Avril 1932. Les soucis mondiaux s'étendent.
 
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 Un refuge où se cacher

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Laura K. Nakajima

Laura K. Nakajima
MessageSujet: Un refuge où se cacher   Un refuge où se cacher EmptyJeu 12 Fév - 12:17

Mme Chevreuil – Mais tu ne me déranges pas du tout ! C'est normal d'être choquée après avoir été menacée, tu ne dois pas avoir honte de ça. Et c'est mieux que de se faire frapper, non ? Tu peux pleurer si ça te fait du bien et si ça t'aide à évacuer.

Elle… Elle l’avait crue ? Vraiment ? Elle s’en était tirééééeee ! Enfin, du moins, pour l’instant, restait à ne pas se faire griller par les autres. Profitant du calme pour reprendre ses esprits, respirer et enfouir tout cela dans un coin de sa mémoire, Laura saisit le mouchoir que lui tendait sa professeure en la remerciant sans oser la regarder dans les yeux. C’était fini, Clémence ne reviendrait pas. C’est mieux que de se faire frapper… Non. Non, pas du tout. Elle avait envie de dire la vérité, d’avouer ce qu’il s’était passé, mais les mots restaient bloqués. La peur des conséquences l’empêchait de parler, de dire ce qu’elle avait ressenti, comment elle se sentait à présent. Lorsque madame Chevreuil se leva, elle rajusta la veste de Laura qui eut un léger sursaut. Du caaalme ! Elle partait, elle pourrait pleurer, s’enfermer, se laisser aller puis se remettre toute seule, sans jouer la comédie, sans se retenir.

Mme Chevreuil – Prend un peu de repos, tu retrouveras tes copines toute à l'heure, et elles sauront te faire retrouver le sourire. Je vais m'assurer que Clémence reçoive une sanction, ne t'en fais pas.

Laura hocha la tête et fit un maigre sourire qui ressemblait plus à une grimace qu’à autre chose tandis que sa professeure lui tapotait l’épaule. Dès qu’elle fut sortie du dortoir, la collégienne souffla un grand coup, tremblante, entourant ses genoux de ses bras. Elle les resserra autour, se balançant légèrement pour se calmer. Clémence n’allait pas revenir, elle allait finir sa journée avec un rendez-vous dans le bureau de la directrice, serait exclue un moment, ce qui laisserait le temps à Laura de se préparer mentalement à tout cela, et c’était bon. Alors du calme, cette « première séance » était la plus dure, il fallait juste qu’elle s’habitue, c’était tout.

Laura entendit des voix, de l’agitation. Les cours étaient sans doute terminés, à présent, avec la discussion avec madame Chevreuil en plus du… de Clémence. Sortant la tête par la porte du dortoir, elle vit les premiers élèves qui passaient et sortaient de leur dernier cours de la journée. Week-end pour tout le monde, ils allaient sûrement sortir, venir déposer leurs affaires d’abord et… Laura risquait de tomber sur Olivia. Bon, vite, sortir. Très, très vite. Vérifiant qu’elle était « présentable », elle ouvrit la porte et fila en se cachant derrière une poutre ou un quelconque bibelot dans l’espoir de passer inaperçue.

De loin, elle aperçut Antoine et faillit aller se jeter dans ses bras sans plus s’occuper des conséquences mais se retint de justesse en pensant à ce qu’il dirait ou ferait immédiatement après. Mauvaise idée. D’abord, il la couverait, il lui demanderait mille fois si elle n’avait pas mal et ne la lâcherait plus d’une semelle de toute la journée. Semaine. Ou mois, peut-être. Ensuite, il essaierait de la protéger et serait, évidemment, différent avec elle. Ce qui éveillerait les soupçons de Jasper. Non. Très mauvaise idée. Même si Laura en mourait d’envie, elle ne pouvait pas se le permettre, elle allait très bien et pourrait tenir toute seule. Mais comment ne pas les croiser ? Comment ne croiser personne, alors que les cours étaient terminés ? Tout le monde allait passer sa journée dans le parc, dans le foyer des élèves, dans le réfectoire, dans le dortoir peut-être, dans… Mais oui ! La chapelle !

