un nouveau frisson vint agiter le jeune homme, alors qu’il baissait le regard sur la table. Abandonnée par ses propres parents car ils avaient peur d’elle ou de son pouvoir, plutôt. Genji avait l’impression que dès qu’une personne disposait d’un don, puissant ou non, les problèmes de famille suivaient très peu de temps après. Le prêtre ajouta dans un soupir que la mort n’avait guère été la libération attendue, pour la fillette, qu’elle errait en cherchant la chaleur et l’amour d’une famille. Genji en avait pratiquement les larmes aux yeux. Il ne connaissait pas Emilie mais il était tout de même très touché par ce qu’il avait entendu, vu, ressenti. Se faire ainsi rejeter par ses propres parents était horrible ! Tout ça pour un pouvoir dont elle ne pouvait même pas se débarrasser ni faire abstraction et qu’elle ne pouvait sûrement pas contrôler à sept ans. Il était de plus en plus clair pour lui que les dons, puissants ou non, apportaient souvent des ennuis, des soucis familiaux, du rejet, de la peur. Même dans sa propre famille, ils étaient mal vus et personne n’en parlait. Ceux qui en possédaient s’entraînaient loin de la maison. Même sa tante Himako s’était déjà disputée avec violence avec sa mère sur ce sujet.

– Ne la craignez pas si vous la revoyez, soupira-t-il en posant des tasses et des sachets de thé sur la table. C'est une petite fille, elle n'a que dix ans, vous savez. Si cette enfant était la vôtre, vous auriez vous aussi envie de voir un sourire apparaître sur son visage.

Hum, oui… Le prêtre s’assit un instant avec eux avec un air serein, les dévisageant. Emilie avait donc « vécu » trois ans dans les labos de l’armée avant de mourir. C’était une histoire terrible. Genji n’avait entendu que des échos de ce qui lui était arrivé, suffisamment pour lui donner froid dans le dos.

– Excusez-moi, dit tout à coup Munemori en s'agitant. C'est normal qu'il existe des... Enfin...

– Non, c'est assez récent... Mais très rare. Emilie, Oscar... Je pense qu'ils sont les seuls, pour le moment. Les personnes puissantes ou essayant de ralentir les mauvaises choses vivent dangereusement.

Sans blague… Avec Kimmitsu qui avait disparu et tout ce qu’il avait appris depuis son arrivée en France, Genji n’avait aucun mal à le croire. « Vivre dangereusement » était un bel euphémisme pour désigner tout ce merdier. Pendant que le père Vilette servait le thé, avec un peu de sucre, le jeune homme jeta un long regard par la fenêtre, une main crispée sur un bout de couverture, espérant que la directrice allait vite arriver à Paris pour retrouver son oncle. Elle le ramènera, il en était certain, il fallait avoir confiance. Son oncle marmonna qu’il espérait que leur frère sera là demain, faisant sans doute écho à ce que songeait son père. Le vieux prêtre s’assit en assurant qu’il sera sûrement là demain dans la journée, d’un ton très confiant.

– Donc, tu es un nouvel élève, sourit-il doucement pour Genji. La vie te plaira sûrement, ici, ce n'est pas désagréable tant que l'on reste prudent. Te sens-tu un peu mieux ?

– Heu, oui, je… Ça va, merci.

Il lui fit un petit sourire assez crispé, le remerciant pour le thé très chaud, qui et le don de l’apaiser un peu. Un léger silence s’installa, où on entendait seulement le bruit des cuillères contre les tasses et le crépitement d’une petite cheminée, dans un coin, où un feu doux couvait. Genji réfléchissait, essayant de se remettre les idées en ordre, puis finit par redresser la porte en demandant au père ViIlette s’il n’y avait pas, en effet, un lien entre les dons et les problèmes familiaux. Le vieil homme hocha la tête avec un petit soupir, les deux mains entourant sa tasse en y agitant le sachet de thé.

– Oui, ce n’est pas un secret. Ces pouvoirs effraient et peuvent profondément changer leurs porteurs. Je me souviens d’en avoir discuté assez longuement avec ton oncle et une de ses sœurs, qui était venue lui rendre visite en mai ou en juin. Le vent et le feu sont les deux dons pouvant affecter le plus le caractère et les envies d’une personne.

