Une rencontre fracassante

Une fois n’est pas coutume, Laura n’avait fait aucune bêtise depuis un long moment. Au contraire, elle essayait d’aider son frère et les élèves qui résistaient aux militaires en fouinant un peu partout. Il fallait qu’elle découvre ce qu’ils cachaient, ce qui se tramait dans les sous-sols du Pensionnat ou de l’école. Bien sûr, elle n’avait pas dit à Jasper qu’elle comptait fouiller l’après-midi, il risquait de la surprotéger encore une fois. Son excuse avait été qu’elle voulait étudier sérieusement pour une fois, et donc, rester avec lui ou Antoine pour s’amuser ou ennuyer les militaires n’était pas pour elle, aujourd’hui. Laura voulait simplement aider, rien de plus. Ce n’était pas trop demander, si ? Une petite aide de rien du tout. Avec sa petite taille, elle pouvait aller partout, se faufiler dans les coins les plus farfelus et les moins habituels, ne pas se faire surprendre là où d’autres se serait fait prendre directement.

Donc, des fouilles ! Recueillir la moindre information, le moindre détail pouvant aiguiller sur ce que les militaires trafiquaient là-bas, sur ce que les élèves risquaient à force de rester ici. Laura enfila une veste bien chaude, sortant dans le vent glacial de décembre, ce dernier lui fouettant le visage comme des milliers de petits glaçons. Frissonnant, Laura glissa ses mains dans ses poches et avança en laissant de longues trainées dans la neige, sentant ce gros manteau blanc résister et freiner ses pas, ne semblant pas vouloir la laisser avancer tranquillement. Cette fouille, maintenant, n’était pas une bonne idée finalement. Où chercher, en plus ? Ce terrain était si vaste ! Ils avaient déjà ratissé bon nombre d’hectares et n’avaient pas trouvé le moindre truc intéressant à exploiter. Alors, maintenant, où aller ? Directement dans les sous-sols ? Si elle ne revenait pas, Jasper serait capable de la chercher et de la tuer lui-même si ce n’était pas déjà fait. Donc, non, éviter ce coin-là, mauvaise idée. Très mauvaise idée, même. Déjà que, s’il apprenait ce qu’elle faisait en cet instant précis, il l’engueulerait… Bah, Laura était toujours vivante, alors pas d’inquiétude. N’est-ce pas ?

Son regard se porta alors vers le seul endroit qu’ils n’avaient jamais fouillés, le seul dans lequel les militaires auraient très bien pu cacher des choses sans que personne ne pense à aller regarder. La Chapelle. Qui irait fouiller là-bas ? C’était un lieu saint, un lieu où oser simplement cacher quelque chose était interdit, où le moindre combat était presque ahurissant. Alors, pourquoi, mais pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ?! Sans plus attendre, Laura se dirigea vers la Chapelle à pas lents et progressifs, sentant la neige alourdir sa démarche, la sentant s’entasser dans le plus petit recoin de sa veste ; parvenant à s’immiscer dans les endroits non couverts pour provoquer des frissons désagréables à la jeune adolescente. Après de longues minutes de calvaire, enfin, Laura parvint à la Chapelle et poussa la porte, laissant s’y engouffrer le vent glacial par la même occasion. Elle vit alors une silhouette étrange, comme une grosse masse sombre plus loin, sur un banc. Elle ne semblait pas avoir remarqué l’entrée de Laura. Louche. Très louche, même. Bon, la surprise était de son côté. L’adolescente ne réfléchit pas une seconde de plus et courut vers la masse sombre, lui bondissant littéralement dessus et hurlant :

Laura – A L’ASSAAAAAAAAUT !

Dimitri restait soigneusement collé contre le mur, observant les militaires qui défilaient non loin, écoutant les conversations. Il le sentait mal... Il conservait une méfiance naturelle envers l'armée, depuis qu'une même armée s'en était prise à sa famille biologique, l'avait chassée, assassinée froidement. Il savait comment étaient mortes ses grandes sœurs. Il recula dans l'ombre, écoutant. ils parlaient d'expériences médicales, de matériel qui tardaient à arriver, de subventions, et autres choses du même goût.

Il suivit discrètement un camion qui venait se garer près des terrains de sport. Il allait très lentement, en prenant milles précautions, et arriva jusqu'au camion. Les caisses étaient frappées de sigles de laboratoires, et de celui de l'armée de terre. Charmant. Le cœur battant à mille à l'heure, il examina de plus près ce qu'il y avait sous les bâches, dans un autre camion. Il vit des brancards, des fauteuils roulants... Que faire de ça dans une école ?! Il se mordit les lèvres et remit tout en place rapidement.

Il commençait peu à peu à comprendre, et cela l'effrayait. Sans se faire voir, il s'éloigna du champs des opérations et fila se réfugier dans la chapelle. L'atmosphère paisible du lieu le calma instantanément et il poussa un profond soupir, s'asseyant sur un banc. Le prêtre n'était pas là, et il put réfléchir à son aise. Récapitulons. L'armée comptait se livrer à de genres d'expériences, si ce n'était pas déjà commencé. Mais dans quel but ? Augmenter leurs pouvoirs ou les supprimer totalement ? Il penchait pour la première option, plus logique vu la situation actuelle.

- Que dois-je faire, murmura-t-il dans sa langue natale.

Il avait perdu la maîtrise du Français, mais il parlait couramment le Russe. Il se prit la tête entre les mains, les yeux fermés. Ah, il était beau, le fils du Tsar ! Incapable de prendre la moindre décision ! Alors qu'il aurait déjà dû agir, faire quelque chose, au lieu de rester simple observateur. C'était minable. Comment aurait-il pu diriger un Empire s'il n'était même pas fichu de diriger sa propre vie ? D'autres agissaient, parmi les élèves. D'autres se démenaient, alors qu'il se contentait d'observer.

Il se demandait comment agir, comment mettre à profit ce qu'il avait vu et deviné, lorsqu'un hurlement perçant lui vrilla les oreilles et une voix de fille hurla :

– A L’ASSAAAAAAAAUT !

