Invitation du soir [PV Haiko]

PNJ Takamori Einosuke, 22 ans

Bloc-notes dans une main, crayon de bois dans l’autre, Takamori était occupé à faire le tour de l’élevage pour le recensement hebdomadaire de ses insectes, maintenant que la boutique était elle aussi fermée. Chaque samedi soir, le rituel était immuable, il ne fermait que le dimanche, dans la semaine, la veille était donc l’occasion parfaite de faire le point et préparer la semaine suivante. Pour une fois, d’ailleurs, il n’était pas seul. Son plus jeune frère était de visite, ce soir, et comme Takamori avait fermé plus tard qu’escompter, il l’avait entraîné avec lui dans l’élevage en attendant de terminer son travail. Il se pencha vers une ces plus grosses cages pour compter le nombre de scarabées dedans, tout en demandant les dernières nouvelles à son petit frère. Remarquant qu’il se tenait parfois le bras, quand il croyait qu’on ne le voyait pas, l’aîné finit par se retourner franchement vers lui, tapotant son crayon contre le bloc-notes.

Tu as été blessé ou quoi ? Pourquoi te frottes-tu souvent l’épaule ?

Il pouvait s’asseoir en attendant que ce travail soit terminé, s’il était blessé ou fatigué, de toute façon. L’éleveur lui lança ensuite qu’il pouvait attendre dans un coin, s’il préférait, car lui-même n’en avait pas pour une heure, avant de finir ici. Tss, de toute façon, Haiko n’avait jamais été prudent, pas étonnant qu’il se blesse tous les quatre matins ! Son aîné leva les yeux au ciel à cette pensée, exaspéré, puis poursuivit son travail. Il mit encore trente bonnes minutes avant de tout terminer, tout en parlant avec son frère, pendant le tour des cages. Il allait aux sources chaudes naturelles, donc demain, avec des amis, tant mieux pour lui, c’était sympathique. L’eau lui fera du bien, au moins, puisqu’il était un peu blessé. Revenant au petit bureau, dans un coin de la grande pièce, il rangea ses affaires et ses documents, avec rapidité, puis invita son petit frère à le suivre.

Takamori occupait une toute petite maison, située juste derrière sa boutique et les deux larges pièces servant pour son élevage. Une maisonnette toute simple de quelques pièces seulement. Une chambre, une cuisine, une pièce à vivre, une pièce pour se laver avec un baquet en bois, une autre, petite, qui lui servait de cellier, et enfin, une sorte de placard extérieur où il mettait son vélo et quelques outils. C’était un endroit simple et peu décoré, où il vivait seul, depuis quatre ans, maintenant. Il lança à Haiko de s’installer, pendant que lui allait dans la cuisine. Les deux pièces n’étaient séparées que par une embrasure de porte, pas même un rideau ni rien, toutes deux de toute façon assez petites. Mis à part quelques photos de famille ici et là, et deux paysages peints à la main, accrochés au mur, la décoration restait très sommaire.

N’oublie pas, au fait, que c’est dans deux semaines que Shigeru et Mariko fêtent leurs fiançailles. Et d’apporter quelque chose.

Il le lui rappelait encore car il savait très bien que leur plus jeune frère était parfois tête en l’air et pourrait ne pas s’en souvenir. Shigeru, lui aussi, avait parfois peur qu’il oublie. Il était le deuxième frère de la fratrie et out aussi sérieux que leur aîné. Tous deux avaient à peine 10 mois de différence, leur mère s’amusait à raconter ça, d’ailleurs, à quel point elle avait été surprise de retomber enceinte aussi vite après la naissance de Takamori. Ce dernier lança un regard en biais vers son frère pour être sûr qu’il avait bien entendu, et bien compris surtout, le message avant de se remettre à ses fourneaux.

Tu me racontais toute à l’heure que vous devez aller aux sources, demain, qu’il y aura Genji aussi. Quand est-il revenu au pays, au juste ? Des rumeurs commençaient à circuler, tu sais. Certains disaient qu’il ne voudrait plus revenir, comme son oncle, qu’il préférait rester vivre pour de bon à l’étranger. Même avec la guerre.

Lui aussi avait dû entendre ce qui se racontait, non ? Le fait qu’un autre membre de cette famille parte ainsi, si loin, ça avait fait beaucoup jaser.

Voilà déjà un moment que son frère le plus âgé l’avait invité à venir manger chez lui, un soir, il y a au moins… Oh… Deux ou trois semaines, facilement. Il n’avait pas eu beaucoup de temps pour ça. Haiko se frotta un peu le bras puis les yeux, en marchant dans la rue, un bâillement aux lèvres, alors qu’il n’était pas encore bien tard, pourtant. Longue semaine, très longue semaine, et ce n’était pas fini, demain, il allait aux sources chaudes avec des amis. Il aurait bien aimé se coucher tôt, ce soir, mais bon, après, son frère allait commencer à lui reprocher qu’il les évitait ! Il s’énervait tout le temps et pour n’importe quoi, Haiko le savait bien et ne comptait pas donc pas lui donner une raison de plus de s’agacer. Il avait même apporté une bouteille, comme cadeau pour son hôte, et arriva alors que son frère fermait tout juste sa boutique. Pas en avance, lui non plus, beaucoup de travail aujourd’hui ? Il alla déposer sa veste et la bouteille à la maison, avant de le suivre dans son élevage, les mains dans les poches, pour discuter, le temps qu’il finisse son travail pour ce soir.

Franchement, comment son frère aimait travailler avec autant de bestioles, ça le dépassait complètement. Haiko en, avait peur, lui ! Peur qu’ils ne s’échappent et viennent grouiller ou s’accrocher à ses vêtements… Brrr… Pourtant, il en avait déjà mangé certains, son frère savait aussi les cuisiner, mais de là à les élever, les nourrir ou en prendre soin… ça le dégoûtait ! Takamori faisait son recensement de la semaine, tout en discutant avec lui. Haiko déambulait de son côté dans l’élevage tout en lui parlant et se frottant de temps en temps l’épaule, pour faire passer un peu la douleur. Il regardait toutes ces bestioles avec attention, en essayant de comprendre ce qu’on pouvait bien leur trouver. Le goût de certaines n’était pas si mal, d’accord, mais il fallait savoir bien les cuisiner. Vraiment, non, il y avait des insectes qui… Juste les imaginer s’approcher de vous librement… Quelle horreur… Pourquoi Takamori n’élevait pas des chats, plutôt ? Les chats, au moins, c’était mignon ! Et ça n’avait pas plein de pattes toutes fines qui… brrr…

– Tu as été blessé ou quoi ? Pourquoi te frottes-tu souvent l’épaule ?

– Hein ? Heu… Oui, je me suis fait mal pendant un entraînement, cette semaine.

D’où l’avait-il vu ?! Il n’était pas entièrement concentré sur toutes ses cages, il y a une minute ? Haiko leva les yeux au ciel à son tour, à la remarque suivante, et soupira, avant de répondre que c’était bon, il n’avait pas besoin de rester tranquille dans un coin ou de se mettre au repos. Il n’était pas si fragile ! D’ici deux ou trois jours, ça sera complètement passé, inutile d’en faire un drame. Le jeune homme changea plutôt de sujet, parlant de la sortie prévue demain, puis de ce qui se passait dans le village en ce moment. Les minutes défilèrent, à discuter de tout et de rien, ils avaient finalement comme de petites nouvelles à s‘échanger et commenter. Il faut dire que tous les deux avaient un travail prenant et avaient moins d’occasions de se voir, depuis un an ou deux. Un peu plus d’une demi-heure plus tard, Takamori rangea finalement ses affaires, puis ils rentrèrent dans sa maison. Haiko se déchaussa rapidement à l’entrée et alluma la lumière du salon- salle à manger, pendant que son frère se dirigeait juste à côté, dans cuisine.