Le vent… et le feu ? Ce n’étaient pas justement ces deux dons que possédaient Himako et Kimmitsu ? Enfin, chez son oncle, ce n’était pas naturel, par contre, pour sa tante, le feu s’était développé très facilement et elle ne s’était pas gênée de le crier à grand-mère pendant leur dispute, choquant toute la famille au passage sauf Eisen, qui lui aussi maniait le vent et s’attendait à ce que leur sœur développe ce genre d’élément. Genji se frotta un peu le front, soudain inquiet. Et si c’était à cause du vent qu’il s’était toujours senti « à part » de sa propre famille ?

– Les personnes maniant le vent sont, de façons globales, plus indépendantes et prêtes à beaucoup bouger pour atteindre leurs buts. Ils sont comme… « portés », parfois loin, afin de trouver ce qu’ils cherchent, se sentant mal dans les environnements trop cadrés où ils ne peuvent pas se développer. Le vent a toujours été fascinant, à mes yeux, c’est un don très porteur pour les personnes qui acceptent de se laisser entraîner.

Le lycéen gardait les yeux fixés sur la tasse et la cuillère avec beaucoup de soin, ne voulant surtout pas relever la tête pour croiser le regard de son père ou son oncle. Il comprenait mieux, d’un seul coup, c’était bien la première fois de sa vie qu’il entendait une explication comme celle-ci. Bien sûr, il savait qu’un don pouvait influencer son possesseur mais il n’avait jamais cru que ça pouvait être à ce point. Osant enfin lever un peu les yeux, il vit que leur interlocuteur avait un sourire assez attendri, lorsqu’il parlait, devant sans doute trouver beau que des personnes partent ainsi à la découverte du monde. Son père le regardait bel et bien, ce qui mit Genji encore plus mal à l’aise. Il se tourna vers le père Vilette, la bouche entrouverte, alors que son fils s’intéressait de nouveau à sa tasse, qu’il trouvait décidément fascinante.

– Vous voulez dire que… Je suis désolé, je n'aurais pas dû agir comme ça avec toi. Ce n'était pas ta faute.

Genji se sentait encore plus comme un gamin immature, ses joues se teintant d’une couleur rouge tomate bien soutenu. Il ne pouvait pas savoir ! Il n’avait jamais eu de professeur, ayant juste appris les bases nécessaires avec sa Himako et Eisen, juste de quoi ne pas se blesser ou blesser quelqu’un, rien de plus. Le père Vilette leur tendit une petite coupelle avec des biscuits, buvant une petite gorgée de son thé.

– Le feu est une force beaucoup moins subtile, très vive, parfois violente et brutale. Ses possesseurs deviennent plus déterminés et confiants, avec le temps. Prêts à bien plus de choses, prêts à défendre leurs principes avec beaucoup de vigueur. Ces deux éléments influencent beaucoup et sont aussi très complémentaires entre eux. Le vent augmente la puissance du feu, c’est une des lois élémentaires. Les familles acceptant tout ces changements sont rares, bien sûr. En France ou ailleurs, manipuler la nature ainsi est mal perçu.

Comment bien enfoncer le clou. Genji trembla un peu en portant sa tasse à ses lèvres, repensant à son oncle qui ne semblait plus éprouver de regrets d’être parti, pensant à sa tante qui avait fait ses bagages avec une joie non dissimulée pour partir dans la maison de son mari, à Eisen, très discret, parlant peu et n’évoquant jamais son pouvoir. Munemori se mordillait la lèvre, assez gêné.

– Et les autres éléments ? murmura-t-il à voix très basse.

– L’eau et la terre n’influencent quasiment pas leurs porteurs, ce sont des pouvoirs plus calmes. La glace est possédée par des personnes plus carrées et rigoureuses. La foudre est elle maniée par des personnes au caractère très fort. Souvent des policiers ou des militaires.