Se faufilant jusqu’à la sortie, Laura se dirigea jusqu’à la chapelle en saluant, d’un signe de main, les gens qu’elle croisait en prétextant qu’elle était pressée et qu’elle devait absolument terminer un truc. Comme cela, personne ne viendrait la chercher, elle serait tranquille et, de toute manière, personne ne s’interrogeait jamais sur les idées qu’avait Laura. Sauf Jasper. Ou parfois Antoine. Mais c’était tout. Et comme son frère et Antoine seraient occupés, maintenant, elle ne risquait pas de les croiser dans cet état. Pour le soir, eh bien… Elle aviserait. Pour l’instant, la chapelle, le calme, le silence, personne pour la déranger. Le Père Vilette était peut-être dans son cottage, donc aucun risque de le croiser… n’est-ce pas ?

Poussant la porte de la chapelle après avoir regardé par-dessus son épaule pour voir si personne ne l’avait suivie, Laura entra et referma la porte derrière elle. Voilà, elle y était, personne ne l’avait vue, personne n’était là. Elle se dirigea vers l’autel, avançant dans l’allée et s’installa dans un coin en regardant face à elle. Aussitôt, les larmes se mirent à couler, elle referma ses bras autour d’elle, sanglotant, sachant que personne n’allait venir ici. Il fallait qu’elle se reprenne. Qu’elle oublie cette sensation, qu’elle fasse quelque chose pour « récupérer » son corps et ne plus avoir l’impression qu’il n’était plus le sien. Et si jamais la personne qu’elle allait épouser le savait ? Et si elle ne voulait plus d’elle ? Et comment Jasper allait-il réagir ? Comment pouvait-elle ne plus sursauter dès qu’on la touchait ? Est-ce que cette sensation « s’en allait », après un jour ?

Laura entendit tout à coup la porte de la chapelle s’ouvrir et se laissa précipitamment tomber par terre, entre deux rangées de sièges, pour ne pas être vue. Elle retint sa respiration sans réussir à ne pas renifler, de plus en plus paniquée à l’idée de tomber sur un de ses amis ou quelqu’un qui l’avait suivie… avant de reconnaître le pas du Père Vilette. Elle se releva en essuyant précipitamment ses yeux dès qu’il fut en face d’elle.

Laura – Je… Je suis désolée, dit-elle en reniflant. Je voulais seulement… Je… Je… Je cherchais un endroit où personne ne viendrait me chercher et je… Mais si je n’ai pas le droit de venir, je…

Sa voix se brisa sur la fin de sa phrase, l’empêchant de terminer ce qu’elle disait. Oui, avait-elle le droit de venir ici, alors que Clémence allait continuer ? Elle marmonna un autre « Désolée », sans oser le regarder dans les yeux. Elle allait partir, oui, mais dans cet état… Il n’allait pas l’obliger à quitter la chapelle immédiatement. Si ?
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MessageSujet: Re: Un refuge où se cacher   Un refuge où se cacher EmptyDim 15 Fév - 15:15

Le jeune homme avait toujours le regard troublé, et tordait nerveusement ses mains. Xavier pouvait le voir à travers la grille de bois qui le séparait de lui, dans le confessionnal. Un jeune homme de vingt, vint-cinq ans au maximum, tête baissée, dont la voix était à peine un murmure. Les cheveux presque rasés, comme le voulait l'armée, et le teint très pâle. Par trois fois, il était déjà venu à la chapelle, en catimini, comme par peur qu'on puisse le voir pénétrer en ce lieu Saint. Par trois fois, il avait voulu parler, puis s'était rétracté, repartant comme il était venu. Puis Xavier lui avait doucement proposé, ce soir-là, de venir en confession, qu'il pourra s'exprimer à cœur ouvert, car le sceau du secret sera apposé sur tous ses dires. Il avait accepté. Il était venu. Et parlait, à présent, la nervosité et la peur d'être entendu le dévorant de l'intérieur. Il avait décrit comment il s'était engagé, quelques mois plus tôt, puis ses doutes, aujourd'hui, quand au bien-fondé de ce qu'il faisait. Le doute qui le rongeait, de plus en plus fort, qu'il ne parvenait pas à rationaliser, alors même qu'il était toujours convaincu qu'un soldat devait agir pour le bien du peuple du pays qu'il doit préservé.

– Je ne sais plus... Je...

– Avez-vous pensé à rendre votre uniforme ? murmura Xavier.

– Je... Oui, mais...