Ce n’était pas bien grand, ici… La maison toute entière devait faire la même taille que l’appartement que Haiko partageait avec deux amis, au village. C’était dire. Il s’assit face à la table basse, sur un coussin, en tailleur, observant rapidement la « décoration » ambiante. Pour son frère rigoriste, c’était sans doute parfait, mais aux yeux du jeune artiste, cet endroit était toujours aussi glauque et déprimant. Deux pauvres peintures, six ou sept photos qui se battaient en duel et voilà tout ! Du mobilier restreint au strict minimum, très peu d’espace, pas d’effets personnels ci ou là, juste des objets usuels, rangés au millimètre près, dans un ordre parfait. Même les quelques livres étaient si bien rangés qu’on se demandait presque s’ils avaient déjà été bougés un jour. Haiko pensa à sa chambre, la comparant sans le vouloir et se disant qu’à côté, son antre personnel était un bordel infâme. Ou plutôt, qu’il avait une chambre normale, là où son frère aîné vivait comme dans une cellule de moine.

– N’oublie pas, au fait, que c’est dans deux semaines que Shigeru et Mariko fêtent leurs fiançailles. Et d’apporter quelque chose.

– Pas de problème, marmonna-t-il d’un ton presque blasé.

Il n’allait quand même pas oublier les fiançailles de leur frère ! Le jeune homme se retint à très grande peine de répondre au regard de son ainé en lui tirant la langue, comme un gamin de quatre ans, et eut de la chance, comme Takamori retourna vers sa cuisine avant que Haiko ne succombe à la tentation.

– Tu me racontais toute à l’heure que vous devez aller aux sources, demain, qu’il y aura Genji aussi. Quand est-il revenu au pays, au juste ? Des rumeurs commençaient à circuler, tu sais. Certains disaient qu’il ne voudrait plus revenir, comme son oncle, qu’il préférait rester vivre pour de bon à l’étranger. Même avec la guerre.

– Depuis une semaine ou deux, à peu près, je l’ai revu l’autre jour. Et puis, quelles rumeurs ? Il n’a été en France que pour s’entraîner avec son don et découvrir un peu un autre pays, pas pour y disparaître à jamais ! Son oncle n’était pas parti pour les mêmes raisons, non ? Genji n’a pas voulu abandonner son pays, et en plus, il n’a pas passé que quelques mois en France.

Il se sentait presque obligé de le défendre, c’était plus fort que lui. Autant par amitié que parce qu’il était agacé de ce que les gens pouvaient raconter sans cesse dans le dos des autres. Son frère n’allait quand pas s’y mettre, lui aussi, par pitié ! Haiko soupira très longuement puis ajouta qu’il n’écoutait pas les rumeurs, de toute façon, dans le village, ça le fatiguait, ce genre de bêtises.

– Il ne va pas très bien, tu sais. Ça date d’avant son départ pour l’Europe. Il faut être sympa, avec lui, il a passé des années compliquées. Tu ne vas pas te mettre aux rumeurs, toi non plus, non ? Quand même… Je ne suis pas venu pour critiquer les autres dans leur dos mais passer une soirée tranquille. Tu as besoin d’aide, pour cuisiner ?

PNJ Takamori Einosuke, 22 ans

Depuis une semaine ou deux, à peu près, je l’ai revu l’autre jour. Et puis, quelles rumeurs ? Il n’a été en France que pour s’entraîner avec son don et découvrir un peu un autre pays, pas pour y disparaître à jamais ! Son oncle n’était pas parti pour les mêmes raisons, non ? Genji n’a pas voulu abandonner son pays, et en plus, il n’a pas passé que quelques mois en France.

Oh, pourquoi réagissait-il si vivement pour une simple question … ? Takamori se retourna à moitié vers son petit frère, sourcils légèrement froncés, en arrêtant d’éplucher un instant les carottes qu’il tenait. Il n’avait pas reproché à Genji d’avoir passé du temps en France, peu importe la raison, encore moins à son oncle d’être parti lui aussi, il n’avait qu’énoncer un fait, se déroulant en ce moment dans le village. Rien d’agressif ni d’insultant, ce n’était qu’un simple fait. Son petit frère semblait très agacé par les rumeurs, on dirait bien… Il se tourna à nouveau vers les légumes et son couteau, une petite moue aux lèvres. Franchement… Il ne servait à rien de se mettre dans des états pareils. *Il ne s’agace pas aussitôt quand il défend ses amis, d’habitude…* songea-t-il en se mettant à coup les carottes en petites rondelles. *Tu es fatigué, petit frère.* Ou bien il y avait encore autre chose…

Il ne va pas très bien, tu sais. Ça date d’avant son départ pour l’Europe. Il faut être sympa, avec lui, il a passé des années compliquées. Tu ne vas pas te mettre aux rumeurs, toi non plus, non ? Quand même… Je ne suis pas venu pour critiquer les autres dans leur dos mais passer une soirée tranquille. Tu as besoin d’aide, pour cuisiner ?

Je ne t’ai énoncé qu’un fait, sans aller dans les critiques et sans même détailler lesdites rumeurs. Il n’y a pas eu d’insulte émise non plus, tu te montes la tête. Reste assis, tu es fatigué.

Le ton n’admettait aucune réplique, Takamori ne comptait pas le laisser venir s’agiter dans la cuisine quand il se trouvait dans cet état, il serait bien capable, en plus, de se couper avec un des instruments… tout en épluchant et en coupant les légumes, le jeune homme surveillait de temps si l’eau dans sa marmite, qu’il avait mise plus tôt sur le feu, commençait ou non à bouillir. Quand ce fut le cas, il y ajouta les légumes et le sel, réduisant le feu, puis posa le couvercle à moitié par-dessus. En attendant que ça cuise, avec le riz, il prépara l’apéritif sur un petit plateau de bois et apporta tout sur la table, devant son frère. Du shōchū, acheté juste ce matin pour l’occasion ! C’était assez fort, par contre, celui qu’il avait acheté avoisinait les 30°. Il servit l’alcool dans de petits verres en céramique, avec de quoi grignoter, quelques morceaux de fruits de saison, des noix et des cacahouètes.

Tu ne t’énerves pas aussitôt, d’habitude, quand tu veux défendre un de tes amis. Tu ne t’énerves même pas tout court, d’ailleurs… Je ne pensais pas que ça allait te faire réagir à ce point. Genji t’avait manqué à ce point-là, dis-moi ?

Il ponctua sa question en avalant, cul sec, la gorgée contenue dans le verre minuscule, avant de resservir, puis de prendre un bout de fruit pour grignoter, le tout en regardant son jeune frère en coin. Il était curieux de découvrir les dessous de cette réaction étonnante…

Que penses-tu de lui, dans le fond ?

– Je ne t’ai énoncé qu’un fait, sans aller dans les critiques et sans même détailler lesdites rumeurs. Il n’y a pas eu d’insulte émise non plus, tu te montes la tête. Reste assis, tu es fatigué.