Genji eut un sourire, songeant que cela concernait très bien la directrice, pour le coup. Le prête aussi avait sourit, ajoutant, comme s’il avait entendu leurs pensées, qu’il était évident depuis des mois que la jeune directrice du pensionnat était née pour être un soldat.

– La foudre est le don le plus dangereux ?

– Le plus puissant. Mais le plus dangereux est le feu.

Ça se tenait, les élèves racontaient que l’incendie à Gray avait été provoqué par le don du feu, que c’était pour cela qu’il avait été si puissante te s’était propagé aussi vite, avec une telle violence. Un incendie ordinaire n’aurait pu gagner tout le village en si peu de temps. Il but un eu de son thé, calmé et réchauffé à présent, soulagé d’avoir compris bien des choses qui l’angoissaient fortement, depuis deux ou trois ans. Depuis qu’il avait commencé à se sentir si mal dans sa famille, de culpabiliser car il n’arrivait plus à être en phase avec eux tous, même ses propres parents.

– Vous avez étudié ces pouvoirs ? Vous semblez bien les connaître.

Il parlait d’un ton confiant et fluide, prouvant qu’il avait déjà réfléchi à tout cela, il était dépourvu d’hésitations. Peut-être en possédait-il un lui-même ou les avait-il étudié durant des années ? Le prêtre lui fit un petit sourire, ses mains ridées jouant un bref instant avec la petite cuillère en fer, dont le manche était moulé de feuilles de vignes.

– Une partie de mon travail consiste à veiller et rassurer les enfants du pensionnat, lorsqu’ils se sentent perdus, que leur pouvoir évolue à seize ans ou dans d’autres situations. J’ai longuement étudié ces éléments, ces pouvoirs sont loin d’être une aberration. Un don reste précieux, tu ne dois pas en avoir peur ni honte. Tant pis pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas le comprendre… Le vent te poussera encore à bouger, laisse-toi entraîner, tu te sentiras mieux. C’est une chance, vois-tu, tu pourras sentir avec plus de précision ce qu’est la véritable liberté. Le vent réfute les règles toutes faites et absurdes, tu pourras, avec le temps, ressentir ce qui te convient le mieux, savoir ce que tu peux tolérer ou non. Et enfin définir tes propres règles, tes valeurs et tes principes de vie. Lorsqu’on possède le vent, on ne laisse personne guider notre vie à notre place.

Là encore, cela expliquait beaucoup de choses. Genji hocha doucement la tête, rasséréné. Donc il n’était ni anormal, ni un monstre sans cœur qui ne parvenait pas à aimer sa famille. D‘un seul coup, il se sentait beaucoup mieux, soulagé, le poids de la culpabilité s’enlevant d’un bloc de ses épaules et le rendant plus léger. Il parvint même à esquisser un sourire plus franc et sincère, les mains serrées sur sa tasse à laquelle il avait à peine touchée. En effet, son oncle n’aurait pas supporté de vivre des années de plus à la maison familiale, leur culture n’était guère faite pour lui.

– Vous devez être au pensionnat depuis longtemps.

– Assez, oui, j’y ai connu trois directeurs avant Gabriella. Et un nombre conséquent de sous-directeurs, ce n’est pas un poste évident. Enfin… Cette école toute entière n’est pas très simple. Pardonnez-moi, mais je suis très surpris de vous rencontrer, en réalité... Les personnes dirigeant cette école ont une très forte tendance à écarter leurs familles afin de les protéger. Ou même s’en couper de façon assez sèche.

Dit comme ça, ça avait le mérite d’être clair. Genji s’agita un peu sur sa chaise, assez gêné en réalisant que beaucoup devaient penser que son oncle n’avait pas de famille du tout. Océane et Dominique avaient déjà été sciés en apprenant qu’il était son neveu et ne parlons même des rumeurs sur le thème « Quoi, le sous-directeur est marié ?! ». Comme si c’était dangereux pour Solène de l’avoir épousé ! Quoi que… En y réfléchissant bien… Enfin, non, elle était déjà exposée, en étant la sœur de la directrice.

– Il ne sait pas que sa famille est venue…

– Vous ne devez pas rester longtemps en France, de toute façon, moins l’armée en saura, mieux ce sera. Il a longtemps refusé de se marier pour cette même raison.