Il eut un hoquet de surprise et tomba à la renverse lorsqu'on lui bondit dessus. Néanmoins, ses réflexes reprirent très vite le dessus. Sa nourrice lui avait fait prendre des cours de défense, et il renversa son adversaire sur le sol puis lui attrapa les bras pour le plaquer par terre. Et arrêta net son prochain coup en voyant qu'il s'agissait de la petite Karinof, dans la classe en-dessous, sœur du désormais célèbre Jasper. Oups. Mais pourquoi elle lui avait sauté dessus ?! Elle se débattit, et il eut juste le réflexe de ne pas lâcher, de plus en plus méfiant. La paranoïa était son lot quotidien. Elle lui hurla de la lâcher puis dit, éberluée.

– Dimitri ?! Désolée, je pensais que c'était quelqu'un d'autre et... et j'avais peur, alors j'ai préféré sauter.

Hein ? Il la relâcha, puis commença à moitié hurler, moitié grogner en Russe qu'elle était complètement cinglée. On attaquait pas les gens comme ça ! Cette fille était tout à fait siphonnée de sauter comme ça, ce n'était pas possible autrement ! Elle lui fit soudain de gros yeux et il s'arrêta.

– Quoi ?

Ah. Ah oui. Heu, zut. Il prit une grande inspiration pour se calmer et s'assit à côté d'elle par terre.

- Perdon, dit-il en se calmant. Heu... Tu m'es surpris, ça... C'est... Perdon. Je ne pensiez pas que quelqu'un venir.

Leçon numéro un lorsque l’on bondit sur quelqu’un : s’assurer que son adversaire est plus petit que soi – ce qui n’est presque jamais le cas quand on a treize ans – et, surtout, prendre des informations pour voir s’il n’a jamais suivi de cours de défense ! Mais ça, Laura l’ignorait… Jusque maintenant. Sans qu’elle ne comprenne ce qui se passait, elle fut plaquée au sol, les bras bloqués, ne pouvant plus rien faire. Par réflexe complètement idiot, la jeune adolescente se débattit de plus belle, hurlant à son adversaire de la lâcher. Cependant, la « masse sombre » sur laquelle elle avait sauté était sérieusement plus forte et plus imposante qu’elle et ne semblait pas vouloir le faire… Masse sombre qui arrêta net son élan, alors qu’il avait l’avantage sur elle, et ne la frappa même pas. Eh bah ? Ce ne fut qu’à cet instant que Laura reconnut la soi-disant masse sombre. Dimitri Romanof, un étudiant de troisième, de un an son aîné, l’élève Russe qui parlait très mal français. Oups. Petite bourde ? Complètement choquée, Laura lâcha sur un ton d’excuse :

Laura – Dimitri ?! Désolée, je pensais que c'était quelqu'un d'autre et... et j'avais peur, alors j'ai préféré sauter.

Ses excuses avaient porté leur fruit vu que Dimitri la relâcha enfin… puis se mit à hurler quelque chose dans une langue totalement inconnue de Laura. Du russe, sûrement. Quoi qu’il en soit, même si elle ne comprenait pas un traitre mot de ce qu’il disait, la jeune fille comprenait au moins une chose : Dimitri n’était pas content du tout. Il lui hurlait dessus, grognait en même temps, sous le regard ahuri et perdu de Laura qui essayait vraiment – mais vraiment hein, elle l’aimait bien et n’avait strictement rien contre lui ! – de comprendre ce qu’il lui disait. Seulement, malgré tous les efforts possibles, elle ne comprenait rien du tout. Elle lâcha enfin, un peu gênée de poser cette question :

Laura – Quoi ?

Après quoi, Dimitri s’arrêta, prit une profonde inspiration et s’installa à côté d’elle. Heu ? Elle l’avait vexé ? Mais non, non, non ! Laura ne voulait pas du tout le vexer, elle n’avait seulement rien compris à son charabia et, s’il voulait lui gueuler dessus, autant qu’elle le comprenne. Non ? Elle n’aimait pas se faire engueuler sans savoir ce que l’on lui reprochait – bon, même si ici, elle en avait une vague idée – alors, autant être honnête et le dire… Non ?

Dimitri – Perdon. Heu... Tu m'es surpris, ça... C'est... Perdon. Je ne pensiez pas que quelqu'un venir.

… Heum. Oui, bon, ce n’était pas un français très correct, mais c’était déjà plus compréhensible que le russe et Laura avait saisi l’idée. Le regardant avec un regard d’excuse, compatissant sincèrement et de plus en plus gênée par sa réaction un peu… exagérée, elle lui répondit après un bref silence :

Laura – C’est moi qui suis désolée… Je n’aurais pas dû te sauter dessus comme ça. Je pensais que c’était un militaire, ou quelqu’un de méchant et je voulais m’en débarrasser.

Penser que c’était un militaire… Quelle idiote ! Dimitri n’avait rien d’un militaire, surtout avec sa nationalité russe. Que du contraire, il devait être leur cible préférée, déjà que tout le monde parlait de lui au Pensionnat… Il était le bouc émissaire des élèves qui n’aiment pas les gens différents. Par chance, Laura n’avait pas cette haine envers les étrangers. Restant beaucoup avec son frère, il lui avait inculqué certaines choses qu’elle ne voulait surtout pas oublier. D’ailleurs, en parlant de son frère…

Laura – Tu sais quoi ? On oublie tout ça ! Jasper en veut à la terre entière quand je me fais une égratignure, alors s’il apprend que tu m’as plaquée au sol, je ne sais pas ce qu’il te fera… Ca reste entre nous ? On fait la paix ?

Comme pour montrer qu'elle voulait sincèrement recommencer à zéro, Laura lui tendit la main pour qu'il la lui serre... Ou pas. Mais elle était gentille, il allait accepter, non ?

