Avril 1932. Les soucis mondiaux s'étendent.
 
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 Rester forts

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Albert J. Bradley
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Albert J. Bradley
MessageSujet: Rester forts   Rester forts EmptyJeu 28 Nov - 12:14

C’était une « simple » stèle. Sous un grand arbre près du mur d’enceinte, dans un coin tranquille, discret, de cet espace de verdure. Une stèle apposée hier, avec une cérémonie d’hommage, qui comportait tous les noms des disparus durant la bataille du QG. Une stèle de pierre grise, légèrement mouchetée, avec tous ces noms gravés. Albert était agenouillé devant, dans l’herbe, couvert d’un simple manteau mais il ne sentait plus le froid. Il déposa un bouquet de fleurs blanches devant la stèle, semblant absent, comme si son esprit était parti très loin d’ici. Durant chaque « temps mort », il y avait cette période de latence, où la réalité devenait trop pesante, beaucoup trop lourde pour être supportée sans peine. C’était le moment où on réalisait ce qui arrivait. L’instant où tout vous retombait dessus et vous écrasait. Il était lui aussi Humain et certaines peines ne pouvaient être acceptées facilement. Ses yeux le brûlèrent avant qu’enfin, les larmes ne se mettent à couler. Il restait accroché au nom de Stéphane, gravé dans la pierre, toujours furieux de n’avoir pas pu récupérer son corps et malade de le savoir parti.

Un nom gravé sur une stèle. C’était tout ce qu’il restait. Avec les souvenirs. Putain de guerre.

Ce fut plus par automatisme qu’il se releva que par volonté. Les multiples chocs reçus durant la Grande Guerre puis durant les années suivantes l’avaient conditionné à ne pas s’effondrer pour de bon. Il resta un moment à pleurer devant cette stèle, debout et un peu hébété, avant que les larmes ne cessent peu à peu de couler. Au revoir, vieux frère. Au revoir, en attendant de se revoir là-haut. De revoir tout le monde. Jamais Albert n’avait autant ressenti le poids écrasant de la solitude. Tous les membres de son ancienne unité étaient morts, désormais… Tués durant la Grande Guerre, morts de leurs blessures à la suite du conflit, suicides, pour quelques uns, qui ne supportaient plus l’existence après l’enfer des tranchées. Stéphane, son meilleur ami, dernier de leur groupe avec lui, les avaient finalement rejoints. Au revoir… Larmes taries, il se détourna lentement, sentant comme si son coeur était devenu très lourd, comme si une gigantesque chape de plomb s’était greffée contre lui. Il ne voyait même plus les enfants qui courraient, dehors, l’esprit trop occupé par ses trop nombreux fantômes personnels.

Il se rendit à l’infirmerie, maintenant très bien remplie. Les civils évacués avant la bataille venaient rendre visite à leurs collègues blessés, s’occuper d’eux, leur remonter un peu le moral s’ils le pouvaient. Albert prit une petite chaise et s’assit aux côtés de sa consœur de combat. Sans rien dire pour le moment. Les paroles creuses de réconfort, vides de sens, qu’il entendait dans cette salle le mettaient plus en colère qu’autre chose. A quoi ça servait ?! Il n’y avait que le temps qui pouvait apaiser certaines blessures, alors à quoi bon bercer de stupides mots doux ou il ne savait quoi encore ? C’était idiot. Il attrapa la main de sa collègue et la serra fermement, toujours sans rien dire, durant un long moment. Ce n’était pas terminé, quoi qu’il arrive. Il était normal de perdre une bataille, mais ils n’avaient pas perdu la guerre.

– Vous aurez de quoi faire, ici, en attendant votre rétablissement et l’accouchement. Vous pouvez mener à distance les missions spécifiques des élémentaires. Pour ma part, je reste sur le terrain. Rien n’est terminé.
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Gabriella de Lizeux
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Gabriella de Lizeux
MessageSujet: Re: Rester forts   Rester forts EmptyDim 8 Déc - 11:03