Ah, parce que le refus du mariage jusqu’ici, c’était parfaitement volontaire ? Il avait fait exprès de ne jamais cherché une femme qui pourrait lui correspondre ? Si grand-mère entendait ça, on l’entendrait pousser les hauts cris depuis l’autre bout du village, voire jusqu’à l’école. Munemori marmonnait entre ses dents que ce n’était pas croyable, tournant assez vite la cuillère dans sa tasse. Lui-même finit la sienne en trois gorgées à peine, assez sonné avec tout ce qu’il avait appris mais soulagé. Il posa la main sur le bras de son père pour attirer son attention, hésitant.

– Est-ce que maman m’en veut pour… ce qui s’est passé ? Et tout le monde en fait ?
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Josuke Nakajima
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Josuke Nakajima
MessageSujet: Re: Surtout, pas de bêtises   Surtout, pas de bêtises EmptySam 23 Jan - 13:25

Prêtre – Les personnes maniant le vent sont, de façons globales, plus indépendantes et prêtes à beaucoup bouger pour atteindre leurs buts. Ils sont comme… « portés », parfois loin, afin de trouver ce qu’ils cherchent, se sentant mal dans les environnements trop cadrés où ils ne peuvent pas se développer. Le vent a toujours été fascinant, à mes yeux, c’est un don très porteur pour les personnes qui acceptent de se laisser entraîner.

Donc c’était… C’était pour cette raison que Genji avait si mal réagi ? Que leur frère était parti, tout comme Himako ? Qu’ils s’étaient comportés de la sorte ? D’un coup, Josuke se sentit encore moins à l’aise, la culpabilité l’envahissant tandis qu’il posait les yeux sur Genji. Il ne le savait pas, non, ne pouvait pas le savoir, mais toutes ces heures passées à hurler sur son fils, à lui imposer un cadre qu’il ne respectait pas, à s’énerver parce qu’il n’écoutait pas… Alors qu’il n’en pouvait rien. Genji était « simplement » influencé par son élément, il le suivait, se laissait porter par ce dernier et Josuke n’avait fait qu’entraver ses mouvements et ses désirs. C’était pour cette raison, et cette raison uniquement, que son fils avait été si mal durant toutes ces années. Et voilà où ils en étaient rendus… Son fils dans une école dangereuse, avec son pouvoir brimé depuis toutes ces années parce qu’ils ne l’écoutaient pas. Josuke n’était pas comme son père concernant les dons mais les autres membres de la famille ne pouvaient pas tout oublier en un claquement de doigts.

Josuke – Vous voulez dire que… Je suis désolé, je n'aurais pas dû agir comme ça avec toi. Ce n'était pas ta faute.

Il était vraiment désolé, s’en voulait pour ce qui s’était passé toutes ces années sans qu’il ne comprenne le vrai problème. A cause de cela, il s’était éloigné de Genji, Genji lui-même l’avait rejeté et quelque chose s’était brisé entre eux. Même si Kimmitsu avait parlé à son neveu et qu’il semblait avoir changé, Josuke doutait que cela ne répare tout ce qui s’était produit. Tant de paroles avaient été prononcées, tant de gestes, tant de pensées… Il ne savait pas que c’était à cause de son don ! Interrompu dans ses pensées par le Père Vilette qui leur proposa des biscuits, le père de famille le remercia, gêné, voulant prendre son fils dans ses bras pour s’excuser. Mais il ne pouvait pas, pas ici.

Prêtre – Le feu est une force beaucoup moins subtile, très vive, parfois violente et brutale. Ses possesseurs deviennent plus déterminés et confiants, avec le temps. Prêts à bien plus de choses, prêts à défendre leurs principes avec beaucoup de vigueur. Ces deux éléments influencent beaucoup et sont aussi très complémentaires entre eux. Le vent augmente la puissance du feu, c’est une des lois élémentaires. Les familles acceptant tout ces changements sont rares, bien sûr. En France ou ailleurs, manipuler la nature ainsi est mal perçu.