Il y eut un bref silence franchement gêné. Dimitri ne savait pas quoi dire à sa camarade, surtout après une telle entrée en matière. Qu'est-ce qu'on racontait à une personne qui vous avait sauté sur le dos sans raisons en hurlant à l'assaut ? C'était bien la première que ça lui arrivait, et la première fois que ses cours lui servaient à quelque chose. Sa nourrice l'avait toujours élevé dans l'optique de défendre sa vie, et de suivre sa route, quoi qu'il arrive.

– C’est moi qui suis désolée… Je n’aurais pas dû te sauter dessus comme ça. Je pensais que c’était un militaire, ou quelqu’un de méchant et je voulais m’en débarrasser.

Hum, sans vouloir être vexant, il ne n'était pas sûr qu'elle puisse se débarrasser de qui que ce soit. Elle était petite, et ne savait même pas se battre. Alors se débarrasser d'un militaire ? Aucune chance, navré. Ils étaient entraînés, et prêts à tuer sans remords. Dimitri était bien placé pour le savoir. Et puis, imaginer Laura se battre contre eux... Non, définitivement non. Il se mordit les lèvres, se frottant pensivement le genou qui avait durement cogné au sol après cette attaque subite.

– Tu sais quoi ? On oublie tout ça ! Jasper en veut à la terre entière quand je me fais une égratignure, alors s’il apprend que tu m’as plaquée au sol, je ne sais pas ce qu’il te fera… Ça reste entre nous ? On fait la paix ?

Elle lui tendit la main, et il lui jeta un regard surpris. Il n'avait pas l'habitude de ce genre de gestes amicaux, et hésita une minute entière avant de la lui serrer. Il tâcha de lui sourire, mais cela ressemblait plutôt à une grimace. Puis ce qu'il avait vu plus tôt lui revint brutalement en mémoire et il pâlit quelque peu, lui qui avait déjà le teint d'un cadavre à la base. Il entoura ses genoux de ses bras et lâcha un soupir. Allez, un peu de courage. Il était tout de même censé en avoir plus dans le ventre que ça ! Ou pas... Il se mordilla les lèvres quelques secondes, les yeux dans le vague.

- Lyra, ta frère était encore à combattre l'armée ? J'ai... Ce matin, la soleil, et un arrivée.

Il bafouillait, parlant assez vite et cherchant ses mots, pour essayer de se faire comprendre.

- Danger, tu comprendre ? Armée, coup, comme dans ma pays. Et morts, pas longtemps. Ecoute. Toujours débuter comme ça, armée, puis piège, avant dernier coup ! Mort ensuite. Dangereux, tu comprenez ?

Il voulait tant lui expliquer qu'il recommença à tout lui raconter, sans même s'en rendre compte, dans sa propre langue, retrouvant un style fluide et sans heurts. A la fin, il reprit son souffle, puis poussa un juron, se levant.

- Tu venir ? Je te montrez.

[Avec indications de Sainte Famille.]

Dimitri – Lyra, ta frère était encore à combattre l'armée ? J'ai... Ce matin, la soleil, et un arrivée.

Hein ? Pardon ? Laura pouvait faire de gros efforts pour le comprendre, mais là, à part « ton frère » et « combattre l’armée », elle n’avait strictement rien compris. Il voulait dire que Jasper se battait encore contre l’armée ? C’est ça ? Mais pourquoi lui parlait-il de cela maintenant ? Pourquoi si soudainement, alors qu’elle lui avait littéralement sauté dessus ? QUE voulait-il donc lui dire ? Dimitri bafouillait et parlait très vite, trop vite pour que Laura puisse le comprendre. Elle le regardait, lançant un regard complètement perdu, cherchant à comprendre ce qu’il voulait lui expliquer.

Dimitri – Danger, tu comprendre ? Armée, coup, comme dans ma pays. Et morts, pas longtemps. Ecoute. Toujours débuter comme ça, armée, puis piège, avant dernier coup ! Mort ensuite. Dangereux, tu comprenez ?

Danger ? Pardon ? Mort ? Piège ? Laura commençait à comprendre, mais avait peur de ce que cela sous-entendait. Elle n’était pas sûre et préférait ne pas trop s’avancer, pas de considération hâtive. Il fallait réfléchir, c’est ce que lui avait dit son frère une bonne dizaine de fois. Et puis, ses livres aussi. Ne pas foncer et ne pas juger trop vite, cela risquait de coûter cher à tout le monde, surtout s’ils se trompaient. Mais l’armée, l’enlèvement de Jasper… Les sous-sols et les camions bizarres, juste à côté. Tout allait dans le sens de Dimitri mais elle était complètement terrorisée à l’idée de découvrir cela, de découvrir qu’il avait effectivement raison et qu’ils étaient tous en grand danger. Mais, avant qu’elle ne puisse réfléchir davantage, il se mit à parler en russe pendant un long moment, faisant tout un monologue dans sa langue maternelle. Du caaaaaalme ! Laura ne parlait pas russe, il pouvait le comprendre, ça, non ?! Il poussa alors un juron et lui dit, en français cette fois :

Dimitri – Tu venir ? Je te montrez.

D’accord, d’accord, d’accord. Le suivre, il allait lui montrer, ça, elle comprenait. Laura se releva, frotta ses vêtements et suivit Dimitri jusqu’aux terrains de sports où elle vit plusieurs camions appartenant à l’armée. Heu… C’était pas un peu risqué, de venir ici ? Elle hésita un bref instant, mais Dimitri continuait à avancer, comme s’il était décidé à lui montrer quelque chose et que rien ne pouvait le faire changer d’avis cette fois. Bon, d’accord… Après tout, maintenant qu’ils étaient ici, ils n’allaient pas reculer. Le froid mordait son visage, lui gelant le nez. Laura glissa ses mains dans ses poches et avança contre le vent, suivant toujours Dimitri. Ils arrivèrent après de longues minutes qui lui semblèrent interminables et se hissèrent dans un des camions, enfin à l’abri du froid – plus ou moins. Laura ouvrit grand les yeux, complètement coquée… Des caisses avec des symboles de laboratoire et de l’armée de terre, puis des fauteuils roulants et autres trucs médicaux horribles. Elle avait peur de comprendre. Mais vraiment peur. Choquée, terrorisée, Laura souffla :

Laura – J’ai compris… Ils veulent… On doit sortir d’ici. Si on se fait prendre, personne ne saura.