Il se racla la gorge, puis souffla qu'il s'était fiancé il y a peu, qu'il avait peur de se retrouver sans aucun travail, ni rien pour vivre correctement avec sa future femme, subvenir aux besoins des enfants qu'ils voulaient avoir. C'était en effet un souci, mais comment poursuivre un travail alors qu'il ne parvenait pas à l'accepter ? Pour sa propre santé, mieux valait pour lui arrêter ici et refaire sa vie dès maintenant. Avoir un travail civil, dans une branche qu'il aimait. Le prêtre lui parla de cela d'un ton doux et calme, afin de lui faire comprendre en douceur qu'il valait bien mieux pour lui en terminer dans cette phase de sa vie. Il ne devait pas hésiter si cela le torturait tant... Être soldat est un véritable métier, et s'engager n'est pas une décision que l'on peut prendre à la légère. C'est un choix important, et qui implique d'embrasser une vie très différente que celle que peut avoir un citoyen ordinaire. Et plus on montait en grade, plus de nouvelles responsabilités et de pression s'ajoutaient. Tout le monde n'avait guère le mental adapté pour cela.

– Vous avez connu la Grande Guerre, mon Père ? murmura-t-il encore plus bas, visiblement terrifié qu'on puisse découvrir qu'il se trouvait ici.

– Dans les tranchées elles-mêmes, non... J'étais déjà trop âgé. Mais j'ai été brancardier. Nous allions chercher les blessés, parfois la nuit dans le no men's land. Je travaillais à l'hôpital, et je célébrais certains offices. La messe, pour le moral des blessés et mutilés, pour redonner la foi dans cet enfer... Les nombreuses sépultures... L'armée n'était pas la même. En un sens, je comprend ce qui arrive aujourd'hui... Personne ne veut revoir un tel enfer, sans plus de moyens pour se défendre.

– Il va donc y avoir une autre guerre ?

– L'armée le pense. Et je le crois... Mais gardez confiance, rien n'est joué, et tout peut encore basculer. C'est à vous de décider ce que doit être votre vie. Au vu de votre caractère, restez soldat ne vous aidera pas.

Ils parlèrent encore un peu, dans un murmure. Tout à coup, la porte de la chapelle s'ouvrit, faisant sursauter le jeune soldat qui se ratatina sur place. Allons, du calme... Il se leva néanmoins, tremblant de plus en plus fort, alors que des larmes coulaient sur ses joues. Il prit une inspiration puis dit qu'il reviendra, qu'il le remerciait de l'avoir écouté. Aussitôt après, il quitta le confessionnal, puis la chapelle, refermant sèchement sans le vouloir la porte derrière lui. Xavier retint un soupir, puis chercha du regard qui était entré, sans voir personne. Oh ? Il tendit l'oreille puis perçut de petits sanglots, venant des bancs. Il avança dans l'allée, puis finit par dénicher la petite Laura, blottie dans un coin, et en larmes. Que se passait-il ? Avec ce que traversait le pensionnat en ce moment, il ne put s'empêcher aussitôt d'imaginer les pires horreurs. L'enfance sereine et innocente de tous ces enfants leur échappait, on leur déniait le droit d'être encore fragiles. Elle se releva d'un bond, en pleurs, et tremblant comme le jeune homme qui venait de partir à l'instant.

– Je… Je suis désolée, dit-elle en reniflant. Je voulais seulement… Je… Je… Je cherchais un endroit où personne ne viendrait me chercher et je… Mais si je n’ai pas le droit de venir, je…

– Tout le monde a le droit d'entrer ici, répondit-il d'un ton paisible avec un sourire. Tout le monde a aussi le droit de venir chez moi pour parler autour d'une tasse de chocolat chaud et de biscuits. Ça te plairait ?

La plupart des personnes, dans l'école, étaient plus à l'aise là-bas que dans le confessionnal. Et Xavier n'était guère du genre à ignorer une personne en peine ou qui avait besoin de parler. La petite le regarda en moment, comme n'en croyant pas ses oreilles, puis le suivit, frottant ses yeux. Ils passèrent par la porte de derrière, puis marchèrent deux minutes sur un chemin pour arriver au cottage. Il ouvrit la porte, accueilli par une légère odeur de bougie, et la fit entrer. L'intérieur était très sobre et propre. Refuge d'un vieil homme célibataire, consacré à Dieu. Les seules décorations étaient les innombrables photos de toutes les personnes qu'il avait connu, des mariages et baptêmes... Il y en avait aussi une de lui, tout juste ordonné, posant à côté de son évêque. Il dit à Laura de s'installer, puis entreprit de faire chauffer du lait, entrouvrant la fenêtre pour faire entrer un peu de l'air du soir, cet air très pur et bon qu'ils disposaient dans la région, surtout en Mai, quand la chaleur revenait.