Josuke échangea un regard avec son frère, gêné en pensant à Kimmitsu. Cela expliquait le comportement qu’il avait eu cet été, ses décisions et réactions… Ce n’était peut-être pas un hasard non plus si son corps avait accepté ce don. D’après ce qu’il avait compris, ce n’était pas « naturel », pas comme le vent qu’il possédait et qui s’était développé sans aucune aide extérieure. Josuke comprenait un peu mieux les éléments, comprenait que ce n’était pas aussi négatif que cela de manipuler la nature parce que les personnes qui pouvaient le faire étaient de celles qui la comprenaient le mieux… Le don allait de pair avec le caractère, qui de mieux placé que quelqu’un emporté et libre pour manier le vent, le saisir dans toutes ses dimensions ?

Genji – Et les autres éléments ? murmura-t-il à voix très basse.

Prêtre – L’eau et la terre n’influencent quasiment pas leurs porteurs, ce sont des pouvoirs plus calmes. La glace est possédée par des personnes plus carrées et rigoureuses. La foudre est elle maniée par des personnes au caractère très fort. Souvent des policiers ou des militaires.

Ah, ça… Là-dessus, personne n’allait le contredire. Genji et le prêtre sourirent en même temps pendant que lui restait pensif et silencieux, très discret. L’image de Gabriella s’imposa à lui avec ses réactions, ses agissements, ses paroles… Son comportement était digne de la foudre, aucun doute là-dessus. Et sa sœur avait hérité un peu de ce caractère fort même si elle restait, dans l’absolu, incroyablement douce et calme, posée et beaucoup plus patiente. Ce fut le Père Vilette qui brisa le silence le premier, disant tout haut ce que tous devaient penser tout bas. La directrice était faite pour être militaire depuis le début, surtout avec un tel caractère. Sur ce sujet, en revanche, eux ne pouvaient pas trop se prononcer sans la connaître. Ils l’avaient vue, oui, mais toujours dans des périodes très brèves.

Genji – La foudre est le don le plus dangereux ?

Prêtre – Le plus puissant. Mais le plus dangereux est le feu.

C’était logique… Le feu peut dévaster une forêt entière en quelques minutes là où la foudre ne donnait « que » des coups précis, bien que puissants. Cela dépendait aussi de la force de la personne, ils avaient bien compris que la directrice était très dangereuse même si elle ne maniait pas le feu. Elle était puissante, tant dans son caractère que dans l’élément qu’elle maniait. Josuke but une gorgée de son thé, essayant de se reprendre et de ne pas fixer constamment Genji maintenant qu’il avait compris le pourquoi du comportement de son fils. Il se sentait si bête… Pourquoi n’avoir rien vu plus tôt ? Cela leur aurait évité bien des maux.

Genji – Vous avez étudié ces pouvoirs ? Vous semblez bien les connaître.

Prêtre – Une partie de mon travail consiste à veiller et rassurer les enfants du pensionnat, lorsqu’ils se sentent perdus, que leur pouvoir évolue à seize ans ou dans d’autres situations. J’ai longuement étudié ces éléments, ces pouvoirs sont loin d’être une aberration. Un don reste précieux, tu ne dois pas en avoir peur ni honte. Tant pis pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas le comprendre… Le vent te poussera encore à bouger, laisse-toi entraîner, tu te sentiras mieux. C’est une chance, vois-tu, tu pourras sentir avec plus de précision ce qu’est la véritable liberté. Le vent réfute les règles toutes faites et absurdes, tu pourras, avec le temps, ressentir ce qui te convient le mieux, savoir ce que tu peux tolérer ou non. Et enfin définir tes propres règles, tes valeurs et tes principes de vie. Lorsqu’on possède le vent, on ne laisse personne guider notre vie à notre place.

Josuke ne put s’empêcher de rougir légèrement, baissant la tête pour admirer la tasse qu’il tenait en mains. Soudain, elle se révéla bien plus intéressante, réclamant toute son attention comme si rien de ce qui se passait autour d’eux ne comptait. Ni Kimmitsu, ni Genji, ni Himako n’auraient pu suivre les ordres qu’on leur donnait à cause de leur don. Tout comme Eisen, d’ailleurs… Seulement, lui s’y était tout de même plié et avait écouté les traditions, les respectant sans ciller. Pourquoi ? Comment était-ce possible ? Si Genji, Himako et Kimmitsu en avaient été malades, Eisen n’avait pas échappé à la règle… D’après le Père Vilette, ils ne pouvaient pas lutter contre cela, leur don était fort et intérieur, c’était une partie d’eux.