Ce fut le bruit dans la salle qui réveilla une nouvelle fois Gabriella, alors qu’elle essayait encore de dormir un peu, préférant de loin, pour le moment en tout cas, le sommeil lourd à la réalité. Les blessés recevaient de la visite… Emma, réveillée elle aussi, lâcha un petit grognement mécontent lorsqu’une de leurs collègues se pencha sur elle avec un grand sourire, en lui déclarant être heureuse de la revoir bien vivante. Et puisque le grognement était visiblement trop subtil, le niveau des conversations augmenta encore, réveillant les derniers encore plongés dans un sommeil plus ou moins réparateur. L’attention était peut-être très gentille, pour autant, Gabriella, comme beaucoup ici sans doute, avait juste envie d’avoir la paix. De ne surtout pas entendre des conneries du style « Tout ira bien, ça va aller, ils sont au ciel », ce qui fleurissait déjà partout dans la salle. Elle se retourna sur le côté, une main contre elle, l’autre sous la couverture, contre son ventre.Ce bébé ne connaîtra même jamais son père… Les larmes montèrent, puis stoppèrent presque aussitôt. Trop épuisée pour pleurer, peut-être. Ou trop lassée, déjà…

Une dizaine de minutes plus tard, elle reçut finalement une visite, Bradley. Au moins, avec lui, elle savait qu’il ne lui dira rien de stupide, c’est pourquoi elle ne dit rien lorsqu’il vint s’asseoir à côté de son lit. Il lui prit sa main libre et la serra, là encore sans qu’elle ne fasse rien pour l’en empêcher. Silencieuse, tout comme lui. Maintenant plus réveillée, elle repensait à la bataille, à la façon dont tout aurait pu se dérouler… d’une autre façon. Si c’était possible. Ou non ? Ils avaient au moins pu détruire les listes d’élèves, le gouvernement ne saura jamais quels enfants se trouvaient dans le QG avant qu’il ne soit détruit. Ils avaient aussi le temps de détruire les plans et tout ce qui aurait pu compromettre la rébellion. C’était l’essentiel. Au prix de tant de vies. Elle serra plus fort la main qui la tenait, alors qu’un vertige lui soulevait le cœur. Paul était mort, Auguste était mort, beaucoup de leurs collègues et amis étaient morts. Ils étaient là, maintenant, à vivre avec ça. Elle n’était même pas auprès d’Auguste, lorsqu’on lui avait arraché la vie ! Il était mort seul… Comme ça… Et elle n’avait rien pu faire contre.

– Vous aurez de quoi faire, ici, en attendant votre rétablissement et l’accouchement. Vous pouvez mener à distance les missions spécifiques des élémentaires. Pour ma part, je reste sur le terrain. Rien n’est terminé.

Oui… Elle hocha faiblement la tête, puis s’efforça ensuite de se redresser, contre l’oreiller derrière elle. Un peu plus loin dans la salle, un des médecins poussa tout à coup un petit cri et commença à lui dire de ne pas bouger. Gabriella l’ignora complètement, sachant très bien qu’elle ne pouvait de toute façon pas encore tenir debout seule. D’ici quelques jours, peut-être, on verra bien. Une fois mieux assise, elle respira plus profondément, histoire de ne pas se laisser déborder par ses émotions.

– Il n’y a vraiment aucun moyen de récupérer tous les corps ?

La question, à peine soufflée, était un mélange entre résignation et espoir. Elle tourna la tête vers Bradley, une ou deux larmes commençant enfin à couler. Évidemment, elle savait très bien que l’endroit était sous surveillance, encore, ne serait-ce que le temps qu’il soit fouillé par leurs adversaires. Fouiller ce qu’il en restait, en tout cas. Et même si ce n’était rien, au mieux un simple geste, elle supportait mal l’idée que leurs leurs compagnons gisent là-bas, sans tombes, à la merci des éléments, des insectes et du temps. Tout le monde méritait une sépulture, même leurs ennemis. Depuis le début de cette guerre, ils avaient toujours pu enterrer leurs morts, même dans des conditions sommaires, même si ceux qui étaient tombés n’étaient pas dans leurs propres rangs.

– J’ignore encore comment organiser ça, mais avec l’élément terre, creuser des tombes ne prendra que très peu de temps pour chacun. Il ne sera pas non plus nécessaire de déployer les grands moyens, nous pourrions les enterrer dans les forêts et les collines, autour du QG. Au moins, ils auraient un endroit digne où reposer.
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Albert J. Bradley
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Albert J. Bradley
MessageSujet: Re: Rester forts   Rester forts EmptySam 28 Déc - 11:24