– Toute à l'heure, quand le soleil se couchera, il y aura une très belle vue, d'ici, lui dit-il en indiquant la fenêtre, vers l'arrière du parc et de l'école, où s'étendaient la forêt et les montagnes, au loin. Quand on voit la lumière du jour être absorbée par celle des étoiles, c'est comme si on assistait la création du monde. C'est un spectacle qui vous emplit le cœur de joie. Peu de gens savent l'apprécier, aujourd'hui.

Il déposa deux bols, des cuillères, puis ajouta le chocolat avant d'y verser le lait fumant. C'était toujours la même recette que celle qu'il avait utilisé dans son cher village pour le goûter dominical des enfants, chaque semaine, après la leçon de catéchisme. Il déposa près d'eux un petit panier rempli de madeleines qu'il cuisinait lui-même, avec une boîte de biscuits au beurre.

– Sers-toi, lui dit-il. J'espère que tu vas aimer ce chocolat, les gamins du village dont je m'occupais avant la guerre l'adorait.

Il rajouta une petite cuillère à café de sucre en poudre dans sa propre tasse et touilla, lui laissant le temps de grignoter une ou deux madeleines, puis de goûter au chocolat.

– Je ne vais pas t'obliger à me dire tout ce qui te travaille, mais si tu le désires, je peux t'écouter.
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Laura K. Nakajima

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MessageSujet: Re: Un refuge où se cacher   Un refuge où se cacher EmptyDim 22 Fév - 21:45

Père Vilette – Tout le monde a le droit d'entrer ici, répondit-il d'un ton paisible avec un sourire. Tout le monde a aussi le droit de venir chez moi pour parler autour d'une tasse de chocolat chaud et de biscuits. Ça te plairait ?

Il… Il voulait lui offrir une tasse de chocolat chaud et des biscuits ? Mais… Mais pourquoi ? Elle venait de le déranger, s’étant réfugiée ici pour pleurer et éviter les autres, comme à chaque fois, et lui apportait encore des ennuis à régler – parce que Laura savait très bien que, même si elle n’avait rien demandé, dès le moment où le Père Vilette l’avait trouvée en train de pleurer, il l’aiderait. Et pourtant, il voulait la réconforter ? Lui donner un chocolat chaud ? Des biscuits ? Elle le regarda un moment, sans rien dire, cherchant à savoir si elle avait bien entendu ou si elle rêvait. Ensuite, après avoir compris que non, elle n’avait pas rêvé, Laura hocha la tête en se frottant les yeux avant de le suivre.

Ils passèrent par une porte située à l’arrière de la chapelle, du côté opposé au parc où tous les élèves étaient actuellement. Tant mieux, elle ne croiserait personne, ainsi. Laura n’était jamais allée chez le Père Vilette, bien qu’elle ait entendu de nombreuses personnes en parler autour d’elle. De toute manière, elle n’était pas du genre à avoir besoin de parler, de se confier, son frère sachant tout et la poussant à parler dès qu’elle n’allait pas bien. Ou Antoine, minimum. Mais ici, elle ne pouvait pas… Arrivés chez le Père Vilette, Laura vit une petite maison, simple, avec plein de photos accrochées au mur, toutes de personnes différentes et souriantes. Elle en reconnaissait quelques-unes, sans doute prises à Gray, mais n’était sûre de rien.

Laura s’installa lorsque le Père Vilette l’y invita, regardant autour d’elle sans pouvoir se détendre pour autant. Il faisait chauffer du lait et venait d’entrouvrir la fenêtre, laissant passer un peu d’air frais. La collégienne ne put retenir un frisson, tant elle était crispée, n’arrivant pas à oublier. Avait-elle vraiment le droit d’entrer dans la chapelle ? Même après ce que Clémence lui avait fait ? Le Père Vilette ignorait ce qui s’était passé, alors il était normal qu’il lui dise cela… Il n’allait pas lui dire de sortir sans raison valable.

Père Vilette – Toute à l'heure, quand le soleil se couchera, il y aura une très belle vue, d'ici, lui dit-il en indiquant la fenêtre, vers l'arrière du parc et de l'école, où s'étendaient la forêt et les montagnes, au loin. Quand on voit la lumière du jour être absorbée par celle des étoiles, c'est comme si on assistait la création du monde. C'est un spectacle qui vous emplit le cœur de joie. Peu de gens savent l'apprécier, aujourd'hui.