Genji – Vous devez être au pensionnat depuis longtemps.

Prêtre – Assez, oui, j’y ai connu trois directeurs avant Gabriella. Et un nombre conséquent de sous-directeurs, ce n’est pas un poste évident. Enfin… Cette école toute entière n’est pas très simple. Pardonnez-moi, mais je suis très surpris de vous rencontrer, en réalité... Les personnes dirigeant cette école ont une très forte tendance à écarter leurs familles afin de les protéger. Ou même s’en couper de façon assez sèche.

Oh… C’était… C’était pour cela qu’il ne leur donnait presque pas de nouvelles ? Qu’il évitait de les mêler à tout ce qui se passait ici ? Mais il aurait pu le leur dire ! Les prévenir ! Josuke savait que son frère était devenu très indépendant, et comprenait mieux la raison maintenant, mais il devait garder en tête qu’il n’était pas seul. Il ne devait pas les fuir à cause de ses problèmes, ils auraient pu le soutenir et l’aider, lui montrer qu’ils étaient là, présents si son moral lâchait. Genji remua tout à coup sur sa chaise, à côté de lui, visiblement mal à l’aise à son tour. Hum ? Josuke lui lança un regard perdu, ne comprenant pas ce qui se passait. Il était arrivé en France depuis un petit moment, maintenant, alors en quoi cela l’étonnait ? Ils avaient remarqué que Kimmitsu les épargnait, souvent trop, ce n’était pas une surprise. Même si cela exaspérait toujours autant son aîné…

Genji – Il ne sait pas que sa famille est venue…

Prêtre – Vous ne devez pas rester longtemps en France, de toute façon, moins l’armée en saura, mieux ce sera. Il a longtemps refusé de se marier pour cette même raison.

Ah… C’était pour cela qu’il avait refusé de se marier, mettant autant de temps avant de se présenter avec une femme au Japon ? Josuke échangea un regard avec Munemori, se mordant légèrement les lèvres. C’était seulement pour protéger les siens, pour les préserver de ce qu’il vivait en France, à son travail, dans sa vie quotidienne… Et lorsqu’il était revenu au Japon, tous les membres de leur famille et leurs amis avaient pris cela pour une trahison, une manière de déshonorer son père alors qu’il n’en était rien. Sa décision était honorable, il défendait ses principes et n’en dérogeait pour rien au monde. Pourquoi ne pas l’avoir dit sur place ? Pourquoi avoir supporté toutes les remarques, aussi méchantes les unes que les autres et lourdes de sous-entendus ?

Il faudrait qu’ils en parlent avec lui. Kimmitsu devait arrêter de mettre sa vie entre parenthèses, il ne devait pas s’isoler comme il le faisait. Peut-être pensait-il que le contraire le rendrait vulnérable mais, en les briefant, ils étaient capables de se défendre. Ils avaient bien fait le chemin jusqu’en France, non ? D’accord, cela ne lui ferait pas plaisir, il s’inquiéterait, mais peut-être qu’en les voyant un peu tous les jours dans ce milieu-ci, il comprendrait qu’ils étaient parfaitement capable de l’aider et le soutenir sans être mis à l’écart de tout cela. Munemori marmonnait, à côté d’eux, que ce n’était pas croyable sans cesser de tourner sa cuillère dans la tasse. Lui-même restait silencieux, mains entourant sa tasse, réfléchissant. S’il leur avait dit tout cela plus tôt, ils n’en seraient peut-être pas au même point et Kimmitsu serait en meilleur état… Alors que, pour l’instant, ils ignoraient même où il était. Genji le tira de ses pensées en posant la main sur son bras, lui faisant tourner la tête. Il avait l’air d’hésiter… Mais il pouvait parler, il ne crierait pas, il pouvait avoir confiance.