Oui. Il fallait filer avant que quelqu’un ne les surprenne, il fallait tout raconter aux autres, il fallait frapper plus haut. Cette fois, l’armée envahissait tout et risquait de s’en prendre aux élèves, et plus seulement à Jasper. Ayant un mauvais pressentiment, Laura fit  signe à Dimitri de la suivre à son tour et se glissa par l’endroit d’où ils étaient entrés. Elle descendit, se laissant à moitié tomber dans la neige, et fut rapidement rejointe par Dimitri. Seulement, ce qui devait arriver arriva… Des voix affolées, de militaires, se firent entendre :

Militaire – Hey ! Que faites-vous là ?!

Laura – Vite ! Dimitri, plus vite, suis-moi !

Laura se mit alors à courir en attrapant la main de Dimitri pour le forcer à la suivre mais le vent était fort et sa main était littéralement gelée, sans protection contre la neige. Elle continua à courir alors qu’un militaire attrapa Dimitri mais la loupa de justesse. Ah non, pas lui ! Laura s’arrêta pour l'aider, courant vers les militaires à son tour. Hors de question qu'elle le laisse et l'abandonne ici, aux mains des militaires ! Elle courut vers Dimitri pour essayer de le rattraper, le tirant par la manche. Cependant, un autre militaire l'attrapa par la cheville  pour aider son "collègue". Sans réfléchir, Laura lui mordit la main et le militaire la lâcha automatiquement en poussant un énorme juron. Elle fila alors, dans la neige, courant vers le Pensionnat… Elle ne pouvait rien faire seule. Courir était donc sa seule solution, courir et prévenir Jasper, prévenir la directrice, prévenir quelqu’un ! Mais d’abord Jasper, lui saurait quoi faire. Elle fila vers le Pensionnat, courant sans reprendre son souffle, le vent glaçant lui coupant toute possibilité de le reprendre par ailleurs. Par chance, ou grâce à la peur plutôt, Laura parvint au Pensionnat totalement recouverte de neige et trouva son frère au Réfectoire, avec Antoine. A bout de souffle, elle bafouilla en les regardant :

Laura – Militaires… Camions… Dimitri…

Du calme ! Jasper n’allait strictement rien comprendre, et Antoine non plus ! Il fallait qu’elle se reprenne. Laura s’était écroulée dans les bras de son frère, laissant les larmes couler, se trouvant lamentable de n’avoir même pas pu aider Dimitri. Il était tout seul, là-bas ! Les militaires l’avaient pris, ils allaient le faire souffrir, ils allaient l’interroger, ils… Elle prit une grande inspiration sans cesser de trembler et dit :

Laura – Les militaires ont enlevé Dimitri… Ils l’ont attrapé ! Je voulais faire des fouilles, vous aider et… et je suis tombée sur lui, il m’a montré tout ce qu’il avait trouvé. Des camions… Des camions avec des produits, des caisses, des fauteuils roulants… Plein de trucs bizarres… Je l’ai abandonné, je me suis arrêtée et j'ai essayé de l'attraper mais un militaire m'a attrapée aussi, je l'ai mordu et ai couru et je l'ai laissé... Mais je… Il est tout seul !

Jasper griffonna quelques notes sur sa feuille de brouillon et la glissa discrètement à Antoine, assis à côté de lui. Il secoua la tête en grimaçant. Quoi, ça aussi ce n'était pas bon, comme plan ? Mais qu'est-ce qu'il était difficile ! Déjà, Jasper prenait la peine d'esquisser un semblant de plan, ce qui était déjà un véritable exploit. Alors s'il lui démontait tout... Tss. Il reprit la feuille et marqua autre chose, jusqu'au moment où leur professeur de physique surgit devant eux. Il cacha la feuille à la vitesse de l'éclair et eut un sourire innocent très lumineux. On pouvait presque voir l'auréole au-dessus de sa tête.

- Oui, monsieur ?

Il récolta un regard suspicieux, puis le prof s'éloigna. Ok, fini pour ce cours-là. Ils cherchaient un moyen de s'introduire discrètement dans les souterrains pour voir ce qui s'y trafiquait. Mais s'il était tête brûlée, Antoine était désespérément prudent, et refusait qu'ils se lancent tant qui'ils n'auront pas un plan digne de ce nom. Il soupira longuement, recommençant à y réfléchir le cours suivant. Ils avaient bousillé un paquet entier de feuille lorsque l'heure du déjeuner arriva, sans grand succès.

Il se rendit au réfectoire en traînant des pieds, jetant des coups d'œil autour de lui, de plus en plus méfiant. Ils avaient presque fini de manger lorsque Laura surgit à son tour en pleurant et se jeta littéralement dans ses bras. Il la rattrapa de justesse et la serra contre lui, paniqué. Elle était blessée ? Malade ? Quelqu'un lui avait fait du mal ?! Qui ? Il allait l'étriper !

Laura – Militaires… Camions… Dimitri…

Militaires, camions, Dimitri ? Hein ? Heu... Oui ? Quoiiiii, militaires, camions, Dimitri ? Un militaire l'avait agressé ?! Frappéééée ??! Il allait le tuer. Si un camion avait failli la percuter, il désossera le camion. Et Dimitri, heu, zut, qui c'était déjà ? Aaah, oui, le Russe tout blond et tout pâle qui ne parlait pas Français. Lui aussi s'en était pris à sa sœur ?! C'était un complot !

Laura – Les militaires ont enlevé Dimitri… Ils l’ont attrapé ! Je voulais faire des fouilles, vous aider et… et je suis tombée sur lui, il m’a montré tout ce qu’il avait trouvé. Des camions… Des camions avec des produits, des caisses, des fauteuils roulants… Plein de trucs bizarres… Je l’ai abandonné, je me suis arrêtée et j'ai essayé de l'attraper mais un militaire m'a attrapée aussi, je l'ai mordu et ai couru et je l'ai laissé... Mais je… Il est tout seul !