Le jeune homme faillit répondre puis se retint à la dernière seconde. Il retomba assis sur le coussin avec un petit soupir, en se sentant bien idiot tout à coup. D’accord, d’accord, peut-être s’était-il un peu monté la tête pour pas grand-chose, d’accord… Il fit une petite moue quand même puis s’étira de tout son long, tombant presque à la renverse sur le dos, en tendant les bras, essayant d’étirer aussi l’épaule pour avoir moins mal. Tactique assez sauvage et brute, certes, mais efficace, il se sentit un peu mieux quand il se redressa d’un bloc. Bah, d’ici quelques jours, ça sera réglé ! Il attendit ensuite assez tranquillement, pendant que son frère s’affairait dans la cuisine, mains derrière sa nuque, comme un oreiller, bavardant un peu avec Takamori. Il aurait pu l’aider quand même, il n’était pas si fatigué que ça. Ni blessé gravement, ce n’était qu’un petit froissement.

Il se pencha assez souplement pour attraper le seul livre non rangé de la pièce, sur un coin de bureau, et le feuilleta, curieux de savoir ce que son aîné lisait pour se détendre. Ce n’était pas un roman, comme il avait d’abord cru, mais un livre d’histoire, sur l’ère Edo. Incroyable, ne se détendait-il donc jamais avec un bon roman d’aventure ou même une revue illustrée ? Haiko reposa le livre, quand son frère revint s’asseoir avec lui, en apportant l’apéritif. Eh bah, il avait investi dans une bonne bouteille, ce garçon, ce truc-là était fort. Il l’aida à installer les petites coupelles et les deux verres, sur la table en bois massif, en s’asseyant plus correctement. Lorsqu’il ne faisait pas, il avait souvent droit à des reproches. Takamori servit l’alcool, dans deux minuscules verres de céramique, qui ne pouvaient contenir qu’une ou deux petites gorgées. D’habitude, même, ce genre de boisson se prenait dans des petites coupelles. Il ne devait plus en avoir à la maison.

– Tu ne t’énerves pas aussitôt, d’habitude, quand tu veux défendre un de tes amis. Tu ne t’énerves même pas tout court, d’ailleurs… Je ne pensais pas que ça allait te faire réagir à ce point. Genji t’avait manqué à ce point-là, dis-moi ?

– Pas mal, oui.

Il enleva la coque d’une des cacahouètes puis l’avala, avant de boire le contenu de son verre à son tour. Ouch, il était plutôt fort, celui-ci, son frère n’avait pas fait dans la dentelle. Cela dit, il tenait bien l’alcool, à condition évidemment de ne pas en boire des litres. L’odeur des légumes, et celle du riz surtout, commençait très doucement à se répandre jusqu’à eux, ouvrant l’appétit. Tant que Taka ne lui servait pas des scarabées grillés, ça lui allait très bien ! Il avait dû en manger… peut-être trois ou quatre fois au maximum, leurs parents en avaient fait une fois pour les fêtes, de mémoire, et sinon, il avait goûté lors de fêtes ou pendant le nouvel An. Certaines sauterelles avaient un goût de poult, ce n’était pas mauvais, par contre, Haiko était une de ces personnes obligées de fermer les yeux avant de croquer dans ce genre de trucs, pour oublier ce qu’il s’apprêtait à manger. Il ne pouvait s’empêcher d’avoir peur que la bestiole, pourtant grillée, se remette d’un coup à bouger.

– Que penses-tu de lui, dans le fond ?

– Eh bien… On est assez opposés, au niveau du caractère. Il est un peu comme toi, toujours hyper sérieux, même si lui n’est pas colérique.

Il adressa un sourire taquin à son frère. Ce n’était pas pour le vexer, hein, il savait bien lui-même qu’il s’énervait très facilement ! Haiko but un peu avant de reprendre, réfléchissant en même temps à comment il pourrait décrire tout ça. Ils se connaissaient depuis des années, avec Genji, et ne même temps, il était souvent dur de comprendre ce qui passait par la tête de son ami, tant il était renfermé et n’exprimait pas grand-chose.

– Je le trouve très gentil, finit-il par dire. Assez mignon, d’ailleurs. Il ne parle pas beaucoup mais il comprend facilement son entourage ou ce qu’il vit. Pas le genre à s’emporter, sourire souvent ou… Je ne sais pas trop comment décrire ça. Je l’aime bien. Il a une présence rassurante, même s’il ne s’en rend pas compte, il apaise.

PNJ Takamori Einosuke, 22 ans

Eh bien… On est assez opposés, au niveau du caractère. Il est un peu comme toi, toujours hyper sérieux, même si lui n’est pas colérique.

Eh ! L’aîné lui renvoya un froncement de sourcils, en réponse au sourire goguenard de son petit frère, une petite moue aux lèvres. Il n’était pas si colérique que cela, merci bien. Bref, revenons-en au sujet, « comme lui », si on exceptait la petite pique qui avait suivi, cela signifiait que Genji était un garçon sérieux et mature, n’est-ce pas ? Qu’il ne courrait pas n’importe où et n’importe comment ? Car son petit frère avait besoin de ça de ça aussi, de personnes, parmi ses amis, qui avaient la tête sur les épaules. C’est qu’il pouvait être encore si gamin, bien souvent ! Il suffisait de le regarder pour le réaliser… Il se coiffait même avec des rubans et des petits accessoires, comme les femmes, au lieu de garder les cheveux raides dans le dos ou bien attachés très simplement, avec un nœud serré, en queue-de-cheval. Lui qui avait déjà un visage androgyne, ça ne lui ferait pas de mal d’abandonner cette manie.

Un petit sourire lui monta aux lèvres quand la précision « assez mignon » vint se mêler au reste de la réponse. Voilà qui confirmait en partie ses intuitions. Lorsqu’il en parlait comme ça, c’est vrai que ça rendait une image d’un garçon assez sûr, quoi qu’il soit visiblement dépressif, d’après ce que Haiko lui avait dit plus tôt. Un mélange pas forcément très rassurant, car ce type de personnes avait une nette tendance à encore plus out garder pour elle, renfermant bien de trop de leurs émotions pour leur propre bien, jusqu’au jour où tout leur explosait finalement à la figure. Il hocha doucement la tête, en grignotant une cacahouète, assez pensif. Sérieux et déprimé, voilà ce qui ressortait de la conversation pour le moment. A présent, était-ce quelqu’un de bien, pour son frère, voilà où était toute la question. Il voudrait bien s’en assurer par lui-même, cependant, pour le moment, il devait se contenter d’écouter son frère.

C’est plutôt bien qu’une personne puisse t’apaiser, souligne-t-il. Je suis peut-être colérique, mon cher petit frère, mais toi, il est certain que tu n’es encore trop vif, toujours à courir partout. Il faut aussi savoir se poser, je e l’ai déjà répété cent fois !

Ce qui voulait bien évidemment dire que s’asseoir trois minutes par jour seulement n’entrait pas dans les critères du repos. N’est-ce pas ? Il lui renvoya un regard aigu, avant de se radoucir un petit peu en voyant sa moue. C’était aussi comme ça, qu’il l’aimait beaucoup, cela dit, il s’inquiétait que son caractère ne finisse par lui amener des ennuis, que ce soit à son travail ou ailleurs. La rigueur, c’était important. Il les servit tous les deux, puis se leva rapidement pour aller vérifier la cuisine. Le tout mijotait encore tranquillement… Il prit une petite louche et versa un peu dans une coupelle, pour goûter ce que ça donnait, puis augmenta légèrement le feu sous la marmite. Il revint s’asseoir à table ensuite, en disant qu’ils allaient manger d’ici quelques temps. Il devait commencer à avoir faim, lui aussi.

