Avril 1932. Les soucis mondiaux s'étendent.
 
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 Play with me

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MessageSujet: Play with me   Play with me EmptySam 25 Juin - 18:17

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Le jour, il ne faut pas être vu, le jour, on vous regardait sans vous voir, le soleil vous dissimulait, vous n'étiez plus rien. Il était bien rare qu'Emilie sorte le jour, car elle était blottie au fond de son cercueil, en position fœtale, enfoncée et presque transparente, dans les restes de son propre corps. Ce tombeau était sa maison et le dernier endroit où elle était encore à l'abri du monde, personne ne pouvait plus venir ici et la toucher, on ne pouvait pas lui faire du mal. Le jour, il y avait toujours tant de personnes qui criaient contre elle ou avaient peur, des personnes qu'elle ne voulait pas rencontrer. Leurs regards étaient cruels, ils la jugeaient, ils étaient effrayés, elle ne voulait pas les approcher. Les gens étaient méchants. Ils avaient toujours peur et ne voulaient pas approcher, la rejetant même dans la mort. C'était le soir venu ou la nuit qu'il fallait sortir. Oui, la nuit, la nuit était plus belle et protectrice, c'était la nuit qui leur tendait les bras. Tout comme l'obscurité de sa tombe lui offrait une protection en journée, la nuit la préservait et la recouvrait, comme les bras d'une mère tenant son enfant.

– Il fait froid, murmura-t-elle en sortant de sa tombe.

Elle quitta le cimetière en regardant les étoiles se lever, marchant dans le village endormi, où aucune lumière ne brillait plus. Ou plutôt si. Une petite lumière, à un immeuble, là-haut. Emilie s'approcha sur la place déserte et leva la tête pour regarder. Au bout d'un long moment, la fenêtre avec la lumière s'ouvrit un un petit garçon de son âge ou aux environs fit son apparition. Elle lui rendit son regard, debout sans bouger. Elle attendit et il disparu d'un seul coup, la lumière fut éteinte. Emilie se retrouva à nouveau seule, le regard éteint, enfant immatérielle, avec la pâleur de la mort, isolée. Elle était prête à repartir lorsque la porte de l'immeuble s'ouvrit et que le petit garçon apparu, habillé à la hâte avec des chaussures mal attachées. Il arriva vers elle, Emilie le regardant venir sans bouger, avec son expression absolument vide et son regard où ne brillait plus aucune lueur depuis bien des années. Il faisait la même taille qu'elle, mais il devait être plus jeune. Il lui demanda qui elle était et elle répondit "Emilie". Juste ça, son prénom, Emilie. Son nom de famille n'avait aucune importance. Il ne comptait plus dans sa vie et comptait encore moins dans la mort. Il annonça s'appeler Lucas.

– Tu joues avec moi ?

Il hésita, regardant l'immeuble derrière lui, puis hocha la tête et sourit. Ils commencèrent à se poursuivre en courant sur la place du village puis dans les rues, essayant de se rattraper l'un et l'autre, Emilie ne flottant pas mais se "servant" ses deux jambes, comme si elle pouvait encore vraiment toucher le sol ou les objets. Il courait vite, bien plus vite qu'elle, mais l'attendait lorsqu'elle était distancée. Ils s'amusèrent un long moment dans le village puis s'en éloignèrent, allant sur les chemins de campagne. Ils s'étaient beaucoup rapprochés de la caserne, sans être encore vus. Ils étaient petits et ne faisaient pas trop de bruit. Emilie s'arrêta finalement au bord d'un ruisseau, regardant une petite prairie, sous la lueur de la lune. On pouvait voir la silhouette du grand lycée où l'armée avait installé son hôpital, il y a dix ans. C'était tout là-bas, on voyait bien d'ici. Elle tendit le bras pour le montrer à Lucas, les yeux éteints.

– Là-bas, il y a un hôpital, avec beaucoup de personnes enfermées. Je les ai vues. Je suis morte là-bas. Il y a des adultes mauvais.

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MessageSujet: Re: Play with me   Play with me EmptyDim 26 Juin - 11:51

Il était déjà tard lorsque Lucas se redressa dans son lit, tendant la main pour allumer la lampe de chevet, presque minuit. Sa sœur et Cyprien s'étaient couchés depuis plus d'une heure, dans leur chambre au bout du couloir, il n'y avait plus un bruit dans la maison. S'asseyant dans son lit, il reprit la petite lettre qu'Alexis lui avait laissé et qu'on venait de trouver, où il lui disait au revoir. Une lettre un peu froissée tant Lucas l'avait lue et relue, gardé contre son cœur pour s'endormir. Il repoussa les couvertures et lu encore ce mot d'adieu, le cœur bien lourd. C'était fini, il ne reviendra pas. Lucas se frotta un peu les yeux, reposant la la lettre, à genoux dans son lit. S'appuyant contre la fenêtre à côté, il vit alors une faible lueur un peu étrange sur la place du village, tout en bas. Ouvrant la fenêtre, il se pencha pour mieux regarder, voyant alors une petite fille pâle, transparente, presque translucide, qui le regardait. Lucas en resta bouche bée, puis comprit qui elle était. Il referma aussitôt la fenêtre et s'habilla en toute hâte, enfilant ses chaussures et éteignant la lumière. Il pensait que c'était elle, la petite fille disparue l'année dernière, c'était sûrement elle.

Lucas quitta sa chambre sans faire de bruits, marchant à pas de loups dans le couloir puis attrapant une des clés de l'appartement avec lenteur, sortant ensuite. Il referma derrière lui puis descendit les escaliers, quittant l'immeuble pour arriver sur la petite place du village. La fillette-fantôme était toujours là, le regard étrangement vide et éteint. Les fantômes existaient ! Et ils n'étaient en rien des monstres avec de longues dents et des linceuls couverts de sang, comme dans les contes. Cette fille était de son âge, vêtue normalement, rien ne la différenciait des autres sinon cette immatérialité et son regard vide. Il vint vers elle, craignant un instant qu'elle ne disparaisse, mais non, elle resta là à le regarder approcher. Le cœur battant très vite, il lui demanda son prénom, ce qui lui confirma qu'il s'agissait bel et bien d'Emilie. La petite fille morte à cause de l'armée, c'était bien elle... Elle était là, toute seule la nuit, dans ce village, c'était triste. Il lui donna son prénom en retour, regrettant de ne pas pouvoir lui serrer la main. Elle vivait toujours seule ? Personne n'était là pour la réconforter ?

– Tu joues avec moi ?

Heu... Il avait le droit ? Il regarda derrière lui, l'immeuble toujours très calme, puis se retourna finalement vers elle, hochant la tête avec un sourire. Il ne pouvait pas dormir et il n'avait pas envie de la laisser encore toute seule cette nuit, donc oui, ils pouvaient jouer. Ils se lancèrent dans un jeu dans le village, se courant après pour jouer à chat, d'abord sur la place puis dans les rues annexes. Quelques échos de leurs rires d'enfants résonnant dans les rues vides et très silencieuses, échos flottant parfois jusqu'aux personnes endormies et qui pensaient rêver. Il l'attendait parfois parce qu'elle allait moins vite, filant ensuite à ses côtés sur les chemins de campagne qui partaient en-dehors du village. Ils entendaient le bruit de plusieurs animaux ou insectes nocturnes, parfois le cri d'une chouette ou d'un hibou, occupés à chasser des rongeurs. La lune et les étoiles éclairaient leur chemin, la nuit était encore claire. Ils s'arrêtèrent enfin de courir sous l'ombre des arbres, dans un coin de forêt, près d'un ruisseau coulant faiblement. Lucas stoppa près d'Emilie, regardant la prairie s'étendant devant eux et plusieurs bâtiments, au loin, derrière un grand mur. C'était un château ou un manoir ? La petite fille tendit le bras pour les lui montrer, alors qu'il s'approchait un peu du ruisseau.

– Là-bas, il y a un hôpital, avec beaucoup de personnes enfermées. Je les ai vues. Je suis morte là-bas. Il y a des adultes mauvais.

– C'est un hôpital ? Pour l'armée ? J'ai entendu des enfants à l'école dire que personne n'y allait jamais et que c'était abandonné. Dangereux, en plus, car le plafond pourrait s'écrouler, comme les murs.