Il blêmit au fur et à mesure, puis son cerveau parvint à intégrer. Elle avait fait QUOI ?! Il l'attrapa par les épaules et hurla :

– Tu as fait QUOI ?! u as essayé de les combattre ?! Tu es allée fouiné dans leurs pattes ?! Mais tu es complètement folle ou quoi ?!

Il était furieux à la simple idée que sa sœur, sa petite sœur, Laura, soit allée traîner dans des endroits dangereux, de son plein gré, en sachant ce qu'elle risquait, qu'elle n'ait pas écouté les plus élémentaires conseils de prudence, PIRE, qu'elle se soit battue ! Qu'elle ait essayé de combattre alors qu'elle savait qu'elle n'était pas assez forte, qu'elle... Mais bon sang ! Laura, merde, ce n'était pas possible !

Laura – Mais je voulais aider ! Et aider Dimitri ! J'allais pas le laisser tout seul, il parle pas un seul mot de français ou très mal, t'imagines si jamais ils le remarquent ?! Et puis j'ai rien, en plus... J'ai même blessé un militaire en le mordant.

Jasper lui colla tout à coup une gifle, pas méchante, mais de celles qu'elle recevait lorsqu'elle avait vraiment fait une grosse connerie. Aussitôt après, il la serra dans ses bras à l'en étouffer avec un énorme soupir. Bon sang, Lauraaaa... Il ne supporterait pas qu'il lui arrive quoi que ce soit ! Pas elle, merde, surtout pas elle ! Il était prêt à en pleurer tellement il avait eu peur sur le coup. Imaginer sa petite sœur aux mains de l'armée... Il en frissonnait. Elle s'écarta un peu

Laura – Je n'ai rien, tu peux me lâcher, j't'assure.

Il lui frotta le dos, puis la relâcha enfin, reprenant son souffle, et jeta un coup d'œil à Antoine.

- Bon.

Il les laissa puis fila vers les souterrains.

Jasper – Tu as fait QUOI ?! Tu as essayé de les combattre ?! Tu es allée fouiner dans leurs pattes ?! Mais tu es complètement folle ou quoi ?!

Jasper l’avait attrapée par les épaules, lui hurlant dessus. Mais elle n’avait fait cela que pour les aider, elle en avait marre de rester sans rien faire ! Etre petite ne signifiait pas uniquement être incapable et fragile ! Laura voulait se rendre utile, et pas seulement « rester sagement assise » sous prétexte qu’elle était trop fragile. Elle n’était pas en sucre et pouvait se débrouiller, elle l’avait fait d’ailleurs ! Elle avait même blessé un militaire en le mordant, c’était mieux que de laisser Dimitri tout seul, non ? Au moins, elle avait un tout petit peu handicapé l’un d’eux avec cette morsure. Surtout avec le froid, et tout et tout. Non ? Et puis, zut, Dimitri avait besoin d’aide ! Laura n’était pas venue ici pour se faire engueuler, elle était venue chercher de l’aide. Si les militaires découvraient que Dimitri ne parlait pas bien français, pour une autre raison que le stress, il était perdu.

Laura – Mais je voulais aider ! Et aider Dimitri ! J'allais pas le laisser tout seul, il parle pas un seul mot de français ou très mal, t'imagines si jamais ils le remarquent ?! Et puis j'ai rien, en plus... J'ai même blessé un militaire en le mordant.

Son frère lui colla alors une gifle, moins grosse que celle qu’elle avait reçue lorsqu’elle les avait rejoints dans les catacombes, mais assez grosse pour lui faire comprendre qu’elle avait fait une grosse bêtise. Oui, bon, heu… Peut-être que le détail de la morsure était une mauvaise idée, Jasper allait de suite assimiler cela à « militaire assez proche pour lui faire du mal ». Laura resta un moment sans bouger, n’osant rien dire pour l’instant, serrant son frère dans ses bras lorsque lui-même la serra directement après l’avoir giflée. Par contre… Il serrait fort ! Eh, oh, elle n’arrivait plus à respirer là ! Bon heu, elle devait faire comment ? Si Laura se dégageait, Jasper allait sûrement en rajouter une couche ou très mal réagir et la faire culpabiliser comme il le faisait à chaque fois qu’elle avait fait une grosse bêtise. Elle resta donc sans bouger et ne s’écarta un peu qu’après un petit moment, lui disant :

Laura – Je n'ai rien, tu peux me lâcher, j't'assure.

Jasper lui frotta le dos, ce qui eut pour effet de la calmer un peu plus. Ca allait, c’était bon, pas besoin de s’inquiéter. Et ce n’était pas elle qui risquait le plus, il fallait sauver Dimitri ! Qu’allaient faire les militaires s’ils découvraient qu’il n’était même pas Français ? Et s’ils le droguaient, s’ils le retenaient, comme Jasper ? Ou s’ils faisaient pire encore ? Son frère la relâcha, jeta un regard à Antoine et prononça un seul mot :

Jasper – Bon.

Et il partit. Comment ça, « bon » ? Il n’allait tout de même pas s’attaquer aux militaires seuls, non ? N’est-ce pas ? Si… Si, c’était bien son genre. Et ce seul mot déclencha une foule d’émotions chez Laura, de la peur à l’inquiétude en passant par l’hystérie. Il ne pouvait pas s’attaquer à eux tout seul ! C’était du suicide ! Sans attendre une seconde de plus, elle suivit Jasper, étant sur ses talons, attendant qu’il atteigne les souterrains pour ne pas se faire remballer avant « parce que c’est trop dangereux ». Antoine l’avait suivie lui aussi. Beuh, ils étaient tous les deux un peu trop protecteurs à son goût, mais soit… Ici, elle voulait juste aider son frère et l’empêcher de se faire prendre. A trois, ils pouvaient couvrir leurs arrières et se protéger l’un l’autre. Elle attendit qu’il se soit caché dans une cachette suffisamment grande et éloignée pour le rejoindre et lui chuchota, avant qu’il ne hurle :

Laura – Avant que tu ne dises que c’est trop dangereux pour moi, Antoine est là et à trois, on pourra se couvrir. Si tu veux pas que j’aille le sauver, laisse-moi au moins te protéger… Je veux pas te perdre, Jaz’, je veux pas que tu sois pris, alors je bougerai pas et on va t’aider. Dis-nous ce que tu comptais faire, on t’écoutera.