Ce n’était pas terminé, non, ils avaient perdu une bataille mais pas la guerre. S’ils abandonnaient maintenant, ce serait comme cracher avec mépris sur la mémoire de tous ceux ayant perdu la vie durant cette attaque. Pourtant, malgré toute sa résolution, Albert avait encore du mal à se redresser complètement. Lorsqu’il sera de nouveau dans le feu de l’action, sous le sifflement des balles, là, oui… Mais pour le moment, non, il ne parvenait pas encore à accepter. Stéphane était mort… Mort, mort, bon sang, il était mort ! Il tendit son autre main pour aider sa consœur à se redresser contre les oreillers, qu’elle puisse se mettre assise, ignorant lui aussi le commentaire d’un des médecins non loin d’eux. La ferme, merci bien ! Puisqu’ils étaient en vie, autant bouger, même si ce n’était que faiblement. Au contraire, chers médecins, ressentir la douleur aidait à bien se rappeler ça, qu’ils étaient bel et bien encore vivants. Que la Terre continuait de tourner, que toute la peine du monde n’empêchait pas la vie de se poursuivre. Il reposa la main contre la couverture, la serrant comme un étau. Stéphane…

– Il n’y a vraiment aucun moyen de récupérer tous les corps ?

– Je ne sais pas…

Il le voulait, lui aussi, ardemment, pourtant, il savait aussi que dans leur situation, ils ne pouvaient pas tout se permettre. Gabriella avait laissé couler quelques larmes, aussi pâle que lui, ce n’était que renforcé par la couleur blanche des draps et de l’oreiller. Albert lui reprit la main, cette fois-ci, même s’il ne l’avouera, plus pour se réconforter un peu lui-même. Ils avaient tous les deux été ennemis, s’étaient échangés des coups violents et vicieux, ils avaient mis du temps à se faire confiance, par la forcé des choses, en étant finalement plongé dans la même galère. Et aujourd’hui, il la considérait comme une amie. Une amitié forgée après la guerre, la seule, maintenant qu’il y pensait, car jusque là, il n’avait plus lié aucune amitié, avec personne, ne restant qu’avec les membres de son unité, de la Grande Guerre. Stéphane les ayant quitté, Gabriella restait la dernière amie lui restant. Bradley ne voulait pas se lier à d’autres, la douleur était trop forte lorsque ces personnes mourraient… Il aurait voulu pleurer, encore. Au moins un peu. Ça ne servirait à rien…

– J’ignore encore comment organiser ça, mais avec l’élément terre, creuser des tombes ne prendra que très peu de temps pour chacun. Il ne sera pas non plus nécessaire de déployer les grands moyens, nous pourrions les enterrer dans les forêts et les collines, autour du QG. Au moins, ils auraient un endroit digne où reposer.

– Tant que l’endroit restera si surveillé, nous ne pouvons pas nous le permettre. Moi aussi, je le souhaite plus que tout, mais nous pouvons pas nous laisser avoir par les regrets ou le sentimentalisme. C’est affreux mais c’est comme ça. Je suis désolé pour les disparus…

Mais ils ne pouvaient pas y retourner. Pas maintenant. Et lorsqu’ils le pourront enfin, il sera sans nul doute déjà trop tard. Les éléments naturels, les insectes, les animaux… Il ne restera déjà plus grand-chose des corps. A la merci de la pluie, voire des dégradations commises par leurs ennemis sur place, les corps se décomposeront assez vite. D’ici quelques mois, il ne restera déjà plus grand-chose à enterrer. Des os, peut-être… Y songer le rendait aussi malade qu’elle, il ne supportait pas l’idée que Stéphane puisse rester ainsi, sans sépulture, sans rien.

– Nous devons nous occuper des vivants, avant tout. Le gouvernement pense sans doute nous avoir abattu pour de bon. Ce n’est pas fini. Je vais rester un peu, le temps de réorganiser certaines choses et planifier nos prochains actes. De ton côté, contente-toi de reprendre des forces, pour le moment. Tu n’a pas perdu ton bébé, c’est une chance infernale, mais mieux vaut que tu restes à l’abri toute la durée de ta grossesse. Inutile de sous-estimer le nombre de personnes qui veulent ta mort. Nous devons aussi penser à nous rapprocher des cellules de résistance des autres pays d’Europe.
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Gabriella de Lizeux
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MessageSujet: Re: Rester forts   Rester forts EmptyMar 21 Jan - 19:27