Il se haussa sur la pointe des pieds pour mieux regarder, essayant de discerner s'il y avait des lumières ou des véhicules, par exemple, quelque chose qui prouve qu'il y avait bien du monde là-bas. Au pire, si c'était vraiment abandonné, ils ne risquaient rien à s'en approcher. Et si ce n'était pas le cas, ça valait le coup d'aller voir. Il ne pensait pas qu'Emilie pouvait mentir, au fond... Il la regarda puis lui demanda s'ils pouvaient s'approcher, aller voir de plus près. Elle hocha la tête et ils reprirent leur petite course dans la prairie puis au fond des bois. Un renard s'enfuit brusquement à leur passage mais ils entendaient des animaux plus gros, non loin. Il fallut assez longtemps pour approcher de la haute enceinte de pierre, entourant le parc et ses bâtiments. Lucas leva le nez, la muraille étant trop haute pour qu'il envisage de grimper et voir un peu ce qu'il y avait derrière. Emilie lui fit signe de la suivre et ils longèrent le mur sur presque deux cents mètres avant de s'arrêter. Il y avait un tout petit trou, à peine assez grand pour qu'un tout jeune enfant puisse s'y glisser. Emilie traversa la mur sans problème et lui tâcha de ramper dans le trou. Il crut un moment rester coincer puis parvint enfin à passer de l'autre côté.

Se relevant, il frotta un peu la terre de ses habits puis suivit la silhouette fantomatique d'Emilie, passant d'abord dans un bosquet. S'agenouillant avec elle dans un très gros buisson, il observa les lieux avec plus d'attention. Il y avait bien des lumières de temps à autre et des voitures garées près des bâtiments, c'était habité. Il regarda Emilie puis de nouveau l'hôpital, assez ébahi en voyant la grandeur des lieux, il n'aurait jamais soupçonné ou imaginé ça.

– Tu as vécu ici avant de mourir ? chuchota-t-il. Pourquoi tu as été emmenée ici ? Tu avais un don aussi ?
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MessageSujet: Re: Play with me   Play with me EmptyJeu 7 Juil - 15:48

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– C'est un hôpital ? Pour l'armée ? J'ai entendu des enfants à l'école dire que personne n'y allait jamais et que c'était abandonné. Dangereux, en plus, car le plafond pourrait s'écrouler, comme les murs.

Non, ce n'est pas vrai, il y a encore beaucoup de gens là-bas et parfois, il y avait des morts. Ils mettaient les corps dans un tunnel sous l'hôpital, dans des tombes creusées à la va-vite, sauf quand le corps était réclamé par quelqu'un, comme le père Vilette avait réclamé le sien. Sinon, elle aurait été enterrée là-bas, elle aussi. Le père Vilette était gentil, il lui parlait souvent et n'avait pas peur d'elle, comme un grand-père bienveillant avec sa petite-fille. Lucas lui demanda s'ils pouvaient approcher et elle hocha la tête, le suivant dans la prairie dans une petite course. Les rayons de la lune la traversaient et lançaient à travers son corps translucide des éclats de lumière pâle et étrange. L'hôpital était assez loin pour leurs petites jambes et il fallut encore longtemps avant d'y arriver. Emilie connaissait bien les lieux, maintenant, elle s'était faufilée partout ici après sa mort. C'était très grand, il y avait plusieurs bâtiments à étages et des sous-sols, des hommes partout, des infirmiers, docteurs et soldats, des chercheurs, des gardes aussi. S'arrêtant au pied du haut mur, Emilie tendit la main pour effleurer la haute muraille de pierre qu'elle avait tant rêvé de franchir de son vivant. La mort lui avait au moins rendu sa liberté.

Elle fit signe à Lucas de le suivre, l'emmenant vers un trou au pied de la muraille, où il y avait un trou, à peine assez grand pour laisser passer un petit enfant. Emilie, de son côté, traversa la muraille, immatérielle désormais, regardant longuement le parc et les bâtiments, où brillaient parfois des lumières aux fenêtres. Elle marcha avec Lucas lorsqu'il la rejoignit, se dirigeant vers un grand bosquet où ils pourront se mettre à l'abri. Se faufilant à l'intérieur, Emilie s'agenouilla et observa de nouveau l'hôpital. Elle avait froid, encore, si froid. Comme si elle était enveloppée toute entière d'une serviette glacée, serrée contre sa peau. Elle avait vécu ici une bonne partie de sa vie, elle avait souffert ici, elle avait pleuré ici, elle avait espéré ici. Puis elle était morte ici. Qu'elle le veuille ou non, elle était à présent intimement liée à cet endroit. Sa seule consolation était de savoir que la directrice blonde avait tué le docteur qui l'avait assassinée, âgée d'à peine dix ans. Ce sale type avait reçu ce qu'il méritait et Emilie n'en aimait que plus la jeune femme qui l'avait achevé.

– Tu as vécu ici avant de mourir ? chuchota-t-il. Pourquoi tu as été emmenée ici ? Tu avais un don aussi ?

– Je vivais à Gray, avant, chuchota-t-elle d'un ton très neutre et éteint. J'avais un papa et une maman. Puis quand j'ai eu sept ans, ils ont appelé des médecins d'ici et ils leur ont dit que j'étais dangereuse car mon don était trop fort. Les médecins m'ont emmené puis m'ont fait mal. Je ne suis sortie qu'une fois grâce à la madame blonde de la grande école. Puis les médecins m'ont reprise ici.

Elle tendit la main devant elle, en un geste léger, comme pour utiliser son don. Sauf qu'elle ne le pouvait plus, bien entendu. Son pouvoir était mort au même moment que son cœur avait cessé de battre à jamais. Elle reposa sa main translucide avec l'autre sur ses cuisses, son regard vide fixé sur l'hôpital. Elle avait aimé le vent, pourtant. Son don avait été si fort et puissant, un don d'adulte dans un corps d'enfant, un don qu'on jugeait d'autant plus contre-nature et dangereuse. Sans doute serait-elle devenue puissante si on l'avait autorisé à vivre.

– Je suis morte ici mais le prêtre a réclamé mon corps pour l'enterrer à Gray. Il est très gentil, tu sais, je l'aime beaucoup. On parle, de temps en temps. Les autres sont enterrés là-bas, dans un grand tunnel sous l'hôpital.

Elle tendit le bras pour indiquer l'endroit, le reposant ensuite.

– Tu veux voir le tunnel aux morts ?

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MessageSujet: Re: Play with me   Play with me EmptySam 9 Juil - 20:15

– Je vivais à Gray, avant, chuchota-t-elle d'un ton très neutre et éteint. J'avais un papa et une maman. Puis quand j'ai eu sept ans, ils ont appelé des médecins d'ici et ils leur ont dit que j'étais dangereuse car mon don était trop fort. Les médecins m'ont emmené puis m'ont fait mal. Je ne suis sortie qu'une fois grâce à la madame blonde de la grande école. Puis les médecins m'ont reprise ici.

Ses parents l'avaient abandonnée ... ? C'était cruel... Il en eut les larmes aux yeux, vraiment désolé pour elle, imaginant la douleur qu'elle avait dû ressentir en sachant que son papa et sa maman ne la voulait plus auprès d'eux. Comment pouvait-on faire ça à son propre enfant ? Et pourquoi avaient-on un enfant lorsqu'on ne pouvait pas s'en occuper ou qu'on avait peur ? Sa maman lui avait toujours dit qu'un enfant est un don précieux du ciel et qu'il faut s'en occuper avec amour. Donc, avoir un enfant et le rejeter... Il ne comprenait pas qu'on puisse en arriver là, même si les dons et pouvoirs faisaient peur. Il y en a d'autres qui avaient un don très fort et qu'on abandonnait pas pour autant ! Cyprien lui avait déjà dit que la dame blonde de l'école avait aussi un don très fort, pourtant, elle avait une famille et des amis. Donc pourquoi pas Emilie ? Pourquoi avait-elle souffert à cause de son pouvoir ? Ses parents ne méritaient vraiment pas d'avoir un enfant ! Pourvu qu'ils n'en aient jamais eu d'autres ensuite car ils étaient trop cruels pour s'occuper d'un bébé. Il voulut tapoter l'épaule d'Emilie pour la réconforter, sa main ne faisant qu'effleurer son corps immatériel, en lui donnant l'impression de plonger les doigts dans de l'eau glacée. Il ne pouvait même pas la toucher pour la consoler.

– Je suis morte ici mais le prêtre a réclamé mon corps pour l'enterrer à Gray. Il est très gentil, tu sais, je l'aime beaucoup. On parle, de temps en temps. Les autres sont enterrés là-bas, dans un grand tunnel sous l'hôpital.