Elle fit une pause, le regardant. Oui, il était sûrement en train de hurler intérieurement, oui il était sûrement en train de pester contre Laura, mais tant pis. Elle n'avait pas envie de le perdre une seconde fois, elle n'avait pas envie de s'inquiéter comme une folle pour ça ! Elle reprit, après un moment, sachant que son frère allait sans doute vouloir la renvoyer :

Laura – Je ne bougerai pas, je veux pas te perdre une seconde fois. Et puis, j'suis sûre qu'Antoine est d'accord avec moi ! Tout seul, t'y arriveras pas. La preuve, t'as pas réussi la dernière fois et ils t'ont enlevé... A trois, on pourra le sauver, mais tout seul, tu vas juste te faire prendre ! Moi, je suis petite, je peux me faufiler partout, toi tu as ton don plus développé et Antoine aussi, puis vous connaissez les souterrains à force d'avoir échaffaudé des plans. Non ? Je veux pas rester les bras croisés pendant que vous risquez votre liberté ou pire...

[Avec Indications de Ste Famille]

Il se dirigea vers les souterrains, surveillant les alentours avant de se faufiler par une porte dérobée. A partir d'ici, mieux valait vérifier où on mettait les pieds ! Il avait déjà donné et ne tenait pas à se retrouver cloué à nouveau sur une table d'opérations. Il avançait à pas de loups, dans les noir, se collant contre le mur et dans la pénombre dès qu'il entendait du bruit. Laura avait raison, Dimitri était dans une merde noire ! Il ne parlait pas Français, ou juste quelques mots, et son accent le trahira de toute façon. Dimitri... Jasper le connaissait mal, étant donné qu'il se mêlait très peu aux autres. Il dénicha une cache sombre puis sursauta en sentant du mouvement non loin de lui.

Il se retourna sèchement et vit Laura et Antoine. Laura. Et. Antoine. Mais bon sang ! Il ne leur avait pas demandé de les suivre ! Il leur jeta un regard furieux, alors qu'ils venaient tout près de lui. Ça ne les a donc pas effleuré, dans leurs petites têtes, qu'ils avaient dix fois plus de chances de se faire prendre à trois que lui seul ?! Il fallait réfléchir un minimum !

Laura – Avant que tu ne dises que c’est trop dangereux pour moi, Antoine est là et à trois, on pourra se couvrir. Si tu veux pas que j’aille le sauver, laisse-moi au moins te protéger… Je veux pas te perdre, Jaz’, je veux pas que tu sois pris, alors je bougerai pas et on va t’aider. Dis-nous ce que tu comptais faire, on t’écoutera.

Il mourait d'envie de les insulter de tous les noms, pour le coup ! Se couvrir ? La bonne blague ! Laura ne maîtrisait pas bien son don, et, étant plus petite, ne courait pas vite, sans compter sa légendaire tendance à se prendre tous les obstacles sur son chemin sous l'effet de la panique ! Quand à Antoine, il se débrouillait bien, mais il n'était pas assez revendicatif pour oser blesser quelqu’un, même lorsqu'on le menaçait. Même chose pour Laura.

Laura – Je ne bougerai pas, je veux pas te perdre une seconde fois. Et puis, j'suis sûre qu'Antoine est d'accord avec moi ! Tout seul, t'y arriveras pas. La preuve, t'as pas réussi la dernière fois et ils t'ont enlevé... A trois, on pourra le sauver, mais tout seul, tu vas juste te faire prendre ! Moi, je suis petite, je peux me faufiler partout, toi tu as ton don plus développé et Antoine aussi, puis vous connaissez les souterrains à force d'avoir échafaudé des plans. Non ? Je veux pas rester les bras croisés pendant que vous risquez votre liberté ou pire...

Il poussa un profond soupir et lâcha dans un souffle, la voix dure.

- Je vais sûrement te vexer affreusement, mais tant pis. Ni toi ni Antoine ne saurez blesser quelqu'un de sang-froid, qu'on vous menace ou non ! Laura, si on te menace, JE devrais risquer ma vie pour TE sauver, et te laisser le temps de fuir, puis me faire prendre. A trois, on se fera bien plus facilement repérer que si je suis seul ! Tu as pensé à ça ? Tu maîtrises mal ton don, tu ne pourras me couvrir...

Il les regarda tous les deux tour à tour. Il les blessait sûrement, il en était désolé, mais il ne voulait pas qu'ils se mettent en danger avec lui. Disparaître tous les trois allait être utile en quoi ?

Laura – Alors je devrais rester les bras croisés et te regarder te faire prendre encore une fois ? Si tu te fais prendre et qu'on ne le sait pas, ou si tu ne réussis pas à revenir cette fois ?

- Si on se fait prendre tous les trois, on aura l'air encore plus crétins. De toute façon, on ne peut pas repartir en arrière. Mais si tu ne veux pas que je t'assomme et te laisse ici, promets-moi, jure-moi de t'enfuir si je te l'ordonne.

Laura – Parce que tu me laisses le choix ?

Il lui renvoya un regard noir qui valait tous les discours du monde.

Laura – Mais si je le promets et que tu me demandes de m'enfuir... Je dois faire quoi, moi ?

- Le mot fuir n'est pas assez clair pour toi ? répliqua-t-il, prodigieusement agacé.

Laura – Je vais pas bêtement m'enfuir et vous laisser comme ça ! Je pourrai rien faire pour vous aider, même en m'enfuyant ? Et Antoine ?

- Laura, merde, ce n'est ni le lieu ni le moment pour discuter ! Soit tu jures de suite, soit tu dégages d'ici, je dois te le dire en quelle langue ?! C'est toi qui a suivie, alors assume un peu tes choix ! Ce n'est pas un jeu !