Laura esquissa un mince sourire en regardant par la fenêtre pendant qu’il déposa deux bols et des cuillères en les remplissant de lait et de chocolat. Cette simple odeur lui procura un immense réconfort, de la chaleur, un sentiment de sécurité parce qu’elle avait l’impression que tous les problèmes s’étaient envolés, d’un seul coup. Un peu de chaleur, de douceur, voilà ce dont elle avait besoin, rien d’autre n’était nécessaire, elle ne devait pas inquiéter Jasper et Antoine pour si peu. Le Père Vilette déposa des madeleines et une boîte de biscuits juste après, sur la table, sous le regard de Laura qui ne disait toujours rien.

Père Vilette – Sers-toi, lui dit-il. J'espère que tu vas aimer ce chocolat, les gamins du village dont je m'occupais avant la guerre l’adoraient.

Laura bredouilla un « merci » timide en prenant une madeleine, sa main tremblant sans qu’elle ne sache pourquoi. Elle goûta ensuite le chocolat chaud puis redéposa son bol en voyant que, non, elle ne pouvait pas encore le porter sans trembler. Mais qu’elle se caaaalme ! Tout allait bien, c’était loin, très loin. Elle ne devait plus penser à ça, elle était avec le Père Vilette, un chocolat chaud très bon, réconfortant, dans un cocon loin des élèves, alors elle n’avait aucune raison d’être dans cet état. Préférant ne pas renverser de chocolat chaud, Laura prit une deuxième madeleine, la mangeant en silence sans oser regarder le Père Vilette pour l’instant. Elle savait qu’il allait aborder le sujet, ne pas la laisser sans parler alors qu’il l’avait retrouvée en pleurs et qu’elle tremblait.

Père Vilette – Je ne vais pas t'obliger à me dire tout ce qui te travaille, mais si tu le désires, je peux t'écouter.

Laura – Je…, commença-t-elle en fixant son bol.

Laura se mordit les lèvres en ramenant ses mains sur sa jupe avant de les écarter, repensant à ce que Clémence avait fait. Elle sentit des larmes lui monter aux yeux, mordant plus fort pour ne pas pleurer. Tout allait bien. Elle pouvait en parler au Père Vilette, non ? Il était gentil, il n’allait pas la juger, juste l’écouter, la rassurer peut-être. Et lui respecterait son choix de ne rien dire à Jasper et Antoine, il connaissait son frère et savait qu’il ferait sûrement une bêtise en apprenant une telle chose. Cependant, le problème restait le même : comment dire cela ? Comment raconter ce qui s’était passé ? Lorsqu’elle y repensait, sa gorge se nouait immédiatement, indépendamment de sa volonté. Ou peut-être pouvait-elle commencer plus… simplement, sans être précise au début ?

Laura – Une… Une élève m’a menacée. A la sortie du cours d’élément… Je… Je suis allée déposer mes affaires dans le dortoir et elle…

Les larmes se remirent à couler, l’obligeant à s’interrompre. Elle n’y arrivait pas. Sa gorge se nouait irrémédiablement, l’empêchant d’expliquer davantage. Laura aurait presque hurlé de joie si le Père Vilette avait été capable de lire dans ses pensées, de ressentir, de comprendre sans qu’elle ne dise quoi que ce soit. Ne voulant pas abandonner, elle préféra reprendre, sans cesser de pleurer.

Laura – Madame Chevreuil m’a entendue hurler et elle… Elle a interrompu… Enfin… L’élève est partie. J’étais coincée, je n’arrivais plus à bouger, elle était trop grande, trop forte pour moi et elle a dit que mon frère était le seul responsable, qu’elle continuerait parce qu’il devait se calmer, qu’il…

Laura n’arrivait plus à s’arrêter, ses paroles se succédant les unes après les autres très, très vite, comme si elle avait peur que quelqu’un d’autre la surprenne en train de tout raconter. Elle avait honte. Elle avait honte parce qu’elle était incapable de tenir le coup, de ne pas craquer alors qu’elle n’était pas blessée, alors que Jasper y arrivait, qu’il ne pleurait presque jamais, qu’il continuait à résister malgré tous les coups qu’il s’était pris. Et elle… Elle était son point faible.