Sous l'hôpital ? Il tourna la tête lorsqu'elle désigna l'endroit en le pointant du doigt. Il y avait des caves, des sous-sols, quelque chose du genre ? Mais ce n'étaient pas des terres consacrés... Les défunts devaient reposer dans un cimetière, dans une terre bénie, sinon ils en pouvaient pas rejoindre le Créateur au Paradis. On n'avait pas le droit d'empêcher ainsi une âme de monter vers le ciel ! Il fallait un prête pour bénir le corps et aider l'âme à en sortir pour rejoindre le ciel. Au moins dire quelques mots pour la personne disparue, c'est très important... Même sans cela, c'était difficile de quitter la terre, preuve avec Emilie, dont le chagrin trop grand l'avait obligée à rester sur terre. Trouvera-t-elle le repos un jour ? Il l'espérait de tout cœur, pour elle, elle avait le droit de rejoindre Dieu. Imaginer être enterré à la va-vite ans une terre profane sans personne pour vous dire un dernier adieu ou quelques mots en souvenir, c'était affreux. Comme si vous n'aviez absolument aucune valeur pour personne, que votre existence n'avait rimé à rien. C'était vraiment ça, être enterré ainsi, c'était comme si vous n'aviez jamais existé en tant qu'être humain, que vous n'étiez rien de plus qu'un sujet d'expérience dont on avait fini par se débarrasser. Plus d'amis ni de famille, pas de passé à raviver, aucun avenir.

– Tu veux voir le tunnel aux morts ?

– Heu... Je ne sais pas si j'ai le droit de...

Il se tut, très hésitant tout à coup, tiraillé entre son avis d'aller dire au revoir aux défunts enterrés là-bas et son devoir de rentrer avant qu'on ne réalise qu'il avait quitté l'appartement en cachette. Qu'est-ce qui était le plus important ? S'il ne rentrait pas à temps, sa sœur et Cyprien allaient être très inquiets. Mais s'il rentrait maintenant, il repartira en laissant les personnes sans un adieu, comme si lui aussi considérait qu'elles ne valaient pas la peine qu'on s'intéresse à leur sort, comme si elles ne méritaient pas un mot d'adieu. Il ne pouvait pas se comporter comme ces scientifiques qui ne respectaient pas la vie humaine. Hochant donc la tête, il suivit Emilie, le cœur battant, veillant à ne pas se faire voir. Ils devaient être rapides, c'était sûrement très dangereux de vadrouiller dans le coin. La lune et les étoiles étaient parfois cachés par de lourds nuages, on y voyait très difficilement. Il se cogna et se griffa plusieurs fois sur la trajet, suivant la lueur fantomatique de sa nouvelle amie. Elle lui fit prendre un chemin détourné, contournant tout l'hôpital et passant par-derrière, aux entrées de service.

Lucas testa six portes avant d'en trouver une mal fermée, qu'il put pousser et ouvrir assez pour s'y faufiler, après de longues minutes d'efforts. Une fois à l'intérieur, il stoppa net, le cœur battant à très vive allure, écoutant pour vérifier que personne n'arrivait ou n'avait été alerté par le bruit. Tout était très calme... Suivant Emilie, il s'efforça de rien déranger sur son chemin, descendant une première volée d'escaliers, puis une seconde, s'enfonçant sous l'hôpital. Il faisait plus froid, ici, tous les bruits étaient multipliés par l'écho. Seul al silhouette d'Emilie se faisait voir, Lucas gardait une main glissée contre le mur pour ne se cogner ou se faire mal. Ils avançaient depuis un moment, descendant encore. Emilie stoppa finalement, devant une ouverture sans porte, en arcade, bien plus grande et large. A tâtons, Lucas trouva un bouton et alluma de faibles néons, découvrant un immense tunnel, s'étendant devant eux. Il y avait des tombes alignées en rang le long des deux murs, à peine éclairées par les néons. Le petit garçon marcha sur deux ou trois mètres, s'arrêtant devant une tombe au hasard et s'agenouillant. Il n'y avait même pas de noms, sur aucune des tombes. Juste une plaque de fer au sol, de la taille d'un homme, surmonté d'une petite croix en bois. La plaque ne comportait aucune inscription sinon une année. Lucas marcha dans le tunnel, voyant que l'année inscrite allait de 1920 à 1931.

– Tous ces gens sont morts ici ? chuchota-t-il. De quoi ? Que leur a-t-on fait ? Et pourquoi aucune tombe n'a de nom ?
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MessageSujet: Re: Play with me   Play with me EmptyJeu 28 Juil - 17:01

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– Heu... Je ne sais pas si j'ai le droit de...

Pas le droit de quoi ? Qu’est-ce qu’on lui avait interdit ? Il avait peur de quelque chose ? Emilie le regarda longuement, sans comprendre ce qui pouvait le faire hésiter. Il se passa encore un moment puis son nouvel ami hocha tout à coup la tête et la suivit. Ils filèrent vers les bâtiments, Emilie voletant et passant à travers les fourrés et les buissons, parfaitement immatérielles, comme une ombre qui n’aurait jamais dû traîner sur terre. Elle lui fit contourner les immeubles pour prendre un chemin caché sur le côté, par l’arrière, à des entrées presque dissimulées par le lierre que personne ne venait jamais vérifier. Lucas tira sur les portes avant d’en trouver une qu’il put ouvrir, se glissant à l‘intérieur. Emilie reprit pied au sol pour descendre le long escalier sur lequel ils étaient arrivés, le regard très terne et vide. Ici, on pouvait entendre les plaintes de ceux qui étaient morts trop violemment, elle les entendait pleurer ou chuchoter depuis leurs tombes. Lucas ne les entendait pas ? Peut-être que les vivants ne pouvaient pas capter comme elle les murmures des morts, après tout… Personne ne semblait jamais les entendre, pourtant, ils parlaient parfois fort dans les cimetières et ceux qui étaient morts seuls ou brutalement pleuraient souvent. Les morts ne devaient être silencieux que pour les vivants.

Ils descendaient toujours, suivant plusieurs escaliers s’enfonçant dans les profondeurs de l’hôpital, sans aucune lumière. Au bout du dernier escalier, ils avancèrent quelques mètres dans un couloir bétonné avant d’arriver à une ouverture, une très grande et large arcade en pierre, vestige de ce bâtiment autrefois assez beau et classieux, sans doute un château rénové ou ce genre de choses. Lucas trouva la lumière, éclairant le long et large tunnel filant une fois l’arcade franchie. Toutes les tombes étaient là, c’était le tunnel aux morts. Deux longues rangées de petites dalles en fer, surmontant des blocs de béton, toutes identiques, anonymes, avec une simple croix en bois à la tête de la dalle. Les dalles portaient simplement l’année où l’occupant du tombeau était mort, rien de plus. Emilie marcha derrière Lucas en se disant qu’elle n’aurait pas aimé que son corps repose ici. Le cimetière du village était plus beau et en plus, le prêtre parlait parfois avec elle. Il était très gentil. Ici, il n’y avait pas de fleurs, pas de visiteurs, pas de nom, rien du tout. Elle entendait les morts pleurer ou appeler leurs proches. Sauf ceux qui étaient enterrés depuis longtemps et dont on n’entendait plus que le souffle, très léger, comme s’ils étaient trop fatigués pour pleurer encore.

– Tous ces gens sont morts ici ? chuchota-t-il. De quoi ? Que leur a-t-on fait ? Et pourquoi aucune tombe n'a de nom ?

– Ils ne mettent pas les noms parce que les gens qui sont pris ici ne sont plus des personnes, pour eux, répondit-elle d’une voix éteinte. On a plus de droits, plus de famille, plus de vie, on s’éteint peu à peu. Quand tu as de la chance, tu meurs vite, à cause d’une crise cardiaque, d’un mauvais coup, un médicament trop puissant, ou si tu arrives à te tuer. C’est mieux de mourir vite parce que tu n’as pas le temps de souffrir. Tu n’entends rien, ici ? Les morts crient et pleurent, ils gémissent. Je les entends. Ecoute.

Elle lui désigna d’une main une des tombes, où l’occupante, une adulte selon le ton de sa voix, criait et pleurait à en fendre l’âme, si fort qu’elle en masquait le bruit des autres sur deux bon mètres dans sa rangée. Un peu plus loin, de l’autre côté, il y avait un souffle plus faible, comme un râle de mourant, la voix était suffocante et répétait un prénom en boucle, le prénom d’une femme, sans cesse répété, encore et encore.

– Quand tu ne meurs pas vite, tu dois subir leurs expériences, chuchota-t-elle. Il y a la douleur… Tu es seul et personne ne peut t’aider. Puis tu comprends que toi aussi tu vas rester là, comme tout le monde. Je suis partie seule, ici, comme les autres. Plus personne ne peut me blesser, aujourd’hui, tu sais. Mais plus personne ne peut me toucher non plus. J’ai un nouvel ami, maintenant, il y a Alexis qui est venu dans ce monde. Il est très gentil, on parle parfois.