Elle jurant en marmonnant et sans le regarder, avec une moue boudeuse. Parfait. Ils continuèrent leur progression, avançant millimètre par millimètre. Ils s'arrêtaient presque toutes les quatre secondes, au passage de soldats ou autres. Ils ignoraient totalement où était enfermé Dimitri. Et ce qui lui était arrivé. Jasper l'imaginait comme lui avait été. Allongé, sanglé sur une table sous une violente lumière blanche, drogué et endormi. Ou assis, menotté, questionné jusqu'à l'indigestion. Frappé, peut-être... Tout était possible. Il se crispa tout à coup, se pliant en deux, caché dans un couloir, et sa main se crispa sur le devant de sa chemise. Il retint une toux qui l'étrangla à moitié, pris d'un vertige. Cela passa assez vite, comme d'habitude. Ce genre de malaises lui arrivait régulièrement, depuis quelques temps.

- C'est bon, murmura-t-il à Antoine qui s'apprêtait à parler. C'est passé, comme les autres fois. Ce n'est pas grave.

Laura – Comme les autres fois ?!

- Ce n'est rien, petite sœur. Ça fait déjà un moment que ça dure, je n'en suis pas mort, c'est peut-être une grippe mal soignée.

Laura – Mais tu m'as rien dit ! Ça fait combien de temps ? Et... Et tu m'as rien dit ! si j'avais eu ça, moi aussi, tu m'aurais engueulée depuis longtemps !

- On s'engueulera plus tard, pense à Dimitri.

Laura – T'y échapperas pas. Je te laisserai pas te défiler cette fois, quoi qu'il arrive.

Il laissa passer et poursuivit. A un moment, alors qu'ils étaient profondément enfoncés dans les souterrains, le malaise le reprit. Sa tête lui tournait, il ne se sentait pas bien. Il se força à poursuivre, malgré tout. Ils avançaient plus vite, dans un espèce d'entrepôt noir et encombré. Jasper, prêt à vomir, trébucha tout à coup contre un paquet, le tissu se déchira, révélant un fauteuil roulant. Laura se précipita sur lui en lui demandant s'il allait bien. Il hocha la tête en se relevant.

Il reprit la tête du groupe, sortant de la pièce et tournant dans un couloir mieux éclairé. Puis, pris d'un vertige, bascula en avant. Et tomba directement dans les bras d'un militaire, accompagné de ses collègues. A moitié dans les vapes, il entendit des cris et quelqu'un qui le tenait, puis l'entraînait plus loin. Qu'est-ce qui se passait ? Il n'arrivait plus à bouger ou penser correctement, sentant qu'on le soutenait. Il s'évanouit pour de bon dans les secondes qui suivirent, le noir s'enveloppant.

Jasper – Je vais sûrement te vexer affreusement, mais tant pis. Ni toi ni Antoine ne saurez blesser quelqu'un de sang-froid, qu'on vous menace ou non ! Laura, si on te menace, JE devrais risquer ma vie pour TE sauver, et te laisser le temps de fuir, puis me faire prendre. A trois, on se fera bien plus facilement repérer que si je suis seul ! Tu as pensé à ça ? Tu maîtrises mal ton don, tu ne pourras me couvrir...

Heu… Oui, bon, là, Jasper marquait un point. Mais qu’était-elle censée faire, alors ? Le laisser se débrouiller tout seul, le laisser s’enfoncer tout seul alors qu’il était déjà fiché ici ? Non, non, non ! Elle ne le laisserait pas seul, elle ne voulait pas perdre son frère définitivement. Peut-être était-ce de l’égoïsme, mais elle ne voulait pas perdre la seule personne de sa famille qui lui restait.

Laura – Alors je devrais rester les bras croisés et te regarder te faire prendre encore une fois ? Si tu te fais prendre et qu'on ne le sait pas, ou si tu ne réussis pas à revenir cette fois ?

Jasper – Si on se fait prendre tous les trois, on aura l'air encore plus crétins. De toute façon, on ne peut pas repartir en arrière. Mais si tu ne veux pas que je t'assomme et te laisse ici, promets-moi, jure-moi de t'enfuir si je te l'ordonne.

Laura – Parce que tu me laisses le choix ?

Oups. Mauvaise question et mauvaise tactique. Jasper lui envoya un regard noir, lourd de conséquences, qui voulait tout dire. Bon, ok, ok, mais elle ignorait ce qu’elle devait faire si jamais ils se faisaient prendre.

Laura – Mais si je le promets et que tu me demandes de m'enfuir... Je dois faire quoi, moi ?

Jasper – Le mot fuir n'est pas assez clair pour toi ?

Laura – Je vais pas bêtement m'enfuir et vous laisser comme ça ! Je pourrai rien faire pour vous aider, même en m'enfuyant ? Et Antoine ?

Jasper – Laura, merde, ce n'est ni le lieu ni le moment pour discuter ! Soit tu jures de suite, soit tu dégages d'ici, je dois te le dire en quelle langue ?! C'est toi qui a suivie, alors assume un peu tes choix ! Ce n'est pas un jeu !

Parce qu’il pense vraiment qu’elle plaisante et que ce n’est qu’un jeu pour elle ?! Hallucinant littéralement, Laura jura en marmonnant et en refusant de regarder Jasper. Elle le détestait au plus haut point, étant profondément vexée par ce qu’il lui avait répondu. Il pensait sincèrement que tout cela n’était pas sérieux, pour elle ? Mais, vraiment ? Elle ne décrocha pas un mot du reste du trajet, se contentant de suivre simplement Antoine et Jasper de près. Ils ne la laissaient pas vraiment s’écarter d’eux, à vrai dire… Elle n’avait plus huit aaaaans, elle pouvait s’en sortir seule, aussi ! Elle avait réussi face au militaire, non ? Alors zut !