Laura – Je ne sais pas comment oublier, mais je… Je ne veux pas que Jasper soit au courant, elle voulait s’en prendre à lui et je… J’ai pu le protéger, mais…

Elle s’interrompit à nouveau, soufflant qu’elle était désolée, tremblant, sanglotant sur sa place. Elle avait pu le protéger. C’était tout ce qui comptait, alors pourquoi ne pouvait-elle pas oublier ?
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: Un refuge où se cacher   Un refuge où se cacher EmptyMar 3 Mar - 9:33

– Je…, commença-t-elle en fixant son bol.

Leur monde n'était peut-être pas officiellement en guerre, mais cette école l'était, hélas... Xavier avait vu la véritable douleur, il avait vu les massacres, les pleurs, la souffrance. Il savait lire dans le regard des gens ce qu'ils avaient vécu, ressenti, ce qu'ils voulaient exprimer avec les yeux lorsqu'ils ne pouvaient le faire avec des mots. D'abord car ils 'agissait là du cœur de son "métier". Ecouter, soigner, parler à place d'une personne pour l'aider à exprimer ce qu'elle ressentait. Parfois, cela prenait beaucoup de temps, selon le caractère, le vécu, les sentiments, et parfois, il suffisait de quelques paroles, de chaleur humaine. La vie pouvait parfois être si cruelle... Et encore plus lorsque la guerre emportait des enfants en son sein. Il n'exagérait, cette école était véritablement prise dans la tourmente d'un conflit armé, que ces armes soient de fer et de métal, ou de forces de la nature. Il observait Laura, sans parler avant elle, ni interrompre le fil de ses pensées, sans chercher à la brusquer. Si elle ne pouvait pas parler tout de suite, ou ne le pouvait pas, c'était son choix. Il devait d'abord attendre que la personne décide de ce qu'elle voulait faire, des mots qu'elle allait choisir.

– Une… Une élève m’a menacée. A la sortie du cours d’élément… Je… Je suis allée déposer mes affaires dans le dortoir et elle…

Le regard du vieux prêtre s'assombrit un peu plus. Elle était si jeune... Ses mains ridées se crispèrent sur son bol, alors qu'il murmurait une prière pour la confier à Dieu. Il avait déjà vu ce regard, perdu, alarmé, avec ce profond sentiment d'insécurité, nourri de l'impression d'être "sali". Autrefois, la guerre avait poussé certains hommes à leurs plus bas instincts, dans un besoin sauvage et instinctif de se prouver qu'ils étaient toujours vivants. Il avait rencontré des personnes qui en avaient subi les conséquences. La guerre détruisait, poussait à des actes ignobles. Et ici, alors que la guerre avait éclaté au milieu d'enfants, ce genre d'actes était encore plus horrible et traumatisant. Les adultes, la plupart des adultes, pouvaient mieux encaisser. En fait, tout dépendait de la force de caractère de la personne. Certaines personnes étaient plus aptes à se battre et ne pas se laisser faire. A se reprendre plus ou moins vite. En fait, il y avait ceux qui suivaient, et ceux qui prenaient les décisions.

– Madame Chevreuil m’a entendue hurler et elle… Elle a interrompu… Enfin… L’élève est partie. J’étais coincée, je n’arrivais plus à bouger, elle était trop grande, trop forte pour moi et elle a dit que mon frère était le seul responsable, qu’elle continuerait parce qu’il devait se calmer, qu’il…

Bénie soit la jeune professeur... Elle était intervenue à temps, et il était heureux qu'elle fasse encore ce genre de choses même si son mari la manipulait pour la contraindre au maximum. Il comprenait ce qui était arrivé à Laura, et trouvait triste de ne pouvoir l'emmener voir un psychologue. Il y en avait eu un, au pensionnat, à une époque, mais il était parti depuis déjà quelques mois, lors de l'arrivée des militaires. Il avait emmené femme et enfants loin de Gray et s'était installé avec eux dans des régions plus calmes, vers le Sud-Ouest, dans les montagnes. Il laissa Laura parler, conscient qu'elle n'avait peut-être pas terminé. Elle devait se laisser aller, parler, se décharger tout cela. C'était d'une importance vitale pour la suite.

– Je ne sais pas comment oublier, mais je… Je ne veux pas que Jasper soit au courant, elle voulait s’en prendre à lui et je… J’ai pu le protéger, mais…

– Ce n'est pas à toi d'être désolée, dit-il en se levant pour aller chercher une couverture. N'entre pas dans l'idée vicieuse que c'est à la victime de se blâmer pour ce genre de choses, tu ne ferais que te détruire toute seule.