Tout en buvant et en grignotant, il fit un peu parler son frère sur l’amitié qu’il entretenait avec ce petit jeune, enfin, jeune, d’un an de moins, somme toute. Haiko ne leur avait jamais beaucoup parlé de ses amis, lorsqu’ils vivaient encore tous ensemble à la maison. Ça ne s’était pas arrangé depuis que chacun d’entre eux s’était envolé du foyer familial pour aller travailler dans une autre ville. Lui et Haiko étaient restés au village, mais leurs deux autres frères étaient partis en ville pour travailler. C’était d’ailleurs là-bas que Shigeru avait rencontrée sa belle amie, maintenant devenue sa fiancée. Hirobumi, le troisième de la fratrie, commençait lui aussi à fréquenter une jeune femme, depuis très peu de temps. Ne restait donc que l’aîné et le benjamin, qui n’étaient pas en couple. Pour le moment, leur père ne s’en inquiétait guère, mais il ne faudrait pas que cela dure au-delà de leurs vingt-cinq ans…

La conversation finit par en arriver sur ce terrain, au bout d’un moment. Parler de Mariko, leur future belle-sœur, et de la nouvelle petite amie de Hirobumi, une certaine Gozen. Il ne connaissait pas son nom de famille et ne l’avait encore jamais rencontrée, pas plus que son petit frère. Hiro-kun en parlait comme une jeune femme confiante, du même âge que lui, qu’il avait rencontré à son entreprise, où elle travaillait comme assistante comptable. La facilité avec laquelle leurs frères avaient trouvé une compagne le dépassait un peu.

Tu penses au mariage, parfois ?

Comment ça, c’était bien d’avoir une personne qui pouvait l’apaiser ? Il paraissait si agité que ça ? Trop, trop vif, trop vif… Il fit une petite moue, sous le reproche de son grand frère, puis eut la surprise de le voir s’adoucir un peu avec ça. Eh, des fois, il ne se mettait pas en colère ! Haiko laissa retomber sa tête contre son bras, à moitié couché sur la table, pendant que son aîné allait surveiller ce qu’il avait mis à cuire. Il but le contenu de son verre avec un léger soupir, sentant le rouge commencer à lui monter aux joues, puis mangea quelques beaux de fruits pour compenser et repousser le début de la sensation d’ivresse. Puis se redressa vite fait quand Takamori revint s’asseoir avec lui, histoire de ne pas prendre une remarque sur son « attitude trop relâchée » et le fait qu’il ne se tienne pas droit. Des fois, il se demandait d’ailleurs pourquoi son frère n’était pas devenu moine, plutôt, il avait le profil pour.

Avec l’alcool, Haiko, déjà d’un naturel plutôt enjoué et bavard de base, avait la langue encore plus facile. Sans trop le réaliser, il parlait bien plus et n’eut vite, après deux gorgées de plus, aucune difficulté à partager bien des détails de plus sur son amitié avec Genji et les souvenirs qu’ils gardaient ensemble. Il y en avait pas mal, mine de rien ! Il riait beaucoup plus facilement, aussi, quand il avait un peu bu. Son frère allait surveiller la cuisine, plus longtemps, tandis que lui-même avait finalement repris une posture plus relâchée et moins formelle, malgré ses résolutions. Du sujet de l’amitié, ils passèrent à celui de l’amour, notamment à Mariko, qui allait très officiellement devenir leur belle-sœur d’ici peu de temps, et à Gozen, la nouvelle petite amie du troisième garçon de la fratrie. Et qui sait, peut-être que c’était sérieux aussi ?

Shigeru et Mariko vivaient déjà ensemble depuis un an, environ, dans un petit appartement du centre-ville. Il travaillait comme gardien de nuit pour son entreprise. Quant à Mariko, pour le moment, elle était vendeuse dans un commerce de vêtements traditionnels. Et quittera sûrement son emploi une fois mariée, comme la très grande majorité des femmes, pour devenir mère au foyer. Hirobumi, de son côté, était commercial, un nouveau poste obtenu il y a quelques mois. Gozen, s’il avait bien compris, était comptable, ou assistante comptable, quelque chose du genre… Il ne les voyaient pas beaucoup, à vrai dire. Pas que la ville soit loin, mais bon, avec le travail, chacun sa petite vie à mener, ce n’était pas toujours si évident ! Leurs parents n’aimaient pas beaucoup que deux de leurs fils soient partis vivre et travailler en ville, cela dit, ces temps-ci, il fallait prendre le travail là où il se trouvait.

– Tu penses au mariage, parfois ?

– Moi ? se mit-il à rire. J’ai dix-huit ans ! Non, non, évidemment, je n’y pense pas du encore. C’est plutôt toi qui devrais y penser, grand frère, t’es le plus âgé de nous quatre.

Il posa sa tête contre ses bras, couché sur la table, en continuant à rire à gorge déployé. Le mariage ! Non mais vraiment, il était trop jeune encore. Dans deux ans, d’accord, peut-être un an, il ne savait pas, ça ne dépendait pas lui. Bah, il n’était pas en état de réfléchir, de toute façon, il avait bu. A tâtons, il attrapa la main de son grand frère et la serra, juste comme ça, sans raison, puis il tourna la tête, toujours couchée, vers lui avec un large sourire. Les joues assez rouges et le regard très brillant.

– Même si je voulais faire ma vie avec un garçon, qu’est-ce que tu dirais ?

PNJ Takamori Einosuke, 22 ans

Moi ? se mit-il à rire. J’ai dix-huit ans ! Non, non, évidemment, je n’y pense pas du tout encore. C’est plutôt toi qui devrais y penser, grand frère, t’es le plus âgé de nous quatre.

J’y pense !

Il termina son verre avec un léger hoquet, lui aussi avec les joues assez rouges, maintenant, et le regard plus brillant, comme s’il était sur le point de pleurer. Il ne s’agaçait même plus de la position tout sauf respectable de son petit frère, puisque lui non plus n’était plus assis correctement. Et puis, et puis… Il aimait bien entendre Haiko rire, même s’il ne lui avait jamais dit. Il avait un rire entraînant, qui vous marquait, et vous donnait envie de l’écouter durant des heures. Son petit frère lui attrapa tout à coup le bras, juste au-dessus du poignet, et le serra. Sans raison apparente, à moitié couché sur la table et la tête tournée vers lui, plus souriant que jamais. Il allait quand même pas vomir, hein ? Takamori se frotta les yeux de l’autre main, pensant juste maintenant que, ouais, peut-être que l’alcool qu’il avait acheté était un peu trop fort.

Même si je voulais faire ma vie avec un garçon, qu’est-ce que tu dirais ?

Tout dépend quel garçon. Si c’est un type bien ou pas.