Sentimentalisme… Oui, peut-être, sans doute, oui, mais… Gabriella rouvrit la bouche pour protester, argumenter, reprendre depuis le début, puis laissa tomber avant même qu’un seul mot ne sorte de sa bouche. Il avait raison, elle le savait très bien… L’idée de les laisser là-bas, pourtant, lui soulevait le cœur. A ses yeux, c’était comme une trahison, pure et simple. Même si, finalement, ce n’était plus « que des corps ». C’était tout. Si on voulait rester pragmatique, ce n’était plus que ça. Reniflant, elle tendit son autre bras, encore tremblante, sur la gauche pour prendre un nouveau paquet de mouchoirs. Chaque mouvement manquait de lui arracher des grimaces de douleur, pourtant, elle en était contente, dans le fond. Ça voulait dire qu’elle était toujours en vie, ressentir la douleur physique permettait d’écarter un instant la douleur mentale. Se mouchant un peu, elle fit signe à Bradley qu’il pouvait en prendre un, lui aussi, s’il voulait. Le voir les larmes aux yeux ne la choquait pas et elle se fichait de pleurer devant lui. Qui allait leur en faire la remarque, de toute façon ?

– Nous devons nous occuper des vivants, avant tout. Le gouvernement pense sans doute nous avoir abattu pour de bon. Ce n’est pas fini. Je vais rester un peu, le temps de réorganiser certaines choses et planifier nos prochains actes. De ton côté, contente-toi de reprendre des forces, pour le moment. Tu n’as pas perdu ton bébé, c’est une chance infernale, mais mieux vaut que tu restes à l’abri toute la durée de ta grossesse. Inutile de sous-estimer le nombre de personnes qui veulent ta mort. Nous devons aussi penser à nous rapprocher des cellules de résistance des autres pays d’Europe.

C’est vrai, sa plus grande peur avait été évitée, même si ce n’était que de justesse. Elle glissa main libre contre son ventre gonflé, par-dessus la couverture, silencieuse un instant. Cet enfant ne connaîtra jamais son père… Que devra-t-elle lui dire, lorsqu’il sera plus grand et en âge de comprendre, comment lui expliquer pourquoi son père était mort ? Sentant qu’elle était très proche de sombrer dans une crise de nerfs, elle prit une profonde inspiration, se concentrant sur autre chose pour ne pas se laisser déborder. Il y a encore quelques mois, elle aurait eu du mal à accepter de rester gentiment au lit, à se reposer et se remettre de ses blessures, aujourd’hui, elle en comprenait la nécessité. Le fait de pouvoir tout de même agir même en ne partant plus directement sur le terrain durant quelques mois aidait beaucoup aussi, il fallait bien l’avouer.

– Je n’ai pas envie de réfléchir au nombre de personnes qui veulent me voir morte, soupira-t-elle. J’ai compris, de toute façon, je resterai ici le temps qu’il faut, tant que ça ne m’empêche pas d’agir… Dès que je pourrai sortir du lit, ça ira déjà mieux. Pour ce qui est des autres cellules de Résistance en Europe, il y avait déjà quelques contacts, qui ont été noués, lointains mais tout de même.

Elle pensait surtout à cet Anglais, là… Mince, c’était quoi son nom, déjà… Le type qui avait aidé les dix réfugiés de Calais à fuir avant l’arrivée de la police, Bradley devait bien se souvenir, non ? Elle lui posa la question, profitant de ce court moment de répit pour essuyer ses larmes. On pourrait lui reprocher de ne penser qu’à la guerre en permanence, mais au moins, ça l’aidait à avancer, à ne pas bêtement s’écrouler en larmes dans son lit et être parfaitement inutile. Il y avait cet Anglais, mais aussi l’ex-directeur de l’école élémentaire d’Autriche. École fermée, elle aussi, peu de temps avant que de leur côté, en France, l’ancien pensionnat Ste Famille ne commence à s’effondrer sur lui-même. Cette école avait beau avoir été une bonne partie de sa vie, lui avoir été très chère, Gabriella n’éprouvait plus rien aujourd’hui, en la sachant démolie. Ce n’était plus qu’une ombre du passé et il fallait que ça reste ainsi, pour qu’ils puissent avancer. Tous ensemble. Après tout, ce n’étaient, en plus, que des bâtiments. Ils étaient remplaçables. Alors que les personnes qu’on perdait…

– Mais toi, ça va aller ? murmura-t-elle plus bas, pour qu’on ne les entende pas. Pour tenir ?
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Albert J. Bradley
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MessageSujet: Re: Rester forts   Rester forts EmptySam 25 Jan - 21:59