Emilie s’agenouilla doucement près de la tombe du vieux monsieur qui continuait d’appeler sa femme, de répéter son nom, comme on psalmodie une prière. Elle ne savait pas si les âmes des personnes restant dans les tombeaux comme eux avaient conscience de la présence des vivants et de leur monde. Ils en sortaient jamais, sans doute n’avaient-ils aucune conscience, à présent, du monde des vivants, comme le monde des vivants n’avait aucune conscience de celui des morts.

– Il y a même des bébés, là-haut, dit-elle. Et plein d’adultes. Je ne sais pas ce qu’on leur fait, exactement, je ne veux pas y retourner toute seule.

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MessageSujet: Re: Play with me   Play with me EmptyDim 31 Juil - 18:33

Le travail ne s'était terminé qu'à une heure très avancée de la nuit, du moins, si on pouvait nommer travail ce genre de carnage ou de torture. Fabrice laissa retomber sa tête contre le haut du dossier, reprenant son souffle. Le médecin lui enleva la perfusion avec des gestes sûrs et rapides, reflétant la force de l'habitude, lui mettant ensuite un pansement en lui disant de garder le bras plié pour arrêter le petit saignement. Là aussi, le colonel avait l'habitude. Il attendit sans bouger un moment, regardant le tout jeune homme étendu sur le brancard non loin qui lui n'avait pas eu la chance de survivre. Déjà épuisé, il avait succombé dès le début. Le docteur jeta un drap sur le corps, griffonnant ensuite son bloc-notes avec un air lointain, presque effacé, comme s'il n'agissait plus qu'en robot. Il n'y avait plus beaucoup de bruits, à présent, la pièce était redevenue calme, plus de cris ou de gémissements, un calme plat au milieu d'une nuit assez lourde. Fabrice se leva enfin, remettant ses manches en place puis enfilant sa veste d'uniforme. C'était bon pour cette nuit. Il regarda à nouveau la silhouette cachée sous le drap, un peu sonné de rien éprouver de plus face au corps d'un jeune homme qui avait pourtant été torturé à mort dans cette pièce. C'était peut-être cela, être un véritable monstre... Être content d'avoir survécu une journée de plus sans parvenir à éprouver compassion ou pitié pour celui qui était mort à côté de soit.

Comme pour se faire pardonner, bien que cet homme ne pourra plus jamais le savoir, il proposa de conduire le corps dans les sous-sols en attendant qu'il soit enterré. Le docteur lui jeta un regard puis haussa les épaules, qui conduisait le cadavre en bas ne devait pas avoir une grande importance pour lui. Le soldat s'en empara donc, partant avec dans le couloir, en silence. On entendait parfois des cris ou des pleurs, des paroles échangées, le bruit des portes s'ouvrant et se fermant, le son discret d'un pas dans le couloir, le grincement des roues d'un chariot. Cet endroit ne dormait jamais vraiment. Fabrice poussa le brancard dans le monte-charge, qui servait à descendre les grosses marchandises et les macchabées dans les sous-sols. Il s'y engouffra ensuite, appuyant sur les boutons pour descendre. Il y avait quelques salles en bas occupées par la morgue, où on pratiquait aussi des autopsies, parfois. Il y conduit le jeune homme, tendant sa fiche à la jeune secrétaire en garde cette nuit, puis repartit. Il reprenait l'escalier lorsqu'il vit de la lumière filtrer, deux niveaux plus bas. Se penchant à la rambarde, il plongea son regard dans les ténèbres, plissant les yeux. Qui avait oublié d'éteindre le tunnel ? Soupirant, il descendit les escaliers, avec rapidité, marchant vers le tunnel bien éclairé lorsqu'il entendit tout à coup une voix fluette et enfantine.

– Quand tu ne meurs pas vite, tu dois subir leurs expériences, chuchota-t-elle. Il y a la douleur… Tu es seul et personne ne peut t’aider. Puis tu comprends que toi aussi tu vas rester là, comme tout le monde. Je suis partie seule, ici, comme les autres. Plus personne ne peut me blesser, aujourd’hui, tu sais. Mais plus personne ne peut me toucher non plus. J’ai un nouvel ami, maintenant, il y a Alexis qui est venu dans ce monde. Il est très gentil, on parle parfois.

Qu'est-ce que... Il accéléra l'allure, s'arrêtant ensuite un bref instant à l'entrée du long tunnel, sous l'arcade. Une fillette fantomatique, qu'il reconnut presque aussitôt, était agenouillée près d'une des tombes, translucide, la voix toujours aussi distante et froide. Pire encore, un petit garçon bien vivant était avec elle, un gosse qui ne devait même pas avoir dix ans, et qu'il finit par reconnaître aussi, c'était le gamin qui s'était cogné contre lui à Gray, un samedi lors du marché. Fabrice en resta un instant bouche bée. Que fichait-il ici ?! Emilie, il savait déjà qu'elle venait ici parfois, tout le monde le savait, mais ça n'avait pas une grande importance, plus personne ne pouvait lui faire le moindre mal et après ce que cette malheureuse gamine avait vécu, on pouvait bien lui foutre la paix maintenant qu'elle était morte et la laisser aller où elle en avait envie. Mais l'autre gosse ! Venir traîner ici, comme si c'était le bon endroit pour jouer ou fouiner !

– Il y a même des bébés, là-haut, dit-elle. Et plein d’adultes. Je ne sais pas ce qu’on leur fait, exactement, je ne veux pas y retourner toute seule.

– Ni avec un autre enfant, lança-t-il assez sèchement en avançant à grands pas. Que fiches-tu ici, gamin ?! Comme si c'était un endroit pour traîner !

Il l'attrapa un peu rudement par le bras avant qu'il ne puisse se sauver, le prenant ensuite par la main pour le tirer avec lui. Il dit à Emilie de ne pas traîner ici non plus, ça ne servait à rien. Emmenant le petit, il marcha bien vite pour quitter le tunnel puis s'engager dans les escaliers en appuyant sur le fait qu'il était complètement inconscient et qu'il pouvait s'estimer heureux de ne pas être tombé sur quelqu'un qui l'aurait abattu directement pour espionnage ou en croyant qu'il était un des patients de l'hôpital cherchant à s'évader. Il lui demanda ensuite où il habitait et son nom exact, le sommant sèchement de lui répondre en le voyant hésiter. Grimpant encore, il déboucha dans le rez-de-chaussée, tirant toujours le gamin avec lui. Dieu merci, il n'y avait encore personne dans le coin, ce n'était pas le moment. Fabrice essuya la légère couche de sueur sur son front tout en marchant, avec sa manche d'uniforme, pris de nausée avec le contrecoup de l'expérience. Il reprit sa voiture et fourra le gosse dedans, s'installant au volant. Partant aussitôt, il se concentra sur la route, traversant le parc puis montrant sa carte en arrivant aux grilles pour qu'on leur ouvre. Le village n'était pas bien loin, avec cette route, ils seront vite arrivés. Il redit au gamin de se tenir tranquille, un peu, en le voyant gigoter, lançant que lui au moins ne comptait pas lui faire de mal.

En arrivant au village, il s'apprêtait à prendre la direction du centre lorsqu'il repéra un petit groupe plus loin, reconnaissant de loin la silhouette massive du subordonné de la générale, qui était près d'elle et d'une autre femme, à regarder un plan posés sur le capot d'une voiture. Il leur fit un appel de phare avant d'avancer vers eux, se garant à côté. Sortant de la voiture, il ouvrit la porte et tira le petit garçon à l'extérieur. Aller se balader comme ça dans un hôpital contrôlé par l'armée avec une fillette décédée dans le tunnel des morts, le tout en pleine nuit, brillant ! Fabrice soupira en s'essuyant de nouveau le front, s'écartant pour laisser la prof courir vers son fils, ou son frère, ou son neveu, peu importe. Il alla rejoindre la générale et lui dit qu'il avait trouvé le petit dans le tunnel des décédés, sous l'hôpital, avec la jeune Emilie. Elle le remercia, tout en lui coulant un long regard en biais. Il haussa un peu les épaules, ne voulant pas rentrer dans les détails, tout allait bien. Tournant la tête vers la prof, il soupira un peu, toujours soufflé qu'un gosse puisse avoir l'idée de se rendre là-bas.