Il lui donna la couverture pour qu'elle la mette sur ses épaules, en prenant garde de ne pas la toucher, cependant. Il se rassit, puis lui versa encore un peu de chocolat chaud, car il s'agissait là, bien souvent, du meilleur des remèdes pour les blessures de l'âme.

– Tout le monde ne peut encaisser les coups durs de la même façon, reprit-il avec douceur. Beaucoup d'adultes seraient incapable de se relever. Il y a certaines personnes qui s'en sortent plus facilement, mais ce sont des personnes qui ont un mental, un caractère assez fort, qui leur permet de résister. Tu es une enfant, et avant le début de cette année, tu n'as jamais été frappée ni touchée. Tu n'avais heureusement pas ce genre d'expérience, tu ne peux donc pas te blâmer car tu ignores comment te reprendre après ce genre de problèmes. Tu n'as pas non plus le caractère adapté pour y faire face. J'aurais voulu que tu ne les connaisses jamais, mais notre monde est en guerre...

Il soupira longuement puis lui fit signe de boire, tout en lui donnant un mouchoir propre en tissu qu'il gardait toujours à porté de main, juste au cas où.

– Respire, tout d'abord... Personne ne te demande d'être forte ou de pouvoir protéger tout le monde. Tu n'as ni l'âge ni, pour le moment, les capacités. Apprend à faire confiance à ceux qui le peuvent. Si tu ne peux pas, je peux parler de ce qui t'es arrivé à la directrice. L'élève qui t'a touché sera renvoyée. Qu'en dis-tu ?
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Âge RPG : 14 ans
Don(s) : Aquamancienne et Aéoromancienne
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Laura K. Nakajima

Laura K. Nakajima
MessageSujet: Re: Un refuge où se cacher   Un refuge où se cacher EmptyDim 15 Mar - 20:58

Père Vilette – Ce n'est pas à toi d'être désolée, dit-il en se levant pour aller chercher une couverture. N'entre pas dans l'idée vicieuse que c'est à la victime de se blâmer pour ce genre de choses, tu ne ferais que te détruire toute seule.

Laura prit la couverture que lui tendait le Père Vilette, s’essuyant les yeux d’un revers de la main en essayant de se reprendre. Elle devait se calmer, respirer. Pleurer comme une enfant et se montrer aussi faible n’allait pas aider Jasper, loin de là, il allait vouloir la protéger, la couver, s’assurer qu’elle allait bien et qu’elle ne déprimait pas dans son coin. Par conséquent, il fallait qu’elle se reprenne. Dans une ou deux heures, tout irait bien, parfaitement bien. Cette sensation disparaitrait et ce serait de l’histoire ancienne.

La collégienne regarda d’un air absent le Père Vilette lui verser un peu de chocolat chaud, réfléchissant, essayant toujours de se calmer. Ce n’est pas à la victime de se blâmer… Mais si ! Si, elle devait s’en vouloir, s’en vouloir d’être dans cet état, d’être si faible alors que son frère comptait sur elle, qu’il avait besoin de soutien et non pas d’un boulet à traîner. Cela, bien sûr, elle ne l’avouerait jamais, même sous la torture. Elle le pensait, certes, mais ne le dirait pas. Il fallait qu’elle accepte ce que le Père Vilette lui disait, qu’elle ne pense qu’à ça, rien d’autre. Elle n’était pas fautive. Pas fautive du tout. Même si, à cause de sa faiblesse, Jasper risquait d’être au courant, de s’inquiéter pour elle, d’être sur son dos pendant des semaines…

Père Vilette – Tout le monde ne peut encaisser les coups durs de la même façon, reprit-il avec douceur. Beaucoup d'adultes seraient incapable de se relever. Il y a certaines personnes qui s'en sortent plus facilement, mais ce sont des personnes qui ont un mental, un caractère assez fort, qui leur permet de résister. Tu es une enfant, et avant le début de cette année, tu n'as jamais été frappée ni touchée. Tu n'avais heureusement pas ce genre d'expérience, tu ne peux donc pas te blâmer car tu ignores comment te reprendre après ce genre de problèmes. Tu n'as pas non plus le caractère adapté pour y faire face. J'aurais voulu que tu ne les connaisses jamais, mais notre monde est en guerre...