Genji – Est-ce que maman m’en veut pour… ce qui s’est passé ? Et tout le monde en fait ?

Si… Si sa mère et les autres membres de la famille lui en voulaient ? Josuke ouvrit la bouche, voulant dire que non, mais aucun son ne sortit. Il ne pouvait pas dire cela. Sa mère ne lui en voulait pas, non, elle était plutôt inquiète et lui demandait des nouvelles chaque jour, se retenant d’appeler elle-même son fils toutes les vingt-quatre heures. Elle avait peur pour lui, peur qu’il ne s’adapte pas, peur qu’il n’aille pas mieux, espérait seulement qu’il revienne entier et en bonne santé avec un moral retrouvé. Et comment le lui reprocher… ? Elle avait vu Kimmitsu et Himako partir, se brouiller avec leur famille sans jamais chercher à se réconcilier. Maintenant qu’ils avaient toutes ces informations au sujet des dons, c’était compréhensible, mais ils ne pouvaient empêcher sa mère de s’inquiéter.

Josuke – Ta mère ne t’en veut pas, finit-il par dire en soupirant. Elle est inquiète pour toi, très inquiète, et tu aurais eu des appels tous les jours si je ne l’avais pas retenue… Elle ne peut pas t’en vouloir, pas après ce qu’elle a vu. Kimmitsu est parti, Himako aussi, et pas de la meilleure manière possible. Je ne sais pas si… si elle a compris que ton don t’influençait ou non, mais elle ne veut que le meilleur pour toi et veut que tu ailles mieux.

Josuke lui fit un petit sourire, se voulant rassurant, avant de prendre un air un peu plus sombre pour répondre à la suite de sa question. Leur famille était traditionnelle, elle avait assisté au mariage de Kimmitsu et son frère aîné venait d’envoyer son fils en France avec « celui qui a trahi Daisuke »… Alors, oui, ils lui en voulaient. Ils ne comprenaient pas qu’un enfant ne fasse pas tout pour honorer son père, ne comprenaient pas la réaction de Genji parce que cela rendait Josuke malheureux de ne plus savoir ce qu’il devait faire. Mais ce n’était pas de sa faute, il était influencé par son don et ne devait pas culpabiliser. Surtout pas.

Josuke – Pour les autres, c’est… plus compliqué. Je ne peux pas te dire qu’ils ne t’en veulent pas à différents niveaux, tu ne me croirais pas et je refuse de te mentir. Mais ils… ils ne savent pas tout ce que l’on sait sur les dons, à présent. Je ne veux pas que tu te sentes mal à l’aise, que tu ne te sentes plus chez toi au Japon à cause de la famille. Ils comprendront, je leur expliquerai et peut-être que cela arrangera les choses pour tout le monde. Le plus important, pour l’instant, est que tu t’épanouisses au maximum, que tu rattrapes les années perdues avec ton don et que tu… que tu te sentes mieux. Et je sais que tu es entre de bonnes mains, maintenant.

Le père de famille lança un regard au prêtre assis à face eux avant de sourire à Genji, lui frottant le dos dans un geste réconfortant. C’était fini, ils avaient des informations sur les dons, informations qui allaient les aider à mieux soutenir leur frère, son fils et tous ceux qui en avaient besoin au sein de la famille. Ils ne le choisissaient pas, pourquoi les renier alors qu’ils n’en pouvaient rien ? Au contraire, ils avaient besoin de soutien. Naturellement, Josuke n’allait pas assouplir les règles et le cadre familial mais il s’adapterait au mieux pour accompagner les enfants qui avaient un don.

Ne voulant pas abuser de l’hospitalité du prêtre qui avait énormément de travail entre les enfants perdus, le cimetière et le Pensionnat, ils se levèrent après avoir fini leur thé, Josuke remerciant sincèrement le Père Vilette pour ces précieuses informations. Il n’avait sans doute pas idée de tout ce que son « discours » allait changer, mais le chef de famille ne l’oublierait pas. Il ne voulait pas perdre son fils comme il avait perdu son frère, Himako et Eisen.
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