Elle avait sans doute raison, mieux valait ne pas trop réfléchir à tout ça, on finissait par en devenir complètement fou, sinon. Bradley hocha faiblement la tête, se redressant un peu sans lui lâcher la main. Il avait appuyé son autre bras contre le bord du lit, pour se tenir, tout en discutant travail avec elle. Même s’il faisait un effort, en extérieur, pour rester droit et debout, il avait tout de même l’impression de porter un immense poids sur les épaules. Il avait beau dire, faire tous les efforts possibles, continuer à avancer était presque une torture… Il aurait voulu… Il ne savait pas… S’effondrer au sol, se rouler en position fœtale dans un coin, pleurer durant des heures sur la cruauté du monde. S’effondrer, au moins pour quelques heures, mais il ne pouvait pas. Si eux, les leaders de cette rébellion, s’écroulaient, comment inspirer confiance, comment renforcer le moral de tous et les inciter à poursuivre ? Il n’avait pas le droit, ni elle d’ailleurs, de juste tout laisser tomber et se laisser aller à pleurer dans un coin. Et pourtant… Il ne voulait que ça, là, de suite. Juste ça, c’est tout.

– Mais toi, ça va aller ? murmura-t-elle plus bas, pour qu’on ne les entende pas. Pour tenir ?

– Pas le choix.

Il lui serra la main un peu plus fort, tête baissée. Pour la toute première fois, depuis le début de conflit, il avait vraiment envie de tout abandonner, de laisser tomber… De laisser les choses à un autre, de confier les responsabilités et ce mouvement à un autre homme, à quelqu’un qui sera capable de les assumer, pour ensuite disparaître il ne savait où. Il avait vraiment envie de partir, très loin, le plus loin possible, sans regarder en arrière. De se dire qu’il n’avait plus besoin de s’impliquer, qu’un autre saura gérer la situation. Tout en sachant très bien qu’il ne pouvait pas se le permettre. Il finit par la regarder, plus en face, commençant à parler d’un ton toujours très bas. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait besoin de le dire. Le dire à elle, spécifiquement. Parce qu’il savait que peu de personnes pouvait comprendre pleinement ce genre de sentiments et qu’il fallait pourtant les ressortir, d’une façon ou d’une autre.

– Je dirigeais des hommes, parfois beaucoup d’hommes, dans les tranchées. On noue des liens puissants, durant les conflits, la guerre. Je me suis sincèrement attaché à beaucoup de ceux que j’ai dirigé. Beaucoup sont morts dans les tranchées. D’autres sont morts après la guerre… Certains de leurs blessures, certains par le suicide. Ils ne supportaient plus la vie ni de ce qui a suivi leur retour chez eux. Le déni du pays. Le refus d’en parler, aussi. Stéphane était le dernier membre de notre ancienne unité.

Il avait tout donné à son pays et voilà comment ce pays l’avait remercié. Le dégoût et la colère étaient au moins aussi forts que la peine. Bradley baissa à nouveau la tête, serrant le poing, les yeux brûlants, sans que les larmes ne coulent.

– Pendant la guerre, j’ai souvent rêvé de m’enfuir, me retrouver loin de tout ça. J’ai eu si peur… Mais nous étions tous dans ce cas, on s’entraidait. On finissait par réaliser que les types en face crevaient de peur autant que nous. Rien n’avait de sens. On ne savait même pas pourquoi on se battait vraiment. Mais aujourd’hui, même si la mort arrive partout, au moins… Je sais pourquoi il faut combattre. Il faut bien tenir.

Ce serait cracher sur la mémoire de son ami d’oublier ça, se laisser aller ou abandonner. Donc oui, ça ira, il tiendra. Il fera tout pour tenir. Il avait tenu durant la Grande Guerre, les obus, le gaz moutarde et les mitraillettes n’avaient pas réussi à l’achever, ce n’était pas cette guerre civile qui le fera. Même si son corps tombait, ce sera sans que son esprit ait plié, il en faisait le serment.