Nouveau hoquet, puis il toussa un peu, avant d’ajouter qu’il voulait surtout que ce soit une personne sérieuse, qui puisse veiller sur lui, et faire très attention. Il n’avait rien contre les hommes aimant les hommes, la société non plus, même si, depuis un peu moins de dix ans, ça commençait un peu plus à être mal vu. Enfin, surtout dans la capitale, en fait, parce qu’il y avait un petit pourcentage d’étrangers, et apparemment, sur les autres continents, les gens n’aimaient pas voir deux hommes ou deux femmes ensemble. Allez donc comprendre pourquoi. Mais bref, donc ça signifiait que son petit frère craquait bel et bien sur le jeune membre de la famille Nakajima ? Intéressant, ça ! Mais est-ce que l’inverse était vrai aussi ? Son frère ne semblait pas vraiment savoir, aucun des deux n’avait encore jamais parlé de ce sujet, entre eux deux. Rah là là…

Il se détacha de l’emprise sur son bras pour aller encore vérifier l’état de la cuisine, puis lancer que c’était prêt. Il se fit aider d’Haiko pour tout installer sur la table, puis servir les plats. L’eau vint aussi prendre sa place, à côté de la bouteille d’alcool. Manger eut le très grand mérite de lui éclaircir un peu les idées et lui faire recouvrer sa contenance. Pfiou… Il ne tenait pas très bien les boissons trop forte, et le savait très bien, mais c’était comme ça, pour ce genre d’occasions, ça n’allait pas non plus les tuer. Ce riz sentait très bon, il le prenait au village, c’était cultivé à quelques kilomètres du village seulement, dans les collines. Il tendit la sauce allant avec à son petit frère, dans un bol, puis profita d’abord de manger, un moment, en silence.

Tu as déjà parlé, sérieusement, de ce que tu peux ressentir ? Face à lui ?

– Tout dépend quel garçon. Si c’est un type bien ou pas.

Ah, il avait rien contre, c’est bon ? Haiko lui sourit, puis fit de nouveau une petite moue quand son frère ajouta que ça devait une personne sérieuse, qui veille sur lui, qui soit prudente, qui fasse attention. Rah là là, ce discours-là, il allait bien finir par en rêver la nuit, à force de l’entendre ! Bah, au moins, il était content d’entendre que son frère aîné n’avait rien contre ce genre de rêvasserie, car oui, pour le moment, ce n’était rien de plus qu’un simple rêve. Il se leva à son tour pour l’aider à mettre la table et apporter les plats dessus. Mine de rien, il commençait à mourir de faim ! Ils discutèrent peu, dans un premier temps, car manger les aidaient à caler l’estomac, après avoir bu, et réduisait la sensation d’ivresse. Haiko avait l’habitude de boire, pourtant, mais rien à faire, dès que l’alcool était trop fort, il devenait soûl assez vite. Plus joyeux, encore plus que d’habitude, plus souriant si c’était possible, beaucoup plus bavard, puis une heure ou deux plus tard, il s’endormait comme une masse et on ne pouvait plus le réveiller, même en le secouant bien fort.

– Tu as déjà parlé, sérieusement, de ce que tu peux ressentir ? Face à lui ?

Haiko faillit bien s’étouffer avec le morceau de poulet qu’il venait de prendre et plaqua d’extrême justesse sa serviette contre sa bouche pour tousser et ne pas en mettre partout. Il imaginait d’un coup la scène, parler de ça à Genji, à haute voix, mais face à lui, vraiment ! Son frère lui tapota dans le dos pour l’aider à recracher dans sa serviette, puis le jeune homme dû aller jeter ladite serviette dans a poubelle et en prendre une autre. Il but de longues gorgées d’eau avant d’enfin reprendre ses esprits, les larmes aux yeux tant il avait toussé.

– Comment tu veux que je lui en parle ? Non mais, je veux dire… Où ça, en allant chez lui, juste comme ça ? Et si des membres de sa famille sont là au même moment ? Qui sait ce qu’ils pourraient en penser ? Si jamais sa mère ou son père me mettait dehors aussitôt ? Ou si lui-même e criait de partir ? En plus, je ne crois pas qu’il ait déjà pensé à ce genre de chose, même une fois dans sa vie. A l’école, nulle part… Il ne regardait jamais les filles ! Est-ce qu’il s’est déjà demandé s’il voulait être en couple un jour ? On ne l’a encore jamais vu avec une copine ou juste flirter avec quelqu'un. Ce n’est qu’en France qu’il a enfin été en couple avec une jeune fille, puis ils se sont séparés… Je ne veux pas lui rappeler de mauvais souvenirs ou l’effrayer, et surtout, je suis un garçon, c’est…

Il s’interrompit tout net en réalisant le flot de paroles qu’il avait sorti à la volée, presque sans reprendre son souffle et sans une très grande cohérence. Manger, d’abord, au moins un peu… Et le temps de laisser son grand frère déjà digérer tout ça. Il se concentra un instant sur le riz, très bon, d’ailleurs, et mangeant plus prudemment le poulet pour ne pas s’étouffer avec. C’était juste assez compliqué… Genji sortait tout juste d’une relation amoureuse, achevée à cause de la guerre en plus, il ne voudra sans doute pas s’intéresser à quelqu’un d’autre avant un moment. Sans compter qu’il avait aimé une fille, pas un garçon. Alors Haiko, lui, quelle chance pourrait-il bien avoir. Voilà longtemps qu’il savait préférer les hommes, de son côté, mais draguer un garçon qui lui avait été en couple avec une femme… ce serait bien une histoire à le faire fuir.

– Il a été en couple avec une femme, après tout. Tu ne crois pas que je le ferai fuir, surtout ?

PNJ Takamori Einosuke, 22 ans

Eh, eh, eh, holà, ne t’étouffe pas ! Takamori bondit à moitié de sa place puis tapota dans le dos de son frère pour l’aider à recracher dans la serviette ce qui lui restait coincé dans la gorge. Lorsqu’il alla jeter la serviette ensuite, il lui servit un grand verre d’eau et lui dite de boire. Quelle réaction ! L’aîné lui fourra le verre d’eau dans les mains en lui répétant de boire et de reprendre son souffle, allez. Ce n’est qu’une fois assuré que Haiko n’alla pas s’étouffer sur place qu’il se rassit lui-même et reprit son propre verre. Qu’avait-il bien pu dire de si terrible pour que son petit frère s’en étouffe, franchement ? Il lui avait juste demandé s’il lui avait parlé de ses sentiments ! Ce n’était quand même pas si délicat ! Non ? Il avait juste à aller le voir, lui dire calmement ce qu’il pouvait ressentir et lui demander ce que lui en pensait. Takamori reprit son bol en main pour manger un morceau de volaille, puis but un peu, sans quitter son cadet du regard.