Ils continuaient à avancer, doucement, très doucement. Peut-être trop lentement, même. Et si Dimitri n’était pas là ? Et s’ils arrivaient trop tard ? Laura voulut les presser, mais Jasper se crispa, se plia en deux et porta sa main à son torse. Hein ? Quoi ? Mais qu’est-ce qu’il avait ?! Laura se précipita sur lui alors qu’il s’adressait à Antoine qui semblait prêt à parler, lui aussi.

Jasper – C'est bon. C'est passé, comme les autres fois. Ce n'est pas grave.

… Pardon ? Comme les autres fois ? Laura avait bien entendu, là ? Elle écarquilla les yeux, de plus en plus choquée, de plus en plus vexée, et de plus en plus furieuse. Mais me***, Jasper ! « Comme les autres fois »… Non mais vraiment ! Et il ne lui avait jamais rien dit ! Alors, lui, il pouvait l’engueuler lorsqu’elle se blessait ou se sentait mal, mais elle ne pouvait rien faire ? Mais bon sang, c’était du n’importe quoi, là ! Peut-être étaient-ils dans les souterrains, peut-être n’était-ce pas le bon moment, mais tant pis, c’en était trop. Furieuse, Laura lui lâcha :

Laura – Comme les autres fois ?!

Jasper – Ce n'est rien, petite sœur. Ça fait déjà un moment que ça dure, je n'en suis pas mort, c'est peut-être une grippe mal soignée.

Bien sûr. Une grippe mal soignée, il n’en était pas mort… Mais il ne lui avait rien dit pour autant ! Il souffrait ! Il venait de s’écrouler sous ses yeux, à moitié, et il osait encore dire que ce n’était rien ? Ah, là, il pouvait être sûr qu’elle n’allait pas le louper !

Laura – Mais tu m'as rien dit ! Ça fait combien de temps ? Et... Et tu m'as rien dit ! si j'avais eu ça, moi aussi, tu m'aurais engueulée depuis longtemps !

Jasper – On s'engueulera plus tard, pense à Dimitri.

Mouais. Dimitri, c’est vrai. Mais il n’allait pas s’en sortir comme cela, quoi qu’il arrive, elle lui tomberait dessus un jour ou l’autre.

Laura – T'y échapperas pas. Je te laisserai pas te défiler cette fois, quoi qu'il arrive.

Ils continuèrent à avancer, Laura ne cessant de regarder Jasper, plus inquiète que jamais. Au début, elle s’en voulait d’être venue, d’être un poids apparent pour lui et de risquer de le condamner par sa seule présence. Mais finalement, ils pouvaient le surveiller et veiller à ce qu’il reste debout en avançant. Il ne semblait pas être au mieux de sa forme et, le pire dans tout cela, était qu’il l’avait complètement caché à Laura. Si elle l’avait su, JAMAIS elle ne lui aurait demandé de sauver Dimitri. Jamais ! S’il lui sortait encore une seule fois qu’elle était fragile, qu’elle risquait d’être un boulet plus qu’autre chose, elle lui tomberait littéralement dessus et le collerait directement dans un lit à l’infirmerie. Ou à l’hôpital. Laura l’avait déjà fait, après tout.

Soudain, Jasper trébucha contre un tissu, un objet, pris d’un autre malaise apparemment. Dans sa chute, son frère avait dévoilé un fauteuil roulant, mais ce ne fut pas la première priorité de Laura. Elle s’était précipitée sur lui sans réfléchir, cherchant à savoir s’il allait bien, le maudissant intérieurement de tous les noms pour lui avoir caché cela. Punaise, Jasper ! Et il avait dit qu’il risquait de s’inquiéter si elle les trainait… Ouais, bah en attendant, c’était lui qui les faisait trainer, maintenant. Il hocha simplement la tête en se relevant, ne disant rien de plus. Et c’était tout ? Pas une excuse pour ne rien avoir dit, rien ? Pas un mot de plus ? Il était vraiment sérieux, là ? Laura ne retint même pas son soupir et leva les yeux au ciel, exaspérée, alors que son frère reprit la tête du groupe.

Ils sortirent de la pièce et arrivèrent dans un couloir mieux éclairé. Ensuite, tout s’enchaîna sans que Laura ne comprenne vraiment ce qui se passait. Jasper s’évanouit, tombant littéralement en arrière… dans les bras d’un militaire. QUOI ?! Laura hurla son prénom et se précipita sur lui mais trop tard, Antoine l’avait déjà attrapée et tirée vers lui. Ils coururent aussi vite que possible alors que les larmes lui montaient aux yeux. Il ne lui avait RIEN dit ! Rien dit ! Et puis, Antoine, pourquoi il n’avait pas prévenu Laura ? Il aurait pu lui dire pour les malaises, il aurait pu la prévenir lorsqu’elle était venue les trouver, il aurait pu la calmer et empêcher Jasper de faire une telle bêtise ! Maintenant, il était perdu, à nouveau dans les bras des militaires. Par leur faute. Ils arrivèrent enfin à la fin des souterrains et tombèrent… sur la Directrice. Sans réfléchir, Laura se précipita vers elle et lâcha tout, laissant les larmes couler à cause de la colère et la peur :

Laura – Ils ont Jasper ! Il… Il est tombé, il s’est évanoui dans les bras des militaires. Antoine m’a tirée et on est arrivé ici mais… Mais il faut l’aider ! Je veux pas qu’ils fassent d’autres trucs horribles sur mon frère !

Directrice – Calmez-vous, j’y vais.

Laura – Je veux venir ! Je veux pas qu’on le laisse seul… Il… C’est mon frère, je veux l’aider !

Et le massacrer, l’engueuler, le frapper, mais c’était un détail. La directrice ne répondit rien et avança. Bon, Laura prenait cela pour un oui. Elle suivit la directrice à son tour, restant très près d’Antoine malgré la légère colère qu’elle éprouvait à son encontre pour l’instant. Il aurait dû la prévenir ! Elle chuchota d’ailleurs, en le regardant alors qu’il avançait, sans attendre spécialement de réponse de sa part :

Laura – Tu aurais dû me prévenir.