– On évite de suivre les morts n'importe où, lança-t-il d'un ton froid. Emilie ne risque peut-être plus rien mais pas votre fils. Tâchez de veiller à ce que ça n'arrive plus.
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Céleste Dumoulin
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Céleste Dumoulin
MessageSujet: Re: Play with me   Play with me EmptyJeu 11 Aoû - 18:22

Céleste – Cyprien, réveille-toi, Lucas a disparu !

Céleste secouait énergiquement Cyprien, emmitouflée d’un peignoir enfilé à la hâte. Elle avait retourné tout l’appartement, était sortie dans la rue, l’avait cherché dans le coin sans osé aller trop loin au cas où il reviendrait vers l’appartement. Elle était perdue, terrorisée à l’idée qu’il ne lui soit arrivé quelque chose. Il n’avait même pas dix ans, personne ne pouvait le toucher ! L’image de la petite Emilie lui revenait sans cesse en tête, morte de peur à l’idée qu’il ne tombe sur un militaire. Pas lui, pas Lucas, elle avait déjà perdu sa sœur. Avant même que Cyprien ne se lève, Céleste sortit de la chambre pour vérifier une énième fois celle de son petit frère puis se rua sur le téléphone, composant le numéro de la seule personne qui pouvait l’aider actuellement. La seule personne en qui elle avait confiance et qui pouvait faire quelque chose si Lucas était en danger. Gabriella.

Majordome – Vous êtes bien chez monsieur de la Valière, bonsoir, que puis-je pour vous ?

Céleste – Heu, bonsoir, dit-elle après un moment. J’aimerais parler à Gabriella de Lizeux de toute urgence, dites-lui que l’appel vient de Céleste Dumoulin.

Céleste ne put s’empêcher de prendre un ton pressant, jouant nerveusement avec le fil du combiné qu’elle enroulait et déroulait autour de ses doigts. Elle ne pouvait s’empêcher de tourner en rond, appelant Cyprien qui finit par arriver à son tour. Elle lui annonça qu’elle avait appelé Gabriella, qu’elle ne trouvait pas Lucas, que la directrice était leur dernier recours. Le temps passait et Lucas était toujours dehors, quelque part, peut-être enlevé ou… Mais non. Non, non, non. C’était impossible que quelqu’un l’ait enlevé, Céleste l’aurait entendu. Mais là, non, rien, absolument rien, aucun bruit. Pourtant, elle se réveillait souvent pendant la nuit à cause de ses cauchemars, même si elle faisait attention à ne pas en parler à Cyprien pour ne pas l’inquiéter.

Depuis le début de son entraînement avec l’ancien directeur, ça s’améliorait et leur fréquence diminuait. Mais ils étaient toujours présents. Ajoutons à cela la mort d’Alexis, autant dire que Céleste passait de longues heures à se retourner et à se relever pour vérifier que son petit frère aille bien. Comme cette nuit. Sauf qu’à la place de son frère, elle avait trouvé un lit vide. Au bout d’un moment, elle entendit un mouvement à l’autre bout du fil, quelqu’un qui prenait le téléphone posé sur la table, sans aucun doute, et elle reconnut immédiatement la voix de la directrice. Enfin !

Gabriella – Bon, il s'est passé quoi, encore ?

Céleste – Lucas a disparu, mon petit frère, il n’a que huit ans, il était dans son lit et… Je me suis réveillée pour aller voir s’il allait bien mais il n’y était plus. Je l’ai cherché partout, dans le quartier, dans tout l’appartement, mais je n’ai pas osé aller plus loin au cas où il reviendrait. On est trop proche de la caserne, de l’hôpital, et s’il est sorti, curieux comme il est…

Céleste avait tout expliqué très vite, son ton contrastant toujours horriblement avec celui de la directrice, complètement blasée. Elle avait peur, peur qu’il n’arrive quelque chose à son frère. Il n’avait que huit ans ! Elle conclut en disant qu’elle avait directement pensé à appeler pour ne pas perdre de temps « au cas où ». Au cas où… En priant pour que ce « au cas où » ne se produise pas. Il ne pouvait pas, pas maintenant, pas alors qu’elle venait de recueillir son frère, sa seule famille désormais. Il était forcément quelque part, en bonne santé. N’est-ce pas ? Ils allaient le retrouver, et vite, avant qu’un militaire ne lui tombe dessus. Si la directrice acceptait.

Gabriella – D'accord... Je m'habille et j'arrive, on va faire des recherches, mon équipier est de garde cette nuit, il va nous aider.

Soufflant, Céleste remercia sa supérieure et raccrocha, filant mettre des chaussures et les premiers vêtements qu’elle eut sous la main sans même prendre la peine d’attacher ses cheveux, actuellement en bataille. Quelques minutes de plus furent nécessaires pour que la directrice arrive avec son subordonné… deux autres militaires et Auguste. Oh, elle avait amené d’autres personnes ? Trop tendue pour dire quoi que ce soit par rapport à cela, Céleste détailla immédiatement les endroits qu’elle avait fouillés et annonça que Cyprien allait rester près de l’appartement au cas où Lucas revenait, qu’elle-même allait les aider. Le subordonné de la directrice tira alors une carte du coin, mais pas une carte normale. Dessus s’étalaient tous les chemins possibles du coin, accessibles en randonnée, certains rappelant à Céleste les trajets qu’ils avaient déjà fait durant leurs promenades ensemble. Elle se tut, laissant les militaires, Gabriella et Auguste s’organiser, dire qui allait où, par où commencer… lorsque quelqu’un leur fit un appel de phare. En pleine nuit ?

Se redressant, plissant les yeux pour voir derrière la lumière des phares qui conduisait, la jeune professeure crut reconnaître quelqu’un mais ne put rien affirmer avant qu’il n’arrête la voiture, se garant tout près d’eux. Le colonel d’Auvergne ! Celui qui faisait partie de l’équipe d’Isabelle, ou plutôt l’inverse, mais il était de leur côté. Ils n’eurent pas le temps de demander ce qu’il faisait ici, en pleine nuit, qu’il se dirigea vers l’autre côté de la voiture, ouvrant la portière côté passager… pour faire descendre un petit garçon, le tirant par le bras. Lucas. Lucas ! Il était là ! Ni une ni deux, Céleste courut vers lui, s’agenouillant dès qu’elle fut devant lui, prenant sa tête entre ses mains.

Céleste – Où étais-tu passé ?! Tu n’as rien ? Tu nous as fait si peur !

Tout en l’interrogeant, la jeune femme le détaillait, le regardant sous toutes les coutures pour voir s’il n’avait rien de grave. Ses vêtements étaient sales, un peu abîmés par endroits, lui-même semblait avoir quelques légères griffures, mais rien de grave. Il allait bien, apparemment. A côté d’eux, le colonel avait rejoint la directrice et lui expliquait qu’il avait retrouvé Lucas dans le… dans le tunnel des décédés… sous l’hôpital, avec Emilie. Pardon ?! Qu’était-il allé faire là-bas ? Céleste lui avait pourtant formellement interdit de s’en approcher, insistant bien sur la dangerosité de l’endroit ! En plus, il savait qu’Emilie y était morte ! Qu’il suive la petite, à la limite, elle n’était pas dangereuse et ne voulait qu’un peu de compagnie, le Père Vilette l’avait déjà expliqué quelques fois à Céleste. Mais qu’il aille près de l’hôpital ! Qu’il sorte en pleine nuit ! Elle lui lança un regard furieux, hallucinant, peinant à croire ce qu’elle venait d’entendre. Dans l’hôpital, le tunnel des décédés ! Mais où avait-il eu la tête !

Colonel – On évite de suivre les morts n'importe où, lança-t-il d'un ton froid. Emilie ne risque peut-être plus rien mais pas votre fils. Tâchez de veiller à ce que ça n'arrive plus.

Céleste – Il s’agit de mon frère, dit-elle en se redressant tout tenant Lucas par la main. Et on le surveillait mais il a dû apercevoir Emilie dans la rue et la suivre jusqu’à l’hôpital malgré nos interdictions.