Comment tu veux que je lui en parle ? Non mais, je veux dire… Où ça, en allant chez lui, juste comme ça ? Et si des membres de sa famille sont là au même moment ? Qui sait ce qu’ils pourraient en penser ? Si jamais sa mère ou son père me mettait dehors aussitôt ? Ou si lui-même me criait de partir ? En plus, je ne crois pas qu’il ait déjà pensé à ce genre de chose, même une fois dans sa vie. A l’école, nulle part… Il ne regardait jamais les filles ! Est-ce qu’il s’est déjà demandé s’il voulait être en couple un jour ? On ne l’a encore jamais vu avec une copine ou juste flirter avec quelqu'un. Ce n’est qu’en France qu’il a enfin été en couple avec une jeune fille, puis ils se sont séparés… Je ne veux pas lui rappeler de mauvais souvenirs ou l’effrayer, et surtout, je suis un garçon, c’est…

Ah… Le flot de paroles se tarit soudainement, laissant le jeune homme à la fois étonné et perplexe, sans trop savoir quoi penser de tout ça. C’est vrai qu’ils ignoraient comment la famille de Genji considérait ce genre de choses. Il y a des familles réprouvant les relations entre deux personnes du même sexe. Et puis, puisque Genji avait eu une copine en France, il ne s’intéressait sans doute effectivement pas aux garçons, c’est juste. Takamori y réfléchit un instant, tout en continuant à manger, comme son frère d’ailleurs. Peut-être en trouvant un moyen détourné d’aborder le sujet et voir comment les gens réagissaient ? Ou… Il ne savait pas vraiment… Le silence dura ainsi tout un moment, tandis que les deux mangeaient sans lâcher un mot. Ils entendaient juste les cliquetis discret d’une petite pendule posée près de l’entrée, ainsi que les bruits des verres quand ils les reposaient sur la table en bois, et le bruit discret de leurs baguettes.

Il a été en couple avec une femme, après tout. Tu ne crois pas que je le ferai fuir, surtout ?

Aucune idée ? Et comment savoir sans avoir tenté de toute façon ? Takamori haussa d’abord un peu les épaules, en répondant qu’il ne pouvait pas le savoir, et Haiko non plus, sans avoir au moins tenté une fois sa chance. Que pouvait-il lui dire d’autre ? Il n’était pas dans la tête de ce garçon et ne le connaissait pas assez pour anticiper ses réactions.

Si tu lui en parles malgré tout, tu n’es pas non plus obligé de le faire devant sa famille au grand complet ! Tu peux lui parler dehors ou je ne sais où, quand vous êtes juste tous les deux. Et s’il te renvoie balader, eh bien, tu auras au moins essayé. Il n’est plus en couple, non ? Ce n’est comme si tu voulais briser une union qui fonctionne bien. Passe du temps avec lui, invite-le à venir te voir dans une de tes représentations ?

Aaah, tenter sa chance… Ouais, d’accord, c’était le seul moyen, mais quand même ! Haiko lâcha un gros et lourd soupir mêlé d’un long gémissement, très exagéré, en partant à moitié en arrière, les yeux levés au ciel. Son frère disait ça comme si c’était la manœuvre la plus facile à faire, dans ce monde ! Il se redressa la seconde suivante d’un bloc, pas très bien assis, puis but un autre verre pour se détendre, suivi d’un verre d’eau, avant de reprendre son repas. A la base, il ne s’était pas imaginé qu’il parlerait de ça à son grand frère, en venant lui rendre visite ce soir, au fait… Comment en étaient-ils venus à cette conversation, au juste ? Il ne se souvenait plus ! Bah, peu importe. Peut-être qu’en buvant plus, il s’en souviendra ? Il posa un regard déjà à moitié glauque sur son verre et son cerveau lui souffla enfin que ce n’était pas une si bonne idée.

– Si tu lui en parles malgré tout, tu n’es pas non plus obligé de le faire devant sa famille au grand complet ! Tu peux lui parler dehors ou je ne sais où, quand vous êtes juste tous les deux. Et s’il te renvoie balader, eh bien, tu auras au moins essayé. Il n’est plus en couple, non ? Ce n’est comme si tu voulais briser une union qui fonctionne bien. Passe du temps avec lui, invite-le à venir te voir dans une de tes représentations ?

– Il voudrait essayer, déjà, mon travail. Enfin, non, je veux dire, rencontrer la troupe et voir si ça pourrait lui plaire.

Il avait déjà envoyé une lettre à leur chef de troupe, vers le milieu de la semaine, mais Haiko ne savait pas si le patron avait eu le temps de s’en occuper ou non, étant donné qu’ils avaient eu beaucoup de travail cette semaine. Il verra sans doute ça demain, au calme ! Ou la semaine prochaine, c’était à voir. En tout cas, Haiko avait hâte que son ami puisse venir voir sur place ce que ça donnait, qu’il essaye lui-même, qu’il se renseigne, et pourquoi pas, les rejoindre vraiment ! Oui, ça, ça lui plairait vraiment. Il résuma rapidement à Takamori ce qu’il avait dit à Genji, sur ce métier, et pourquoi c’était mieux qu’il voit tout de lui-même. Enfin, de toute façon, c’était comme ça avec n’importe quel métier dans le monde, sans aller voir ce qu’il en était, comment être sûr qu’on était vraiment taillé pour ça ? A moins de ne pas avoir cette question à se poser et tout simplement reprendre le métier de ses parents.

– Demain, on va aux sources, je te l’ai déjà dit, mais on ne sera pas seul. Je voudrai bien qu’il vienne voir un de nos spectacles, même s’il est accompagné, on aura peut-être un peu de temps après la scène pour discuter. J’ai peur que ça fasse trop brutal ou direct, si je lui demande, qu’on parte faire un tour, juste nous deux.

Il fit un vague geste de la main, avec ses baguettes, pour illustrer son propos. Takamori devait comprendre ! Ce serait… heu… Bizarre ou… Comment le dire plus clairement ? Haiko n’était pas un expert en drague ou en approche ! Il avait flirté, parfois, même inconsciemment selon ce que lui avait dit un ami, mais jamais, encore, il n’avait vraiment essayé de faire comprendre à une personne en particulier qu’il avait envie d’être avec elle. Ça n’avait jamais été sérieux, jusque là, que des petits jeux, des petites amourettes d’adolescent, comme on en voit des centaines entre jeunes de leur âge. C’était la première fois qu’il avait peur de blesser les sentiments de quelqu’un. Il cherchait des exemples à suivre, quelque chose…

– Tu sais comment on fait nos frères, eux, pour se stabiliser ? Comment ils s’y sont pris, pour draguer leurs copines ?

PNJ Takamori Einosuke, 22 ans

Parce qu’il comptait devenir comédien aussi, le petit ? Bah, alors, c’était parfait, pour son petit frère, il aura tout le temps qu’il veut pour lui faire comprendre qu’il craquait dessus ! Il l’écouta expliquer ce qu’ils s’étaient dit sur ça, une petite moue aux lèvres. Bon, il avait fini par s‘habituer, évidemment, mais ça restait quand même étrange pour lui de se dire que son plus jeune frère travaillait dans une troupe de théâtre, qu’il chantait et dansait pour gagner sa vie… Qu’il devait se maquiller, souvent, jouer des instruments de musique, qu’il… Enfin… Ce n’était pas très… Il trouvait ça dangereux, car ça pouvait s’arrêter du jour au lendemain, et c’était aussi assez peu sérieux, comme mode de vie. Il y avait tant de rumeurs, sur les comédiens, les artistes et tout ce qui s’ensuit ! Certains, même, disaient qu’ils n’apportaient rien de sérieux à l’économie du pays, qu’ils dépendaient des autres pour vivre, et donc qu’ils étaient comme des parasites.

Demain, on va aux sources, je te l’ai déjà dit, mais on ne sera pas seul. Je voudrai bien qu’il vienne voir un de nos spectacles, même s’il est accompagné, on aura peut-être un peu de temps après la scène pour discuter. J’ai peur que ça fasse trop brutal ou direct, si je lui demande, qu’on parte faire un tour, juste nous deux.