Caractère adapté ou non, Laura n’avait pas le choix. Elle s’exécuta lorsque le Père Vilette lui fit signe de boire, prenant ensuite le mouchoir qu’il lui tendait. Jeune ou pas, elle n’avait plus le temps d’être fragile si elle voulait se rendre utile. Il fallait qu’elle grandisse, qu’elle apprenne à se défendre et qu’elle durcisse son caractère. Absolument. Laura savait que cela ne se ferait pas du jour au lendemain, qu’il lui faudrait du temps, mais si elle voulait se rendre utile et arrêter d’handicaper son grand frère, elle n’avait plus le choix. Quoi qu’en dise le Père Vilette…

Père Vilette – Respire, tout d'abord... Personne ne te demande d'être forte ou de pouvoir protéger tout le monde. Tu n'as ni l'âge ni, pour le moment, les capacités. Apprend à faire confiance à ceux qui le peuvent. Si tu ne peux pas, je peux parler de ce qui t'es arrivé à la directrice. L'élève qui t'a touché sera renvoyée. Qu'en dis-tu ?

Tout… Tout dire à la directrice ? Renvoyer Clémence ? Mais… Mais… Et quelles seraient les autres conséquences ? Quelle serait la raison officielle ? Pourquoi exclure une élève du jour au lendemain ? Est-ce que les autres sauraient pourquoi elle avait été exclue de l’école comme cela ? Et Jasper, Antoine, seront-ils au courant ? Laura avait redressé la tête, regardant le Père Vilette sans réussir à dire quoi que ce soit. Du calme, réfléchir.

De toute manière, il risquait d’en parler, qu’elle le veuille ou non… Mais après ? Et pour elle ? Il allait la laisser retourner en cours, comme si rien ne s’était passé, n’est-ce pas ? Et si elle le disait elle-même, si – en admettant qu’elle y arrive – elle allait parler à la directrice pour tout lui raconter ? Et si on la voyait à côté du Père Vilette, entrant dans le bureau de la directrice ? Elle ne savait paaaas ! Que devait-elle faire, dans une situation pareille ? Parler et prendre le risque de se faire voir, laisser le Père Vilette aller parler à la directrice et attendre, attendre, et encore attendre pour avoir une réponse, connaître le fin mot de l’histoire. Laura reporta son regard sur son bol, fixant le chocolat chaud d’un air pensif. Elle ne savait pas. Elle était perdue…

Laura – Et après ?

Sa voix était timide, comme celle d’une enfant prise en faute après avoir volé quelque chose ou fait une quelconque bêtise. Elle releva la tête pour regarder le Père Vilette, terrifiée à l’idée de la réponse qu’il allait lui donner. Elle voulait savoir ce qui allait se passer par la suite, si toute cette histoire allait être oubliée ou si elle allait devoir la revivre encore et encore. Oublier, voilà ce que l’adolescente désirait le plus au monde. Juste oublier et foncer dans les bras de Jasper, ou ceux d’Antoine, pour se sentir en sécurité. Mais elle ne pouvait pas…

Laura – Je sais que vous parlerez à la directrice, si je ne veux pas le faire, mais je… Si jamais elle est au courant, que se passera-t-il après ? Je… Je n’ai pas envie de repenser à tout ça, je veux oublier, aller en cours comme d’habitude. Mais je…

C’était plus fort qu’elle, il fallait que Laura se justifie, qu’elle explique ce « Et après ? ». D’accord, peut-être le Père Vilette avait-il compris ce qu’elle voulait savoir, ce que signifiaient ces deux mots, leur sous-entendu, mais elle avait peur et préférait être sûre. Elle s’était interrompue uniquement par peur de le déranger, de l’ennuyer avec toutes ces questions, ce qui était bien une première chez elle. La peur de se faire voir en allant chez la directrice, accompagnée du Père Vilette, lui enserrait la poitrine. Et, en même temps, l’idée d’attendre simplement ici le « verdict » ne l’enchantait pas plus que cela… Laura fit la moue, posant ses mains sur le bol pour se réchauffer un peu, ayant soudain plus froid.

Laura – Je ne veux pas que mon frère soit au courant…, souffla-t-elle. Si je… Si je vais parler à la directrice, quelqu’un me verra et Jasper sera au courant, ou alors on pensera que j’ai fait une autre bêtise alors que je suis calme, enfin, plus ou moins, et je… Je ne sais pas quoi faire…
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