Céleste lança un nouveau regard à son frère, baissant la tête vers lui. Ils allaient en parler, évidemment, mais pas maintenant, pas devant toutes ces personnes qui s’étaient réveillées en pleine nuit pour le retrouver. Elle le tint fermement par la main puis se rapprocha à nouveau du petit groupe rassemblé devant la voiture, s’excusant de les avoir tous dérangés pour rien. Elle les remercia tous une bonne dizaine de fois, le colonel également, et lui garantit que cela ne se reproduirait plus. Le stress et la peur redescendant d’un coup, elle commençait à réaliser, petit à petit, qu’il était très tôt et que sa supérieure avait déployé des moyens incroyables – de son point de vue – pour retrouver Lucas. Et cela au beau milieu de la nuit, alors qu’elle se reposait pour une fois. Désolée. Vraiment. Mais si le colonel ne lui était pas tombé dessus, et qu’eux-mêmes n’étaient pas partis à sa recherche, vu l’endroit où il se trouvait…

Réprimant un frisson, Céleste rentra dans l’appartement avec Cyprien et Lucas, remontant les escaliers dès que le petit groupe fut reparti. Il était quatre heures passées lorsqu’ils refermèrent la porte de l’appartement, l’inquiétude continuant de retomber pour laisser place à la colère et à la fatigue. Mais, bon sang, que s’était-il passé dans sa tête pour qu’il choisisse de sortir ?! La jeune professeure lança à son frère de filer se mettre au lit, qu’ils en parleraient plus tard et qu’il devait dormir comme ils avaient tous les trois cours le lendemain. Elle, en particulier, avait entraînement avec l’ancien directeur pendant la journée et, ces entraînements étant très éprouvants, elle se devait d’être en forme. Mais, si Lucas avait de nouveau envie de sortir… Tant pis, elle dormirait la porte ouverte cette nuit, et sans doute d’un seul œil.

Céleste – Vas-y, je vais fermer la porte à clef. Juste pour être sûre.

Laissant Cyprien rejoindre leur chambre, Céleste ferma la porte à double-tour, prenant la clef avec elle, et se changea vite fait bien fait pour aller terminer sa nuit – ou ce qu’il en restait. Mais, autant dire qu’elle dormit mal cette nuit-là… Après le coup de Lucas, comment pouvait-elle dormir paisiblement ? Elle avait eu tellement peur de le perdre, lui aussi. Elle se réveillait assez souvent pour vérifier que son frère dormait toujours, qu’il ne bougeait pas, jusqu’à ce qu’il soit temps de préparer le petit-déjeuner. Réveillée la première, et n’arrivant plus à dormir, elle remonta la couverture sur Cyprien avant de s’habiller en vitesse pour chercher du pain frais. Elle referma précautionneusement la porte pour éviter de faire du bruit, se retrouvant nez-à-nez avec un de ses voisins qui lui jeta un regard noir avant même qu’elle n’ait le temps de dire quelque chose. Eh, oh, du calme, hein ! Ignorant cette provocation, Céleste descendit par les escaliers pour éviter de le croiser une nouvelle fois et se dirigea vers la boulangerie la plus proche pour prendre du pain. A son retour, Cyprien venait de se lever et mettait la table, il avait aussi réveillé Lucas. Oh. Désolée, elle s’habituait un peu difficilement à la vie en couple, parfois. Surtout après une nuit pareille.

Céleste – Interdiction de suivre Emilie aujourd’hui, tu ne vas nulle part tout seul avant qu’on ait discuté, ce soir, c’est compris ?

Ce n’était pas une vraie question, mais Lucas devait s’en douter. Il avait fait une bêtise et même leurs parents auraient réagi de cette manière, si pas pire encore. Depuis la perte de leur fille, ils étaient beaucoup plus protecteurs avec les enfants d’autrui, sans doute était-ce donc aussi le cas avec Lucas. Pas avec elle, évidemment… Mais soit. Le reste de la journée se passa sans problème, pour une fois. L’entraînement fut un peu plus difficile et éprouvant que prévu, faute de sommeil réparateur, mais elle donna tout ce qu’elle avait en évitant de retenir son don comme le réclamait toujours son ancien professeur. Elle encouragea ses élèves à faire leur maximum au cours, comme à chaque heure de cours depuis le début de cette année, surtout avec la mort d’Alexis. Ils devaient se dépenser, avoir confiance, personne ne devait avoir peur au sein des cours. La directrice veillait sur eux.

A la fin de la journée, Céleste retrouva Cyprien dans la salle des professeurs, épuisée, hochant la tête pour dire que tout allait bien. Ce n’était que la fatigue et la conséquence de la nuit, sans oublier l’entraînement. Ils sortirent de l’école pour aller rechercher Lucas à l’école primaire, dans la garderie comme tous les jours. Ce n’était pas très long, ils s’arrangeaient toujours pour venir assez tôt histoire de ne pas l’obliger à attendre trop longtemps. Aujourd’hui en particulier, Céleste se dépêchait, par peur qu’il ne fasse quelque chose. Il n’aimait pas son école et l’avait déjà dit mais ce n’était pas pour cette raison qu’il était sorti pendant la nuit. Normalement pas. Elle l’espérait, du moins. Mais il était toujours là, à l’école, à la garderie, et avait bien écouté ce qu’elle avait dit ce matin. Ne s’arrêtant en chemin que pour acheter rapidement de quoi manger le soir, ils arrivèrent rapidement à l’appartement et Céleste ne tarda pas à appeler Lucas, dans le salon, avec Cyprien. Elle lui fit signe de s’asseoir dans le canapé, tapotant à côté d’elle.

Céleste – On a une discussion qui traîne depuis cette nuit, dit-elle aussitôt qu’il fut assis. On aimerait savoir pourquoi tu es sorti, pourquoi tu as suivi Emilie. Tu sais que c’est dangereux ! Tu peux jouer avec Emilie, oui, je te l’ai dit. Mais la suivre en pleine nuit, Lucas ! Tu sais que cet hôpital est dangereux, pourquoi y être allé ? On ne t’a pas assez répété que les militaires étaient dangereux ? Qu’aurais-tu fait si tu n’étais pas tombé sur le colonel Gavin mais sur un médecin militaire qui s’occupe des personnes de l’hôpital ?!
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MessageSujet: Re: Play with me   Play with me EmptyMer 14 Sep - 21:46

Leur maîtresse s'acharnait à leur expliquer une règle de français sans que Lucas n'écoute vraiment. Il écrivait dans son cahier en levant que de temps en temps la tête pour regarder ce qui était écrit sur le tableau noir, pensif et se mordillant régulièrement les lèvres pour retenir ses soupirs. L'ambiance était morose et il ne parvenait pas, aujourd'hui, à trouver des raisons de sourire ou d'être plus optimiste. Même si sa famille était fâchée qu'il soit sorti seul cette nuit, il ne parvenait pas à regretter de l'avoir fait. Emilie ne sortait que rarement en plein jour et toujours pour des temps limités, elle dormait dans sa tombe, dès que le jour se levait, comme si la lueur du soleil la blessait. Lorsqu'il l'avait vu, toute seule dans le village, il n'avait pas pensé au danger, juste qu'elle ne devait pas rester ainsi, isolée. Il ne fallait plus jamais laisser personne isolé, même les morts, juste au cas où, on ne pouvait pas savoir ce qui allait arriver. C'était en laissant Alexis tout seul et isolé qu'il avait fini par se donner la mort, qu'il était comme Emilie maintenant. En plus, il y avait tous ces gens, là-haut, qui étaient partis sans que personne ne le sache, partis et sans visiteurs, qui restaient prisonniers de leurs tombes sans pouvoir rejoindre le ciel.

On ne parlait pas à ceux dont avait peur... A l'école, c'était pareil, les autres enfants ne lui parlaient pas car ils savaient qu'il commençait à développer le don du feu et que c'était "dangereux", qu'il ira sans doute dans "l'école là-haut avec ceux qui lui ressemblent". Peut-être que dans l'école là-haut, personne ne l'embêtera pour sa différence, qu'on le laissera tranquille, qui sait ? A moins que ce ne soit comme avec Alexis, il ne pourra avoir de vrais amis et finira seul, si seul que la mort deviendra la dernière option envisageable. La vie, c'était fragile... Trop... D'abord ses parents, maintenant Alexis, il avait vu la mort déjà trop de fois pour rester innocent à ce sujet. Il s'en voulait de ne pas réussir à pleurer ses parents et son frère d'adoption, de rester juste silencieux en pensant à eux, comme ça, statique, à ne rien faire. Ce n'était pas un hommage, on aurait dit qu'il ne ressentait rien du tout. La journée à l'école se passa ainsi dans un mélange de tristesse, de culpabilité et d'angoisse. Il ressassait ses souvenirs. Devrait-il dire à sa famille pourquoi il suivait ainsi facilement les morts ? Lucas réfléchit un instant à cette question puis décida que non. Il ne pourrait pas en parler comme ça, pas si facilement.