Oh là, il avait failli laisser échapper son morceau de volaille, en jouant avec ses baguettes. Le jeune homme avait esquissé un geste pour le rattraper au vol, c’est qu’il avait obtenu de sacrés réflexes à force de travailler avec des insectes, mais ce ne fut finalement pas la peine. Doucement, mon vieux, avec la nourriture… Il toussa un peu puis but un peu d’eau, les joues toujours assez rouges, c’était saisissant, par rapport à son teint habituel.

Tu sais comment on fait nos frères, eux, pour se stabiliser ? Comment ils s’y sont pris, pour draguer leurs copines ?

Je crois que Shigeru et Mariko se sont rencontrés à un stand, au Temple près d’où ils vivent actuellement, durant une nuit du nouvel an, il y a … deux ou trois ans, je crois. Je ne sais pas vraiment comment il se sont abordés, Shigeru a juste dit qu’elle lui avait tout de suite plu, qu’ils avaient beaucoup parlé dès cette nuit-là et qu’ils continué à se voir ensuite. Ils ont accroché tout de suite, quoi, c’était assez simple. Hiro-kun a rencontré sa copine avec son nouveau travail, un peu par hasard, quand il a visité l’entreprise où elle travaille, il y a quelques mois… Apparemment, elle le trouve assez sérieux et stable pour vouloir le fréquenter.

Hirobumi et Gozen étaient tous les deux très à terre, pragmatiques et du style à tout planifier de A jusque Z, pas étonnant qu’ils se soient plu, ils avaient le même caractère. Des quatre frères, Hiro était celui qui avait le plus de mal à accepter que le plus jeune de la fratrie se soit tourné vers le théâtre, car à ses yeux, ce n’était pas un métier sérieux, juste un simple passe-temps. Il lui reprochait d’ailleurs souvent de ne pas être assez mature, de ne pas penser à son avenir et qu’il ne trouvera jamais d’épouse, à ce compte-là. S’il savait que Haiko ne comptait effectivement pas se chercher une épouse, au final… Il le prendrait sûrement mal, oui, tant, dans son esprit, le devoir d’assurer une descendance à la famille était un quasiment sacré. Quant à Shigeru, il était plus détendu, niveau caractère, mais Takamori ne pouvait présumer s’il acceptera bien ou mal ce genre de nouvelles.

Il évoqua avec lui quelques pistes, dans tous les cas, pour aborder en douceur ces sujets, avec Genji. Après tout, si son cadet était heureux avec un autre garçon, pourquoi pas ? Ils étaient quatre frères, deux casés avec des femmes, lui-même allait devoir s’y mettre bientôt, alors la descendance était déjà quasiment assurée ! Ce n’était plus qu’une question de temps, à présent. Quelle importance, si le plus jeune préférait les hommes ? Maintenant, question techniques de drague, il n’était pas non plus le mieux placé comme conseiller, étant lui-même sans copine pour le moment. Il fit de son mieux, voilà tout ! Tout en continuant à manger et boire. Ils prenaient leur temps, l’heure filait, la nuit était tombée depuis déjà un bon moment. A cette heure, le village endormi était si paisible qu’on pourrait presque croire qu’il n’y avait pas d’habitants.

Tu sais déjà ce que sa famille à lui pense des relations homosexuelles ?

– Je crois que Shigeru et Mariko se sont rencontrés à un stand, au Temple près d’où ils vivent actuellement, durant une nuit du nouvel an, il y a … deux ou trois ans, je crois. Je ne sais pas vraiment comment il se sont abordés, Shigeru a juste dit qu’elle lui avait tout de suite plu, qu’ils avaient beaucoup parlé dès cette nuit-là et qu’ils continué à se voir ensuite. Ils ont accroché tout de suite, quoi, c’était assez simple. Hiro-kun a rencontré sa copine avec son nouveau travail, un peu par hasard, quand il a visité l’entreprise où elle travaille, il y a quelques mois… Apparemment, elle le trouve assez sérieux et stable pour vouloir le fréquenter.

Eh bah, entre l’un qui avait eu la chance du coup de foudre réciproque et l’autre qui avait simplement déniché une femme qui était aussi coincée et pragmatique que lui, ce n’est pas le genre d’exemples qui allait beaucoup l’aider ! Il soupira très fort et grimaça, levant un peu son verre sous son nez, avant de le boire d’un seul coup, cul sec. Pas avec leurs deux frères qu’il allait trouver beaucoup de conseils de drague, quoi que, Shigeru aimait le romantisme et il pouvait peut-être donner des astuces, lui aussi. En tout cas, il appréciait beaucoup cet effort, de la part de Takamori ! Alors que lui-même n’avait pas encore de copine, en plus ! Tiens, d’ailleurs, maintenant qu’il y pensait, à part Takamori, qui d’autre savait qu’il était homosexuel ? Il ne l’avait jamais dit à leurs deux autres frères, encore moins à leurs parents, pas très sûr de leurs réactions potentielles. Ni même à ses amis ! Si Haiko avait toujours eu une grande confiance en lui, ce n’était quand même pas le genre de sujet facile à discuter avec ses proches. Sauf à son frère le plus âgé, ça…

– Tu sais déjà ce que sa famille à lui pense des relations homosexuelles ?

– Ah non, pas du tout. Je ne sais déjà pas ce que lui-même en dit. Ils ont une manière de vivre très traditionnelle, quand tu les regardes, je ne sais pas du tout comment ils se positionnent sur tout ça.

Il avait peur que Genji le repousse, purement et simplement, et qu’il ne veuille plus le revoir du tout. Ça, ce serait vraiment le pire scénario ! Va-t-en, ne m’approche plus jamais, ne m’adresse plus jamais la parole… Haiko fit ne moue désolé en pensant à ça, presque les larmes aux yeux, jouant avec ses baguettes dans le riz de son bol, plutôt que de manger. Il aimerait mieux cacher ses sentiments à son ami à tout jamais, au lieu de prendre le risque de le perdre pour de bon.

– Tu es le premier à qui j’en parle, de toute façon, murmura-t-il en évitant de regarder son aîné.

C’était presque ironique. Haiko n’avait pourtant pas eu de relations très proches ou aisées avec tout le reste de sa famille, depuis la petite enfance. Même si ses parents avaient fait en sorte de ne pas l’exprimer, il avait pourtant bien senti qu’il était l’enfant « en trop », la bouche non prévue à nourrir. Évidemment, ni son père ni sa mère ne lui avaient jamais dit, encore moins reproché, c’était un ressenti vu au fil du temps. Quand il avait entendu des petites phrases, à la volée, entre ses parents, qu’il n’aurait jamais dû entendre et qui ne lui étaient pas destinées. Par exemple « Oh, ça, cette fin de mois aurait été plus facile avec seulement trois enfants à charge », ou encore « les dépenses pour la nourriture sont bien fortes, si seulement... », et ainsi de suite. Il savait bien qu’il n’avait été prévu au tableau, que ses parents, avec leur budget, s’étaient fixé une limite impérative de trois enfants au grand maximum.

