Albert régla doucement ses jumelles, jusqu’à parvenir à une bonne précision, puis les pointa de nouveau vers le contrebas. Leur groupe étaient dissimulés en hauteur, dans des bois touffus de sapins et de hêtres, surplombant les routes entrelacées des montagnes et s’engouffrant parfois dans de petits tunnels. Le terrain ici était très escarpé, comme taillé à coups de hache par un dieu pressé. Les ravins arrivaient sans prévenir, il y avait parfois même de petits éboulements de pierre, sur les zones les plus instables. De très nombreuses routes, pourvues d’autant de points de contrôles, parsemaient le paysage montagneux. Ils se trouvaient à la frontière avec l’Italie, l’activité ici commençait à croître, de plus en plus, depuis les dernières mesures prises en commun avec ce pays, la France et l’Allemagne. Des convois de camions commençaient à arriver, chargés de lourds matériaux, d’autres partaient dans l’autre sens. Des convois exceptionnel, aussi, gorgés de matières devant servir pour la construction de ligne de chemins de fer ou de lignes téléphoniques. L’un d’entre eux passait, lentement, sous le tunnel, escorté par des motards de la gendarmerie.
Baissant les jumelles, le maréchal émit un faible sourire, en regardant leur première cible. Leur plan d’action était en place, ils avaient plusieurs unités très mobiles, chacun connaissant son objectif et les moyens précis de l’atteindre. Ils ne leur restaient plus qu’à passer à l’action. Se retournant, Albert revint vers l’un des véhicules stationnés dans les fourrés, puis déplia à nouveau sa carte contre le capot. Son adjoint lui donna rapidement le petit casque et le micro, la radio étant posée contre le siège avant, côté passager, fréquence déjà réglée. Mains contre le capot, de part et d’autre de la carte, il commença par contacter la première unité pour connaître leur position exacte et leur avancée. Un nouveau sourire satisfait lui vint lorsqu’il apprit que toutes les mines étaient en place et leurs hommes prêts à les déclencher. Il contacta ensuite l’unité numéro deux, qui elle allait déclencher une diversion, quinze kilomètres plus loin. Albert leur communiqua les dernières informations reçues sur le déplacement des troupes, dans leur secteur, puis leur ordonna de déplacer sur leur attaque à d’autres coordonnées, afin d’attirer leurs ennemis plus proches de la gorge de Sallah et les y piéger.
La troisième et dernière unité devait, quant à elle, profiter du chaos engendré par les deux premières pour attaquer un petit camp transitoire de prisonniers, parqués là en attendant d’être acheminés, en train, vers les camps de concentration, et les libérer. Eux aussi étaient en place. Certes moins bien armés, mais ils bénéficieront de l’effet de surprise et leurs adversaires ne pourront recevoir de renforts assez vite pour stopper la vague. Albert avait passé des jours à concevoir ce plan avec ces hommes, puis à faire amener leurs troupes ainsi que les armes dans la région, les mettre en place, préparer le terrain pour que les conditions leur soient favorables. Il avait prévu pour chacune des unités des moyens de repli, en cas de besoin, ainsi qu’un parcours sécurisé et de l’aide, pour les prisonniers du camp transitoire. Ces hommes et femmes seront pris en charge par le réseau et évacués vers en Italie, où des sympathisants les attendaient, dans des petits villages de montagne, pour les y cacher le temps que ça se calme. Ceux qui le voudront, ensuite, auront de l’aide pour quitter l’Europe.
– Équipe deux, engagez votre action.
Dès l’ordre donné, le combat éclatera. A compter de ce moment-là, la première unité avait très exactement dix minutes de répit avant de faire exploser les mines et la dynamite, quant à la troisième équipe, elle disposait de vingt minutes de délai avant d’attaquer à son tour.
Sujet: Guerre, s'en va-t-en guerre