– Je tiendrai, je te le promets. Repose-toi, pour le moment, compte sur moi le temps qu’il faudra. Sur nous tous.
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Récits : 1453

Âge RPG : 34 ans
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Gabriella de Lizeux
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MessageSujet: Re: Rester forts   Rester forts EmptyDim 1 Mar - 14:44

Pas le choix, peut-être, mais ça n’empêchait pas qu’il pouvait se sentir tout de même très mal et ait besoin de se reposer, de se confier à quelqu’un, voire de pleurer un peu. Ici, il pouvait se le permettre ! Car les hommes et femmes qu’il dirigeait étaient loin, ils ne pouvaient pas le voir. Face à ceux qu’on devait mener, en revanche, il était tout simplement hors de question de se laisser aller, de pleurer, de montrer qu’on était épuisé, qu’on avait mal ou elle ne savait quoi encore. Comme guider correctement des troupes et les encourager si elle voyait que vous-même était mal ? Gabriella baissa un instant le regard sur leurs doigts entremêlés, puis sur le visage d’Albert, son regard de plus plus sombre, avec des cernes aussi noirs et marqués. Il avait perdu du poids, elle le voyait bien, lorsqu’il était si près. Comme si la mort de son meilleur ami l’avait fait « fondre » violemment, en à peine quelques jours. Elle ignorait quelle allure elle-même avait et ne voulait pas non plus s’en soucier. Tous les résistants étaient déjà brisés par la tension et la fatigue, et pourtant, ils devaient tous poursuivre.

– Je dirigeais des hommes, parfois beaucoup d’hommes, dans les tranchées. On noue des liens puissants, durant les conflits, la guerre. Je me suis sincèrement attaché à beaucoup de ceux que j’ai dirigé. Beaucoup sont morts dans les tranchées. D’autres sont morts après la guerre… Certains de leurs blessures, certains par le suicide. Ils ne supportaient plus la vie ni de ce qui a suivi leur retour chez eux. Le déni du pays. Le refus d’en parler, aussi. Stéphane était le dernier membre de notre ancienne unité.

Le dernier… Absolument le dernier ? Désolée pour lui, elle n’osa cependant pas lui parler ou l’interrompre, pas même pour un mot de réconfort, qui aurait sonné creux. Elle se contenta de lui tenir la main, avec force, en attendant qu’il reprenne. Jusqu’alors, elle ne s’était pas imaginé qu’il y avait un tel lien entre les deux hommes. Évidemment, elle s’était bien aperçue, il y a un bon moment, que les deux hommes étaient très proches, mais jamais elle n’avait interrogé Albert ou Stéphane sur le sujet. Ça lui faisait réaliser à quel point son confrère devait se sentir extrêmement mal, en ce moment précis, même s’il n’arrivait pas à relâcher ses larmes.

– Pendant la guerre, j’ai souvent rêvé de m’enfuir, me retrouver loin de tout ça. J’ai eu si peur… Mais nous étions tous dans ce cas, on s’entraidait. On finissait par réaliser que les types en face crevaient de peur autant que nous. Rien n’avait de sens. On ne savait même pas pourquoi on se battait vraiment. Mais aujourd’hui, même si la mort arrive partout, au moins… Je sais pourquoi il faut combattre. Il faut bien tenir.

– Je le comprends…

Elle avait murmuré, par peur tout de même que quelqu’un dans l’infirmerie ne les écoute, ou ne les entende simplement au passage. Il y avait beaucoup de monde, pas mal de passages avec les religieuses venues aider à installer les blessés, soigner les plaies, distribuer des anti-douleur ou bien préparer d’autres lits, emmener des couvertures. Elle se remit un peu mieux, aussi, à moitié allongée sur le côté, pour soulager ses blessures mais aussi ne pas appuyer contre son ventre. Tout son corps la tirait affreusement, elle étant tant couverte de bandage qu’on aurait dit une momie vivante. A force, on s’habituait à tout, même à la douleur et aux diverses blessures subies, mais ça n’en restait pas très inconfortable et dérangeant, lorsqu’on devait se reposer. Le médecin lui avait signifié qu’il faudra au moins un bon mois avant que les plaies ne soient assez bien cicatrisées et qu’elle puisse reprendre un rythme de vie à peu près ordinaire. Ils avaient accès à de bons soins, au moins, ça changeait beaucoup du quartier général. Ici, peut-être auraient-ils pu éviter le décès de Paul… Sa gorge se serra très brutalement et elle s’efforça de se reprendre, aussitôt, pour ne pas en rajouter à une ambiance déjà pesante.

– Je tiendrai, je te le promets. Repose-toi, pour le moment, compte sur moi le temps qu’il faudra. Sur nous tous.

Oui… Merci. Elle lui sourit, avec les larmes aux yeux, certes, mais pu lui sourire quand même. Elle comptait sur lui et sur tous ceux qui avaient accepté de les suivre, c’était certain. Dès qu’elle le pourra, elle retrouvera le terrain. D’ici là, il lui faudra de la patience…
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