Et si ce n’était que ça. Avec sa passion pour la musique et le théâtre, son désintérêt total pour l’école et son manque flagrant de discipline, lorsqu’il était enfant, avait déstabilisé et beaucoup agacé toute sa famille. Ses parents comme ses frères. Il s’était beaucoup disputé avec eux, même si ce n’était jamais très grave, ce n’était pas forcément une base très saine pour une relation fraternelle proche ! Et pourtant, aujourd’hui, il se confiait à son frère aîné à cœur ouvert, comme s’il faisait ça depuis toujours. Mais Takamori, malgré son trop grand sérieux et son côté colérique, très prompt à l’énervement, était aussi celui, de ses frères, qui jugeait le moins des autres. Il n’avait que peu de préjugés et ne les laissaient pas influencer son jugement final. Surtout, il avait toujours veillé, malgré les disputes quand ils étaient plus petits, à ce que chacun de ses petits frères se porte le mieux possible.

Il retourna un regard un peu mouillé vers son frère et lui sourit. Juste comme ça. Pour le remercier d’être. Qu’il le comprenne comme ça ou non, ce n’était pas si important.

– Et la nôtre, de famille… ? Comment ils vont prendre ça ?

PNJ Takamori Einosuke, 22 ans

Ah non, pas du tout. Je ne sais déjà pas ce que lui-même en dit. Ils ont une manière de vivre très traditionnelle, quand tu les regardes, je ne sais pas du tout comment ils se positionnent sur tout ça.

Traditionnelle ? Ils ont quand même envoyé leur fils étudier à l’étranger. Même si c’était avec son oncle.

Ce n’était pas très traditionnel, de faire ça, surtout en plein milieu d’un cursus classique au lycée. Je vous jure… Il ne voulait pas juger trop vite, pas sans savoir ce qui s’était passé exactement, par contre, les a-priori et les jugements hâtifs avaient la vie dure. Il eut un léger hoquet et reposa son verre, puis eut un temps d’arrêt en entendant son petit frère lui avouer qu’il était la premier à qui il parlait de ce sujet. Oh… Touché, Takamori en eut presque les larmes aux yeux et tendit la main pour lui frotter un peu l’épaule, un petit sourire aux lèvres. Eh, ne pleure pas ! Il n’y avait pas de raisons particulières que ça se passe mal. Et même si c’était le cas… il s’en remettra bien avec un peu de temps, les chagrins d’amour, c’était comme ça, c’était la vie… Qu’il mange, plutôt, pas la peine de se couper l’appétit à cause de tout ça.

Et la nôtre, de famille… ? Comment ils vont prendre ça ?

Shige-kun ne le prendra pas trop mal, à mon avis… Tant que tu vis honorablement malgré tout. Nos parents et Hiro-kun… Je ne sais pas. Sincèrement, je ne sais pas du tout.

Ils n’avaient jamais abordé le sujet, dans la famille, la question ne s’était même jamais posée. Ils avaient tant entendu qu’il était très naturel de se marier, vers vingt ans, que personne ne s’était demandé ce qui se passait si un des garçons de la fratrie découvrait qu’il préférait les hommes. Il aurait voulu rassurer son jeune frère en lui affirmant que personne ne le prendra mal, qu’il pouvait en parler aussi librement avec eux qu’avec lui, qu’il ne risquait rien, et que chacun sera content de savoir qu’il était amoureux. Mais il ne savait pas si leur famille accueillera la nouvelle avec bonne humeur. Peut-être que le fait que deux garçons sur quatre soient déjà casés et en couple, avec des projets d’enfants, donc une descendance assurée, allait aider leurs parents à envisager la chose d’un bon œil ? Il tenta quand même de rassurer Haiko puis lui dit, avant toute chose, de prendre le temps de voir où ça pouvait le mener, Genji et lui.

De toute manière, même si c’était malheureux de devoir se l’avouer, il ne pouvait pas faire ou dire grand-chose de plus pour l’aider. Il ne pouvait évidemment pas en parler à leur famille à sa place, encore moins aller parler à Genji, ni faire quoi que ce soit d’autre, d’à peu près constructif ou utile, si ce n’est l’encourager, et dans le cas où ça se déroulait mal, le soutenir ensuite. Le repas touchait à sa fin, ils avaient pas mal entamé la bouteille aussi. Takamori les resservit machinalement, puis poussa le second verre vers son petit frère, lui aussi les yeux maintenant bien brillants et le teint plus rouge.

Ne ressasse pas trop, au moins ce soir. Hein ? Tiens, bois un coup, plutôt.

Pas très rassurant, tout ça, même si son grand frère tentait de l’encourager et lui remonter le moral. Il avait raison, de toute façon, il devait d’abord voir ce que ça pouvait donner, ou ne rien produire du tout, entre Genji et lui. Il prit le verre que Takamori remplit à nouveau pour lui, puis trinqua encore avec lui avant de boire. L’alcool lui tournait la tête, même s’ils avaient pas mal mangé, ce soir. Il ne comptait pas ressasser ! Enfin, pas trop. Pas beaucoup. Hum… Pas envie de réfléchir. Il termina son bol et but plus d’eau, un peu nauséeux. C’était chaque fois pareil, il avait rarement la gueule de bois, en revanche, il sentait très vite les effets négatifs de l’alcool prendre toute la place et le rendre un peu malade, sur le coup. Il ne pouvait jamais boire longtemps, assez tôt, il s’effondrait ou s’endormait. Et bizarrement, le le lendemain, il se sentait toujours bien, comme si rien ne s’était passé.

Le repas terminé, il aida son frère débarrasser la table, laver, puis partagea un dernier verre avec lui, avant de le laisser. Takamori le raccompagna dehors, dans la petite cour, jusqu’au portail, puis lui souhaita une bonne nuit. Sur un dernier signe de main, Haiko le salua puis s’avança dans les rues sombres du village endormi. Seule la lumière des étoiles éclairait faiblement son chemin, maintenant, il n’y avait pas un bruit. Il croisa juste un ou deux chats, en pleine chasse nocturne, et rien d’autre. Les bras serrés contre lui pour retenir les pans de sa veste, il marcha très tranquillement pour rentrer, la tête remplie de questions et de doutes subsistant. D’un peu de peur, aussi. Il repensa à ce qu’il avait dit à son frère, à leur famille, à ce que tout le monde pourra penser de lui s’il avouait aimer les hommes… Pouvait-il se permettre de l’avouer, réellement, ou devait-il garder ça secret à jamais, l’enfouir au plus profond de lui et l’oublier ?

Pouvait-on oublier ça ? En rentrant finalement chez lui, il enleva ses chaussures et les laissa tomber dans un coin de la petite entrée sans prendre la peine de les ranger. Après un bref passage dans la salle de bain, il se déshabilla puis s’effondra dans son lit, où il resta comme ça, allongé à plat ventre et les yeux à moitié ouvert, durant un long moment. Oublier, ne pas oublier… Il ne savait même pas si c’était possible. Faire sa vie avec une femme malgré tout… Comment… ? Il ne pourrait pas la toucher. Encore moins avoir des enfants avec elle. Les femmes ne l’attiraient pas, il en avaient comme amies, mais jamais l’une d’entre elle n’avait provoqué la moindre étincelle de désir en lui. On lui mettrait la plus belle des femmes sous le nez, entièrement nue, qu’il n’aurait toujours aucune envie de la toucher. Ce n’était pas quelque chose qui pouvait se contrôler, le désir, c’était… juste comme ça. Non ?

Rah, il n’en savait rien ! Fourrant la tête contre son oreiller, il ferma les yeux et ne mit guère de temps avant de glisser vers un profond sommeil. Un sommeil qui laissa loin derrière lui tous les doutes et toutes les questions possibles, ayant envahit son esprit. Jusqu’au prochain lever de soleil.