Le soir, à la garderie de l'école, la directrice vint trouver les nourrices pour avertir qu'une nouvelle institutrice allait bientôt arriver, pour leur classe, justement. Elle sera peut-être plus gentille que celle qu'il avait en ce moment. Elle lui tapait sur les doigts avec sa règle dès qu'il avait le malheur de parler des dons, que ce soit du sien ou de façon générale. Personne ne devait évoquer le sujet, c'était tabou, même dans ce village, pourtant aux portes d'une école enseignant la maîtrise de ces pouvoirs. Lorsque sa sœur et son mari vinrent le chercher, il répondit timidement au "au revoir" d'un des seuls qui lui adressait la parole à l'école. Les enfants avaient peur qu'il les brûle s'ils approchaient. En rentrant à la maison, il déposa ses affaires dans sa chambre puis retourna dans le salon lorsque sa sœur l'appela, lui faisant signe de venir s'asseoir sur le canapé. Il savait qu'elle avait eu peur... Même si lui, bizarrement, ne parvenait plus à éprouver de la peur. Plutôt une sorte de résignation mêlée de tristesse. On ne pouvait pas lutter contre tout et même les adultes étaient emportés au loin, comme papa et maman.

– On a une discussion qui traîne depuis cette nuit, dit-elle aussitôt qu’il fut assis. On aimerait savoir pourquoi tu es sorti, pourquoi tu as suivi Emilie. Tu sais que c’est dangereux ! Tu peux jouer avec Emilie, oui, je te l’ai dit. Mais la suivre en pleine nuit, Lucas ! Tu sais que cet hôpital est dangereux, pourquoi y être allé ? On ne t’a pas assez répété que les militaires étaient dangereux ? Qu’aurais-tu fait si tu n’étais pas tombé sur le colonel Gavin mais sur un médecin militaire qui s’occupe des personnes de l’hôpital ?!

– Je n'ai pas pensé aux soldats, j'ai pensé à tous ceux qui étaient là-bas. Ils ne voient jamais personnes en visite et ils sont coincés dans ce tunnel... C'est comme Emilie et Alexis, ils ne peuvent pas monter là-haut et Emilie m'a dit qu'elle pouvait les entendre pleurer.

Il avait dit le tout dans un murmure, puis ajouta d'une voix plus haute qu’Émilie ne sortait que rarement le jour et toujours une ou deux minutes à peine, ce n'était pas en plein jour qu'on pouvait la voir. Il dit aussi qu'il n'avait pas voulu la laisser toute seule comme ça, dans le village, puisque laisser les gens tous seuls, ça les faisait déprimer et avoir des idées noires. C'était vrai, ça, Alexis... Il était resté seul trop longtemps et en avait été très malade. Personne n'avait vu à quel point il allait mal, personne n'avait plus été assez proche de lui, personne... Même Lucas n'avait rien su, rien vu, rien compris. Il avait juste appris sa mort, comme ça, avec le même effet que si on l'avait jeté sous une douche glacée. Et aujourd'hui, Lucas comprenait de mieux en mieux ce que la peur et la haine poussaient à faire subir aux autres, il le ressentait chaque jour un peu plus, depuis la naissance de son don. C'était les vivants qu'il fallait craindre, car les morts, eux, ne faisaient pas d'histoires. dans le tunnel, là-haut, seul quelqu'un qui serait venu juste à ce moment aurait pu le surprendre, le colonel était venu avec un corps, c'est tout. Un de plus.

– Et puis, les morts ne nous craignent pas, c'est facile de leur parler, pour ceux qui sont encore là. Si j'arrive à parler avec Emilie et Alexis, peut-être qu'un jour, j'arriverai à avoir un message de papa et maman, depuis le ciel.
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Céleste Dumoulin
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MessageSujet: Re: Play with me   Play with me EmptyMer 26 Oct - 21:49

Lucas – Je n'ai pas pensé aux soldats, j'ai pensé à tous ceux qui étaient là-bas. Ils ne voient jamais personnes en visite et ils sont coincés dans ce tunnel... C'est comme Emilie et Alexis, ils ne peuvent pas monter là-haut et Emilie m'a dit qu'elle pouvait les entendre pleurer.

Il… Oh… Céleste lança un regard à Cyprien, s’adoucissant malgré elle en entendant ce que son frère venait de murmurer. Elle tourna à nouveau la tête vers lui alors qu’il ajoutait qu’Emilie ne sortait qu’une minute ou deux le jour, on ne pouvait donc la voir que la nuit, et qu’il n’avait pas voulu la laisser seule dans le village puisque cela les faisait déprimer. Comme pour Alexis… Elle comprenait mieux sa réaction, s’en voulait d’avoir crié comme elle l’avait fait, de réagir de cette manière. Pourtant, il devait comprendre, il ne pouvait pas faire tout ce qu’il voulait tout seul. Déjà chez eux, c’était dangereux, alors ici ! Jamais leurs parents n’acceptaient qu’ils sortent seuls, encore moins à l’âge de Lucas. Alors, non, désolée, là-dessus, Céleste ne plierait pas. Il ne pouvait pas comprendre qu’elle s’inquiétait pour lui ?! Il était son frère, la seule famille qui lui restait, et elle avait déjà perdu sa jumelle. Il était hors de question qu’il arrive un malheur à son petit frère. Elle ne se le pardonnerait jamais.

Lucas – Et puis, les morts ne nous craignent pas, c'est facile de leur parler, pour ceux qui sont encore là. Si j'arrive à parler avec Emilie et Alexis, peut-être qu'un jour, j'arriverai à avoir un message de papa et maman, depuis le ciel.

… D’accord. Là, Céleste voyait beaucoup mieux pourquoi Lucas n’avait pas réfléchi plus longtemps que cela avant de suivre Emilie. Devenant un peu plus pâle, elle échangea un nouveau regard avec Cyprien, cherchant ses mots, ouvrant légèrement la bouche sans qu’aucun son ne sorte dans un premier temps. Qu’était-elle censée répondre à cela… ? Elle ne pouvait pas l’obliger à tourner la page, elle ne pouvait pas lui dire que c’était impossible – déjà, parce qu’elle n’était plus sûre de rien à ce niveau-là depuis l’année passée – et elle ne pouvait pas non plus prolonger son sermon sans écouter ce que Lucas lui disait. Il était affecté et elle ignorait comment l’aider plus que ce qu’elle faisait déjà maintenant. Céleste faisait des efforts ! Mais le petit garçon qu’il était avait perdu ses parents et un ami qu’il considérait comme son grand frère, en plus d’avoir déménagé, changé de ville et d’amis, et découvert une sœur, en l’espace de trois mois.

La jeune femme baissa la tête vers Lucas, hésitant un moment avant de finir par l’entourer doucement de ses bras pour le serrer contre elle après avoir murmuré son prénom. Elle était désolée. Désolée pour tout ce qu’il endurait, désolée de ne pas pouvoir soulager sa peine. Elle le voudrait tellement ! Mais c’était impossible. Alexis était mort, leurs parents aussi, la petite Emilie également. Il fallait qu’il… patiente. Qu’il attende que la douleur s’atténue, qu’il ne garde que les bons moments en tête. Il ne se plaisait pas dans sa nouvelle école, avec ce nouveau don qui naissait en lui, il découvrait la haine et la peur des autres à cause de cela. Comment lui en vouloir ? Il se réfugiait chez les seules personnes qu’il connaissait, ses amis, et qui ne le rejetaient pas… Céleste resta un moment dans cette position, silencieuse, berçant doucement son frère contre elle. Elle cherchait ses mots et voulait vraiment l’aider, au moins pour ça. Il ne devait pas fuir le monde des vivants à cause de son don.

Céleste – Je suis désolée pour tout ce que tu viens de vivre, Lucas…, finit-elle par dire, tête toujours sur la sienne. Je sais que ça fait beaucoup de nouvelles choses, que tu dois avoir peur, et que tu n’aimes pas cette école. Mais ce n’est pas pour cela que tu dois te réfugier dans le monde des morts… Nos… papa et maman t’entendent sûrement de là-haut, il suffit que tu leur parles, comme je te parle, en y croyant très fort.

Céleste s’interrompit un court instant, cherchant encore les mots, ignorant totalement ce qu’elle devait dire. Elle n’avait jamais connu cette situation, elle ! Elle n’était pas « formée » pour ça, elle n’avait pas les mots, ces mots qui rassurent et calment les enfants en trente secondes, comme Cyprien. Dans ses classes, les élèves avaient un caractère plus fort, plus dur, n’étaient pas du genre à se laisser aller après un coup dur. C’était le caractère des personnes maniant la foudre, avec plus ou moins de variante selon le caractère de base. En résumé, Céleste n’avait donc jamais dû discuter avec un enfant en difficulté comme Lucas, en dehors d’Alexis. Et voilà le résultat… Désolée, mais elle avait toutes les raisons de penser que parler n’était pas une bonne idée. Seulement, c’était son frère. Elle ne bougea toujours pas, essayant de le calmer ou de le rassurer, improvisant totalement.

Céleste – Si tu as besoin de quelque chose, de parler ou… même de poser des questions qui te semblent stupides, tu sais que tu peux venir vers moi ? Ou aller chez Cyprien, si tu as peur, il n’a jamais mangé d’enfants. Je ne peux pas… apaiser ta peine, mais si tu essaies de repenser aux choses qui t’ont fait sourire, aux bons souvenirs avec Alexis et nos parents, ça finira par passer.

C’est, du moins, ce qu’elle s’efforçait de croire vis-à-vis de sa sœur. Ne penser qu’aux bons souvenirs, évacuer les disputes, garder en mémoire les sourires, les rires. Même si ignorer toutes les disputes était difficile, voire impossible. Mais elle ne pouvait l’avouer à Lucas, il avait été choyé durant toute sa vie, il ne devait sûrement pas avoir de souvenirs fondamentalement mauvais au point de l’empêcher de sourire. Et puis, il était jeune. Justement, il était jeune… Il était naïf, avait besoin de repères, avait besoin d’un au revoir, d’un départ en douceur. D’où le cimetière et le fait de parler avec Emilie… Mais c’était à double-tranchant. Raaah, elle ne savait pas ! Céleste s’écarta un peu de son frère, l’incitant à lever la tête vers elle avec deux doigts qu’elle venait de poser sous son menton.

Céleste – Si… Si jamais tu es triste, tu peux venir nous trouver. Mais sortir de l’appartement en pleine nuit, seul, avec les dangers qu’il y a dehors, c’est impossible. Tu as risqué ta vie, ce soir, Lucas. Qu’aurait dit Alexis en voyant ça ? Tu dois être prudent, grandir, vivre, rire. Maintenant… Si tu as envie d’aller voir Emilie et de jouer un peu avec elle, tu n’es pas obligé de te cacher. Tu as raison, elle a besoin de compagnie. Si tu veux, nous pourrons y aller ensemble, de temps en temps, mais je resterai pour te protéger en cas de danger. Qu’en dis-tu ? Et si tu as des questions, évidemment, j’y répondrai. Je veux seulement te protéger et t’aider comme une grande sœur.
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MessageSujet: Re: Play with me   Play with me EmptyVen 25 Nov - 14:39

Peut-être que c’était possible de communiquer avec les morts, tous les morts, même ceux qui n’avaient laissé aucune trace d’eux-même sur cette terre, comme Emilie et Alexie, toujours présents, en tant que fantômes. Peut-être qu’à force en s’entraînant, on pouvait les entendre et peut-être leur parler ? Il ne savait pas et n’avait pas osé interroger Emilie sur le sujet, pour ne pas lui faire repenser à ce qu’elle avait perdu. Il savait juste qu’elle était morte dans ce grand hôpital car son papa et sa maman n’avaient voulu d’elle. Comme la papa et la maman d’Alexis, c’était pareil, ils ne voulaient pas de lui. Sa grande sœur le souleva tout à coup un peu pour le prendre dans ses bras, en murmurant son prénom juste au moment où il était prêt à lui dire qu’il y a plein de parents qui abandonnaient leurs enfants à cause de leur pouvoir et que c’était cruel. Même chez les adultes, ça devait exister, il y a des grands qui devaient avoir connu ça, c’était sûr.

– Je suis désolée pour tout ce que tu viens de vivre, Lucas…, finit-elle par dire, tête toujours sur la sienne. Je sais que ça fait beaucoup de nouvelles choses, que tu dois avoir peur, et que tu n’aimes pas cette école. Mais ce n’est pas pour cela que tu dois te réfugier dans le monde des morts… Nos… papa et maman t’entendent sûrement de là-haut, il suffit que tu leur parles, comme je te parle, en y croyant très fort.

Mais ça ne marchait pas, puisqu’ils ne répondaient pas ! Et qu’il n’y avait aucun signe qu’ils entendaient vraiment. Ils étaient… « endormis » pour de bon, eux. Partis si loin qu’ils ne pouvaient plus rien savoir de ce qui arrivait dans le monde des vivants, alors que Emilie, elle, y avait encore un pied. Les gens qui étaient vraiment partis pour de bon n’entendaient plus, le lien était coupé, ça ne reviendra pas. C’était Emilie qui lui avait dit ça le premier jour, que les morts qui arrivaient à tout couper avaient de la chance car eux au moins en souffraient plus. Ce n’est que maintenant que Lucas commençait enfin à accepter ça, que le cordon était coupé et que mis à part les souvenirs, il ne restait plus rien, il avait perdu tout contact. Le soir, lorsqu’il regardait une photo de ses parents, il essayait d’imaginer où ils étaient en ce moment et si leur voyage s’était bien passé. Il se demandait aussi pourquoi des gens n’arrivaient pas au bout de ce voyage et restaient sur cette terre et si ça pouvait être un choix. Un vrai choix, quelqu’un voulant rester comme fantôme dans ce monde, pour on ne sait quelles raisons. Pour continuer d’être avec ses proches ou voir ec que la planète allait devenir, au fil des époques ?

– Si tu as besoin de quelque chose, de parler ou… même de poser des questions qui te semblent stupides, tu sais que tu peux venir vers moi ? Ou aller chez Cyprien, si tu as peur, il n’a jamais mangé d’enfants. Je ne peux pas… apaiser ta peine, mais si tu essaies de repenser aux choses qui t’ont fait sourire, aux bons souvenirs avec Alexis et nos parents, ça finira par passer.

Allez chez Cyprien … ? Hein, mais, il habitait déjà ici ! Pourquoi elle disait ça de façon aussi bizarre ? En plus, ils dormaient dans la même chambre, Lucas le voyait le soir, avant d’aller dormir. Mais ce n’était pas de poser des questions qu’il voulait, il voulait juste retrouver sa vie d’avant, avoir un père, une mère, une vie normale sans don, rentrer à Toulouse, retrouver ses copains et copines, ne pas avoir peur de quoi que ce soit en sortant de chez lui, vivre… comme tous ses copains, sans peur ni honte, sans avoir à se méfier de tout le monde dans la rue ! Il n’aimait pas ce village… Les gens ne parlaient pas beaucoup, les autres enfants ne voulaient presque jamais aller jouer dehors et leurs parents disaient non, en criant de rester à proximité. On entendait parfois des bruits étranges et même des cris, il y avait des voitures de l’armée qui passaient souvent et en plus, il n’y avait pas d’association de jeux pour les petits ou d’activités dehors. Céleste s’écarta un peu et le poussa à relever la tête, pendant qu’il luttait pour ne pas fondre à nouveau en larmes. Il voulait juste… Des repères, une vie normale… Ses parents. Céleste, ce n’était pas pareil, c’était sa sœur. Une sœur dont il n’avait jamais entendu parler et qui débarquait comme ça dans sa vie pour l’emmener loin de sa ville natale, dans un endroit détestable.

– Si… Si jamais tu es triste, tu peux venir nous trouver. Mais sortir de l’appartement en pleine nuit, seul, avec les dangers qu’il y a dehors, c’est impossible. Tu as risqué ta vie, ce soir, Lucas. Qu’aurait dit Alexis en voyant ça ? Tu dois être prudent, grandir, vivre, rire. Maintenant… Si tu as envie d’aller voir Emilie et de jouer un peu avec elle, tu n’es pas obligé de te cacher. Tu as raison, elle a besoin de compagnie. Si tu veux, nous pourrons y aller ensemble, de temps en temps, mais je resterai pour te protéger en cas de danger. Qu’en dis-tu ? Et si tu as des questions, évidemment, j’y répondrai. Je veux seulement te protéger et t’aider comme une grande sœur.

Il n’y avait vraiment qu’ici, dans ce village, qu’on pouvait songer qu’il puisse y avoir du danger dans un cimetière, que ce soit de jour ou de nuit. Lucas détourna le regard puis se tortilla pour se dégager de l’étreinte de sa sœur, filer au sol puis courir dans sa chambre et claquer la porte. Tout était dangereux, ici ! Se promener dans la rue, seul ou en groupe, parler aux villageois, explorer les alentours du village, jouer dans le parc ou près du lac, tout était dangereux… Lucas prit le nounours en kit qu’il avait terminé de coudre et assembler il y a peu de temps et le garda dans ses bras en s’asseyant par terre contre le lit, serrant la peluche contre son cœur. Il y fourra son visage pour y pleurer doucement, les épaules tremblantes et jambes ramenées contre lui.
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